Calamités

2 September, 2020 - 13:37

Des indépendances à nos jours, la Mauritanie a eu une bonne poignée de Présidents dont aucun n’est parti de son plein gré d’un pouvoir « d’une certaine saveur », comme disait l’un d’eux. Quasiment tous furent victimes d’un coup d’État généralement fomenté par des proches qu’ils tenaient en excessive confiance. Il y eut certes une ou deux exceptions à ce constat mais qui suffisent juste à confirmer la règle selon laquelle la Mauritanie caracole en très bonne place dans le peloton de tête des pays africains, voire du Monde, ornés du plus grand nombre de coups d’État. Une dizaine de présidents est passée. Certains sont encore vivants. Presque tous ont accepté de quitter le pouvoir sans trop de bruit. Peut être avec quelques regrets mais sans grabuge ni tentation. Un an après son départ de la Présidence, le désormais ex-président Mohamed ould Abdel Aziz ne semble, lui, pas encore bien réaliser qu’il n’est plus aux affaires. Quoique légitimes, ses manœuvres à ne pas accepter de se laisser mettre aussi rapidement à la marge trahissent une certaine amertume d’avoir été « extorqué » d’un pouvoir dont il ne s’est pas encore assouvi. Ses faits et gestes ne semblent guère en adéquation avec sa prétention d’avoir quitté volontairement la Présidence. Et les accusations formulées à son encontre dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire ne font certainement que renforcer son obsession de ne pas « mourir l’arme à la main » et d’avoir vendu chèrement sa peau, plutôt que de céder, de gré ou de force (c’est selon), à ceux qu’il accuse aujourd’hui de le diaboliser ; vouloir, avec ses anciens ennemis, lui régler son compte et le conduire à l’échafaud. Dans une tumultueuse conférence de presse, l’ex-Président a déballé ses pas tout-à-fait ultimes « vérités » et promis de ne pas baisser les bras face à un pouvoir « qui n’a encore rien fait ». Un ex-Président va-t-en-guerre qui use de tout, à la limite de l’abus, pour faire paniquer le système de son ancien « ami de plus de quarante ans », en dévoilant quelques secrets de Polichinelle comme les affaires Omar El Yémeni ou Abdallah Senoussi agrémentées de diverses informations, comme l’augmentation du budget de la Présidence ou du salaire des députés, histoire de « chauffer le sang » d’une certaine opinion qui voudrait surtout en savoir davantage sur la très grosse fortune de cet ex-premier serviteur de la Nation. Mais, quoi qu’il fasse, il est bel et bien dans le collimateur du pouvoir, via rapport d’une CEP au contenu particulièrement compromettant pour lui et beaucoup de ses collaborateurs de la fameuse dernière décennie. Les Mauritaniens ont l’espoir de rentrer en possession de plusieurs centaines de milliards honteusement volés. Le défi du pouvoir de Mohamed Ould Ghazouani est à ce niveau. Beaucoup de Mauritaniens l’attendent là-dessus. Même si certaines choses semblent totalement incompréhensibles en cette histoire d’enquête et de convocations des personnes impliquées dans le rapport. Ainsi l’actuel administrateur directeur général de la SNIM et ancien puissant ministre de l’Économie et des finances de la décennie, Moktar ould Diay, toujours aux affaires malgré ses convocations répétitives par la police chargée de la répression des crimes économiques et financiers. Sans que quiconque ne comprenne ni pourquoi ni comment cette pièce maîtresse du pouvoir de Mohamed ould Abdel Aziz bénéficie d’un tel traitement de faveur. Bah ! Sur cette affaire de CEP et de restitution probable des biens volés par les gabegistes de la dernière décennie, « c’est comme le coronavirus ! », me disait ironiquement quelqu’un : certains y croient, d’autres non. Exactement comme la guerre entre Aziz et Ghazwani : pour certains, c’est sérieux. Pour d’autres, une mise en scène entre deux hommes qui ont beaucoup fait souffrir la Mauritanie et qui ont besoin de cinéma pour l’endormir ! Encore une nouvelle décennie. Nous attendrons de voir. Plus clair.

El Kory Sneiba