Calamités

10 September, 2020 - 10:06

Comme les militaires mauritaniens, leurs homologues maliens viennent de procéder à leur quatrième coup d’État (1968, 2001, 2012 et 2020). Comme les militaires mauritaniens, ils se justifient et promettent des lendemains meilleurs pour la démocratie, la bonne gouvernance et le bonheur des peuples. Tantôt, c’est d’un nouveau départ qu’il s’agit ; tantôt, d’une renaissance dont il est question. Comme toujours à l’occasion d’un changement inconstitutionnel, la Communauté internationale condamne fermement, avant que les récriminations ne cessent au bout de quelques jours, que les putschistes ne deviennent maîtres du jeu et que tous les pays ne commencent à réfléchir à de nouvelles alliances stratégiques avec les nouveaux maîtres de céans. Qui disait que les États n’ont pas d’amis et n’ont que des intérêts ? Les peuples sont ainsi souvent, comme qui dirait, les dindons d’une farce et de quelques promesses sans lendemain. Du 10 Juillet 1978 à maintenant, c’est combien d’années ? Plus de quarante ans (quarante-deux exactement) que le peuple attend des lendemains meilleurs ! Que le peuple constate même un net recul, en termes de prestations, dans les domaines sociaux et des infrastructures de l’État ! Même s’il est admis que comparaison n’est pas raison, peu de gens peuvent nier que le système éducatif et sanitaire des années quatre-vingt n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui et que les installations d’assainissement de la ville de Rosso qui se noie ou de Nouakchott qui nage sont de loin plus efficaces que celles du « le voilà, où est-il ? » pour lesquelles les autorités prétendent avoir mobilisé, entre 2015 et 2018, une bagatelle estimée à vingt-cinq milliards d’anciennes ouguiyas. Depuis plus de quarante deux ans que les autorités parlent de plans, de stratégies et de programmes concoctés « au profit du peuple ». Il ya juste quelques jours, le président de la République Mohamed ould Cheikh Ghazwani a dévoilé un plan de relance (un concept très à la mode COVID 19) de 240 milliards qui vient s’ajouter à toutes les autres promesses électorales et postélectorales déclinées en plusieurs autres centaines de milliards. Dans sa politique générale présentée devant les députés, le Premier ministre s’est « noyé » dans des chiffres et discours pour la mise en œuvre de programmes et d’actions encore et toujours « en faveur du peuple ». Mes Engagements. Mes Priorités. Mes Programmes. Tout en faveur du peuple. Les substantiels financements de certaines institutions comme Taa’zour, la Commission nationale des droits de l’homme ou le Commissariat à la sécurité alimentaire, en plus des milliers de milliards affectés aux départements ministériels et à leurs services régionaux. Les aides au développement, les dettes contractées, les richesses engrangées de la vente des ressources nationales halieutiques et minières, de la signature des conventions et accords avec nos partenaires techniques et financiers. Tout ça pour un peuple de moins de quatre millions d’habitants dont les 7/8 vivent encore dans les conditions les plus inqualifiables de misère, ignorance et maladie. Où va cet argent ? Si tant est que, concrètement, le peuple n’en ressent pas les retombées sur son quotidien. Les missions inscrites aux cahiers de charges de départements comme l’assainissement, l’eau, les points de santé, la construction des hôpitaux et leurs équipements, la lutte contre la pauvreté, le développement agricole et pastoral, la modernisation de l’administration, la réforme de l’école, les infrastructures routières , les politiques d’emploi, le partage équitable des revenus nationaux, la généralisation de la couverture sanitaire et que sais-je encore, ces engagements maintes fois réitérés, où sont-ils ? La déclamation, à l’occasion de discours solennels, de gros chiffres formidablement alléchants est inaudible : Peuple affamé, malade, ignorant n’a tout simplement pas d’oreilles pour entendre des inepties continuellement réchauffées juste utiles à l’endormir et permettre surtout à une bande de mal gouvernants de prendre ses « galettes », avant de partir, comme avant eux d’autre plus mal gouvernants prirent leurs galettes et sont partis.

Sneiba El Kory