Collectif des Avocats de l’Etat mauritanien, partie civile: Dans la Procédure désignée ‘’ Dossier Corruption ‘’

1 October, 2020 - 15:35

Mise au point : Les Avocats de l’ancien Président de la République dans la procédure ci-dessus indiquée ont, dans diverses sorties, médiatiques : 

* soutenu, de nouveau,   allègrement, l’irrégularité des poursuites engagées à l’égard de leur client 

* invoqué le droit de celui –ci à l’observation du silence muet devant les officiers et agents de la police judiciaire en charge de l’enquête préliminaire 

* allégué que la constitution par l’Assemblée nationale de commissions parlementaires d’enquête a été illégale

* affirmé que la mesure tendant à interdire à leur client de sortir en dehors des limites du territoire de la Wilaya de Nouakchott Ouest est attentatoire à sa liberté.

En vue d’éclairer l’opinion publique sur ces différents points, notre collectif tient à apporter les précisions suivantes.

 1- Nos confrères brandissent l’art 93 de la constitution comme un bouclier censé conférer à l’ancien Président de la République une immunité absolue et une impunité totale même pour les délits et crimes de droit commun. Pourtant, ce texte dispose : « le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison ». Il en ressort que cette immunité est bien confinée dans une limite matérielle claire : elle est conférée au Président de la République   durant son mandat et pour les seuls actes rentrant dans l’exercice de ses fonctions.  Or,  les actes de corruption ainsi que les nombreuses  infractions assimilées  ou les crimes et  délits de blanchiment  objet de l’enquête en cours ne peuvent  nullement  être rattachés  à l’exercice  normal  des fonctions  du Président de la République telles que définies à l’article 30 et suivants de la Constitution.  Est-il-utile, par ailleurs, de rappeler que l’auteur de ces actes n’est plus Président de la République ?

 De surcroit, l’irresponsabilité absolue d’une personne pour les faits répréhensibles au regard de la loi    ne peut que heurter la conscience collective de notre peuple et ses valeurs religieuses culturelles et morales. Elle serait par ailleurs en porte à faux par rapport à l'évolution des mentalités sociales, aux nouvelles exigences portées par les progrès de la démocratie   et   aux engagements internationaux de notre pays qui ne peuvent s’accommoder de l'impunité.

 Quant au juge naturel de l'ancien Chef d'Etat, redevenu simple citoyen, il ne peut être   que le juge ordinaire, la Haute Cour de Justice n'étant compétente, comme le précise l'article 93 de la Constitution, que pour le seul cas de Haute Trahison ; l’ancien président de la République pourra bien être soumis aux deux juridictions, parallèlement, chacune selon sa compétence légale propre.  

2-Certes , le  refus obstiné de Monsieur Mohamed  Ould Abdelaziz de répondre à toutes les  questions que lui pose la police  judiciaire sur des faits précis relève de son  droit  de  citoyen et de la ligne de défense qu’il s’est choisi ,  à ses risques et périls . Mais cette attitude dénote de son mépris pour les institutions de l’Etat et la volonté de couvrir d’opacité sa gestion de la chose publique.

3-Le débat soulevé autour de la légalité des commissions d’enquête parlementaires est, quant à lui, aussi artificiel que puéril dès lors que le contrôle de l’action du Gouvernement dans son ensemble est consacré par la Constitution et qu’une loi organique, texte de valeur normative supérieure aux lois ordinaires, est venue approuver le Règlement de l’Assemblée Nationale prévoyant la constitution de telles commissions.

  Ce débat est par ailleurs sans intérêt sur le plan pratique   dans la mesure où l’action judiciaire est déclenchée sur la base des conclusions de l’enquête de la police judiciaire et non sur celles de la commission d’enquête parlementaire.

4- Dans ses interventions faites  ici et là,  le Groupe d’avocats de Monsieur l’ancien président de la République oublie aussi  que si l'article 10 de la Constitution consacre la liberté de circulation des personnes,  il prévoit aussi  qu'elle peut être limitée  par la loi et que c'est précisément   la loi qui donne   au  Procureur de la République,  la faculté de restreindre la liberté de mouvement  de toute personne  suspectée  d’avoir commis  une grave  infraction   . 

Nos confrères ont-ils perdu de vue que le recours par le ministère public à cette mesure au lieu du maintien en garde à vue, dans les locaux de la police, de leur client constitue plutôt un régime de faveur ?    

                                                                                  Le 1ER octobre 2020                                                                

                                                                           Le Coordinateur du Collectif

                                                                                         Le Bâtonnier, Maitre Brahim Ould  Ebetty