Passif humanitaire : Une nouvelle occasion ratée !

1 December, 2020 - 12:52

Comme à chaque célébration de la Fête de l’Indépendance, les veuves, orphelins et rescapés militaires et mêmes civils des années 1989-91 ont tenté de battre le pavé pour interpeler le président de la République sur leurs martyrs en plusieurs casernes de l’armée, notamment à Inal. Pour les ayants droit de ces victimes, cela fait plus de trente ans que la célébration de l’Indépendance a cessé d’être l’occasion de manifester leur joie pour se transformer en rituel de deuil. Aussi réclament-ils que la lumière soit faite sur cette page sombre de notre histoire. Mais leur combat n’a cessé de se heurter, depuis, à la loi d’amnistie votée par le Parlement en 1993 sous Ould Taya, pour protéger les bourreaux de leurs époux, pères ou frères...

Aucun chef de l’État n’a accepté de les écouter, voire compatir à leur douleur, excepté Ould Abdel Aziz en 2009. Au lendemain de son coup de force très contesté contre feu le président Sidi ould Cheikh Abdallah, le général, qui cherchait visiblement à faire avaler sa félonie, avait tenté de rallier tous ceux qui couraient derrière le dossier dit du « Passif humanitaire » que Sidi ould Cheikh Abdallahi avait décidé de régler, en s’engageant à organiser le retour des déportés. Pour beaucoup, c’est cette décision qui avait valu à l’homme de Lemden sa déposition par les militaires du HCE.

Ould Abdel Aziz réactiva ses relations au sein de la communauté négro-africaine. Dans la foulée, il décidait de reconnaître « la responsabilité de l’État », mais pas de l’armée, dans les exécutions extrajudiciaires puis demandait pardon le 25 Mars 2009, à l’occasion de la prière aux morts  organisée à Kaédi. Le lendemain même, il décide d’octroyer des aides sociales aux veuves et rescapés… qui se transforment en véritable cadeau empoisonné pour les intéressés : le collectif des victimes de la répression (COVIRE), se divise ; interface avec le Président, son bureau présidé par Sy Abou Bocar se voit contesté dans la gestion des indemnisations octroyées, via le général Dia à qui Ould Abdel Aziz a confié la gestion du dossier. Le discours vole très bas, les contestataires accusent le bureau dont le mandat est achevé de refuser d’être remplacé.

Après une querelle de légitimité (récépissé), une partie des adhérents fonde un nouveau cadre de coordination des collectifs de veuves, orphelins, rescapés militaires et civils, ainsi que rapatriés volontaires (Moyto koota)... Depuis, chacun tire la couverture de son côté et les ayants droit en pâtissent. Ils marchent en rangs dispersés, affaiblissant leur force et affectant leur combat. Les différentes tentatives de réconciliation se sont toutes soldées par un échec. Les chapelles politiques dont se réclament les divers groupes peinent à peser sur le dossier. Menée, selon nos informations, par l’ex colonel Anne Amadou Babaly, la dernière tentative de concilier ceux-ci est toujours en cours ; une première réunion de concertation a été organisée le 30 Août, avec l’objectif de trouver un cadre consensuel de concertation entre les différentes parties.

Pendant ce temps, les veuves, leurs orphelins et les rescapés continuent de souffrir. Les maigres pensions qu’on leur a dispensées ne leur ont pas permis de sortir de la misère. Et tous de réclamer la lumière, encore et encore, inlassablement, sur ce qui s’est passé dans les casernes militaires entre 1989 et 1991. Une exigence qui passe, impérativement à leurs yeux, par quatre devoirs incontournables : devoir de vérité, devoir de mémoire, devoir de justice et devoir de réparation. Un slogan systématiquement scandé à chacune de leurs marches. Inadmissible à tous les présidents passés à la tête du pays depuis Ould Taya. Tous ont refusé d’annuler la loi d’amnistie de 1993 : l’armée doit rester une institution « intouchable ».

 

Toujours pas d’issue…

Après avoir échoué à rencontrer le président Ghazwani à qui elles avaient demandé une audience, le collectif des veuves et des orphelins, rejoint par des rescapés issus du cadre de coordination des victimes des évènements de 1986-2005, se sont rassemblés au carrefour Madrid ce 28 Novembre, avec l’objectif de marcher vers la tribune officielle, comme ils l’avaient fait l’an dernier à Akjoujt. Les forces de l’ordre les en ont empêchés et des escarmouches s’en sont suivies. Quelque trente-six personnes sont en suivant arrêtées à Nouakchott et à Bababé. Réparties dans les commissariats du Ksar et d’Arafat, elles y ont passé la nuit avant d’’être toutes libérées le lendemain, sous la pression des collectifs, proches et autres partis politiques. Ce 28 Novembre aura donc été, lui aussi, une nouvelle occasion ratée d’échanger avec le président Ghazwani sur un douloureux dossier qui a ébranlé l’unité nationale et mine toujours les rapports entre les diverses communautés du pays. Les amalgames restent entretenus par les extrémistes de tous bords. Il n’y aurait donc aucune issue un tant soit peu heureuse au drame ?

DL