L’autonomie, une option viable pour la Mauritanie

14 December, 2014 - 12:56

Avant toute chose, permettez-moi de remercier tous ceux qui ont pris la peine de réagir (positivement ou négativement) à la proposition des  Forces Progressistes du Changement (FPC), Ex-FLAM, concernant la nécessité de l’application de l’Autonomie en Mauritanie. Il est heureux  de voir que notre choix suscite un intérêt particulier de la part de certains intellectuels et/ou politiques du pays. Mais surtout la sincérité et l’honnêteté de certains compatriotes maures donne l’espoir qu’une Mauritanie juste et démocratique est possible. À mon tour, je tenterai de répondre aux différentes analyses faites de notre programme politique.  Ainsi, mon commentaire se fera sur deux niveaux : d’une part, une considération des attaques politiciennes et subjectives de certains adversaires politiques et d’autre part  une réponse aux inquiétudes légitimes émises par d’autres compatriotes plus sincères. 

 

Sitôt  notre organisation révélait son option politique, certains compatriotes militant au sein des partis au pouvoir commençaient leurs attaques contre les FPC en nous accusant d’être des ‘’séparatistes, divisionnistes, extrémistes, et des racistes…’’  À dire vrai, ces diatribes ne nous ont pas surpris. Déjà, il y a de cela un an, je publiais un article ‘’La Mauritanie : quel modèle de gouvernement choisir ‘’ dans lequel je définissais ce que j’entendais par autonomie en disant que ‘’par autonomie, j’entends différentes régions qui s’auto- gouvernent partiellement par leurs propres lois mais sans séparation les unes des autres’’. C’était une anticipation aux délires de ces racistes. Mais pour ce genre de détracteurs, tout ce que nous proposons est jugé d’office comme négatif sans même qu’ils prennent le temps d’en connaître le contenu. Les faits et la substance de nos propositions ne les intéressent pas. Il me semble que cette catégorie de personnes est mue, non pas par l’intérêt de la nation Mauritanienne unie, mais par un agenda exclusiviste en faveur du système d’État discriminatoire. Mr Ahmed Jiddou Aly dans son article intitulé ‘’Parler de l’autonomie  ne constitue pas une hérésie ‘’ révélait que le gouvernement en 2009 avait commandité une étude pour un projet de décentralisation et/ou autonomie en Mauritanie. Dès lors comment comprendre les comportements d’Ould Maham, du président de Ravah et leurs semblables. Une attitude de deux poids et deux mesures : d’une part condamner avec violence le projet du parti des FPC tout en taisant l’étude faite par leurs alliés au gouvernement qui, pourtant, militent pour le même principe. Les tenants du système discriminatoire et raciste en Mauritanie continuent de camper dans du mensonge. Ils ne réalisent pas que les temps ont changé. Désormais avec le développement du social-medias, les moyens de communication rendent audibles les discours contradictoires à ceux des autorités démagogues. S’ils ne font pas attention, ils réaliseront très tard que la lecture et l’assimilation des mémoires d’Adolf Hitler « Mein Kampf » et l’emprunt du style et des techniques de Joseph Goebbels ne garantissent pas une propagande réussie à tous les coups.

 

Pendant que les défenseurs du système discriminatoire se mobilisent pour tuer l’espoir d’une Mauritanie réconciliée avec elle-même, nous, aux FPC, continuerons à chercher des solutions viables aux difficultés de la cohabitation de nos populations dans l’intérêt de toutes les communautés mauritaniennes sans distinction aucune. Et nous redoublerons nos efforts pour faire partager notre projet avec tout en chacun. Alors, je concentrerais mes énergies en direction de ceux et celles, qui de bonne foi, ont fait part de leurs inquiétudes par rapport à l’option autonomique de notre organisation. Je m’intéresse plus particulièrement aux contributions formulées par  les Sieurs Bocar Oumar Ba et Ahmed  Jiddou Aly. En effet, ces deux honorables compatriotes reconnaissent au Président Samba Thiam et son parti, les Forces Progressistes du Changement (FPC), le mérite d’un certain courage politique. Ahmed Jiddou va même jusqu’à dire qu’il partage le principe de l’autonomie. Cependant, tous les deux ont fait part de leurs réserves auxquelles je me fais le devoir de réagir.

 

En effet, mon cousin Bocar Oumar Ba pense qu’il fallait des préalables avant d’officialiser le projet d’autonomie.  En clair, les FPC, Ex FLAM, ont péché par l’amateurisme et le manque de préparation. Pour lui, l’autonomie ne devait concerner que le sud de la Mauritanie car philosophiquement on ne peut pas demander l’autonomie de soi et celle de quelqu’un d’autre en même temps. Enfin, il a soulevé le problème du découpage territorial qu’il faut résoudre.  Pour Mr. Ahmed  Jiddou Aly la principale difficulté se trouve dans le choix de quatre grandes régions. Quelque chose qui semble laisser la situation inchangée car au vu du nombre de la population et la superficie du pays, l’autonomie ne changera pas l’ingouvernabilité du pays. Mais surtout certaines communautés vont perdre un certain pouvoir, dont ils jouissent dans la situation actuelle, et qu’elles ne se retrouveront pas dans le grand ensemble des grandes régions préconisés par ce projet autonomique.

 

Pour répondre à ces inquiétudes et reproches, je vais tout d’abord rappeler les différentes étapes des orientations politiques prises par notre organisation. Les FLAM ont connu trois grandes orientations : l’État Unitaire, le Fédéralisme et l’Autonomie. On peut dire que chaque période correspond à une situation politique donnée du pays. Le rôle joué par le sentiment des militants (espoir ou scepticisme) dans la vie commune de nos différentes communautés était primordial à ces différents choix.

 

Ainsi, à la création des FLAM, en 1983 jusqu’en 1990, l’État unitaire n’a jamais été remis en cause malgré le système discriminatoire en vigueur. Nous avions toujours pensé que si la volonté de changer le racisme d’État se matérialisait, il sera toujours possible de vivre en harmonie dans un État unitaire. Mais après que Taya ait mis en application sa politique de denégrification du pays par le génocide, la déportation et l’emprisonnement de la population noire non harratine du pays, les FLAM ont opté pour le fédéralisme. Durant la période des années 1990 jusqu’en 1998 certaines voix du coté de nos compatriotes maures commencèrent à s’élever contre les abus du système discriminatoire. Le langage de vérité se faisait entendre de la part de ceux comme Jamal Ould El Yessa, Habib Ould Mahfoud (paix a son âme), Hindou Mint Ainina, Chbih ould Mélanine, Mohamed Ould Dougui (paix a son âme) et d’autres encore. Ce courant progressiste au sein de la population maure pouvait permettre une renaissance de l’espoir dans le cœur de certains flamistes. Mais ce n’était pas suffisant tellement qu’ils étaient minoritaires. Alors nous avions jugé qu’il était approprié de revoir notre orientation politique. Ainsi, les congressistes ont opté pour l’Autonomie comme projet politique de notre organisation aux assises de Dakar en 1998.

 

De 1998 à 2014, depuis 16 ans les militants des FLAM travaillent activement et réfléchissent continuellement sur l’applicabilité de l’option de l’autonomie dans notre pays. À différentes occasions, que ça soit au moment des Assemblées générales des sections ou dans la préparation pour les différents congrès, les militants se sont penchés sur cette orientation pour approfondir leur connaissance par rapport à ce concept d’autonomie. Et à chaque fois les militants ont majoritairement choisi la reconduction de cette ligne politique. Je crois pouvoir dire en toute objectivité que seize ans de réflexion sont loin d’être négligeables pour un choix d’une orientation politique. En tout cas, la qualification  de ce projet du ‘’bâclage’’ et de la ‘’précipitation’’  semble être inappropriée et même excessive. 

 

Par ailleurs, devrions-nous limiter la proposition de notre projet aux seules populations noires du sud ? Y aurait-il une contradiction philosophique entre le fait de vouloir sa propre autonomie et en même temps celle des régions des maures ? A la première approche, et surtout si nous raisonnons en termes d’antagonisme des intérêts, il peut sembler logique que la contradiction est évidente. Mais regardons de plus près la signification philosophique du concept. Sans rentrer dans une  dissertation  philosophique, chose qui ennuierait nombre de mes lecteurs, mais je pense qu’Il est peut être important de revisiter la source philosophique, politique et morale du concept de l’autonomie dans certains de ses aspects. Emmanuel Kant  a fait de l’autonomie un élément central de sa réflexion sur l’obligation morale basée sur la raison. C’est dans notre capacité de nous autogouverner que chacun trouve la justification  de considérer son prochain comme un être plein qui mérite  égal respect. En effet, l’autonomie est considérée par nombre de penseurs comme une raison morale d’égalité de tous les individus.  Quant à John Stuart Mill, il pense que le concept de l’autonomie renferme une valeur intrinsèque qui est un des éléments du ‘’ bien être’’. Comme l’autonomie a un caractère vertueux que nous aimons détenir, alors nous devons le vouloir pour notre prochain. Par conséquent, par analogie, et en combinant les deux positions (de Kant et de Mill) nous déduisons que c’est du bon sens de vouloir son autonomie et celle des autres. C’est ce qu’on appelle dans le domaine moral et éthique, la règle d’or : ‘’traite ton prochain comme tu aimerais être traité’’.

 

Sur le plan purement politique, cette revendication nationale apparaît encore comme plus justifiée. Les FPC, qui se veulent un parti national, ne pouvaient ignorer toute une partie de la Mauritanie dans son programme politique. Pour une question de viabilité politique et économique, le sud a besoin de certaines ressources des autres régions pour se développer. Chose qui est valable pour les autres régions aussi.

 

Maintenant, que faut-il dire des reproches communs de Bocar et d’Ahmed concernant le droit des minorités dans différentes régions et le problème de découpage territorial. Il est opportun de préciser que l’autonomie préconisée par les FPC ne se repose pas exclusivement sur le communautarisme ; elle prend aussi en compte les liens historiques et géographiques du pays. Craindre de la marginalisation de certaines communautés dans certaines provinces serait oublié la réalité des relations entre certaines de nos populations. Il n’y a pas d’homogénéité parfaite des peulhs par exemple pour empêcher une autre communauté minoritaire à accéder au pouvoir. Si cette homogénéité existait, on n’en serait pas là aujourd’hui dans cette situation de dépendance politique. L’autonomie pensée par notre organisation n’interdit pas qu’un membre d’une communauté minoritaire ait le pouvoir local. Un maure qui est reconnu dans son amour de bien faire pour les populations du sud, par exemple, n’aurait aucun problème d’être élu gouverneur, préfet ou maire. Et ce principe devrait aussi être valable pour n’importe quel noir vivant dans la zone à majorité maure. J’avoue que la tendance actuelle me réconforte dans mes convictions de voir l’instauration d’une société idéalement démocratique en Mauritanie. De plus en plus, nous remarquons une volonté d’ouverture d’esprit qui se manifeste tous les jours en plus de ceux qui avaient commencé il y a déjà une vingtaine d’années. Je veux parler de notre camarade Ould Babah des FTC, Ahmed Jiddou, Ould Bettar, mon ami et frère Ahmed Fall Sidatt et tant d’autres encore.

 

Sur le point spécifique du découpage en quatre régions, je ne pense pas qu’il y aurait un problème majeur comme  Ahmed l’entrevoit. D’abord, la division se fera en régions et celles-là seraient reparties en provinces. Par ailleurs, la situation géographique et sociale peut sembler énorme aux yeux de tout le monde, mais en réalité quelque millions de personnes avec un million de kilomètres carré ne seraient rien dans un pays que nous voudrons être développé. Une fois que nous arriverons à résoudre le problème d’infrastructure, le développement des réseaux de transport et de communication, le problème d’ingouvernabilité sera vite résolu.

 

Enfin, je partage l’adage rappelé par Ahmed Jiddou Aly selon lequel ‘’le diable se cache derrière les détails’’ comme on dit de ce côté de l’Atlantique ‘’the Devil Is in the détail’’. Mais doit-on reprocher au parti FPC de ne pas avoir une règle droite et un crayon bien taillé pour réussir un trait parfait du découpage territorial ? Le 25 Mai 1961, Président John F. Kennedy donnait un discours devant le parlement Américain pour annoncer son projet d’envoyer un homme sur la lune et de le ramener intact sur terre.  Les responsables de l’époque de la NASA et ‘’Mercury Project’’, des astronautes qui travaillaient pour la réussite de ce voyage pensaient que président Kennedy était fou car ils n’étaient pas prêts techniquement et matériellement. Pourtant le 20 Juillet 1969 Neil Armstrong réussissait sa mission. C’est dire tout simplement que le propre de l’homme politique c’est d’avoir une vision et de pouvoir communiquer cette vision aux techniciens et professionnels pour l’exécuter. À chacun son rôle, il s’agit de bien le jouer !

 

Mamadou Barry

Conseiller du Président des FPC-