Le Calame : Le FNDU vient de se doter  d’un nouveau bureau  dont vous êtes membre.  Quelle  mission  lui a-t-il été assignée  dans  la mise en œuvre du plan d’action adopté depuis quelque temps ?

Mohamed Vall Ould Bellal : Le FNDU vient de renouveler ses instances  conformément à ses statuts et règlements  qui consacrent  l’alternance au sommet de ses structures après un mandat de 4 mois, non renouvelable. Cette opération s’est déroulée dans un climat de consensus  et d’unité remarquable. Le nouveau Secrétariat  Exécutif , dont j’assume la coordination , est chargé de traduire sur le terrain le Plan d’Action adopté par le Conseil d’Orientation et de Suivi depuis 2 mois déjà . Ce plan d’action prévoit d’intensifier la pression sur le pouvoir en place pour imposer  une sortie de crise crédible. Pour ainsi dire, notre mandat pour les mois à venir  est  de mettre en œuvre tous les moyens de lutte et de pression  légaux, pacifiques  et  démocratiques en notre portée pour réaliser ce Plan d’Action. Aussi , je lance un appel  pour  un Sursaut National de toutes les forces vives du pays, jeunes et femmes en particulier,  contre la dictature et le pillage, afin qu’ensemble nous puissions ouvrir la voie à de nouveaux horizons de paix , d’unité  et de progrès.

 

Au cours de son dernier point de presse, le FNDU a dénoncé la gestion du pouvoir,  la qualifiant de « catastrophique »,  comme il l’a accusé  de  « pratiquer à une  gabegie  que le pays  n’a jamais connue  jusque là » alors qu’il prétend  la combattre. Pourquoi cette charge, à l’heure où,  ça et là, on murmure des tentatives de renouer le dialogue avec le pouvoir ?

Que la gestion du pays soit  catastrophique n’est  aujourd’hui  un secret pour personne. Ce n’est pas le Forum qui le dit, ce sont les scandales de vols et de détournements à répétition qui le disent. Ce sont les cris des populations opprimées  et de plus en plus paupérisées qui  le clament. Ecoutez simplement le cri des  jeunes diplômés réduits au chômage , des travailleurs de Sociétés de Surveillance , des dockers , des professeurs et enseignants , des paysans dépossédés de leurs terres , des marchands et boutiquiers déstabilisés , des éleveurs inquiets , des habitants des quartiers précaires , etc … Sans parler de  l’inquiétude grandissante, voire la peur, engendrée par la gestion chaotique par le pouvoir des questions d’identité, de diversité  et de cohésion nationale et sociale. Toutes  ces voix qui s’élèvent,  ces protestations,  ces revendications,  ces plaintes … résonnent comme des appels au changement,  et ne font que très peu de place aux « murmures » dont vous parliez à l’instant. Et de toute manière, vous  savez comme moi  qu’une chose est de « parler » de dialogue, un autre est de le vouloir sérieusement.

 

 Cette sortie intervient aussi après les déclarations du Front indiquant qu’il ne reconnaît pas l’institution de l’opposition que préside désormais Hassan Ould Mohamed, maire Tawassoul de Arafat, parti  membre du FNDU.  N’y aurait-il pas  comme  une espèce de malaise au sein du  Forum ?

Non ! Il n’y a pas de malaise  au sein du Forum. Celui-ci tire sa force de la diversité de ses rangs et du débat en son sein. Sa force consiste à conjuguer et à  mettre en synergie  l’intelligence collective  et l’apport spécifique de chacune de  ses  composantes. Cela dit, le FNDU ne reconnait pas l’élection ayant conduit à l’installation de cette Institution, et de ce fait, ne se considère nullement  engagé par elle.  Toutefois, je  tiens à préciser  que nous ne sommes  pas en confrontation avec cette Institution, qui reste malgré les griefs retenus contre elle, un membre de la famille de l’Opposition élargie. Et, en tant que telle, nous attendons d’elle  qu’elle s’assume entièrement  et qu’elle  se joigne à nous de manière conséquente dans la lutte pour une vraie démocratie dans notre pays.

 

Ne craignez-vous pas que l’institution de l’opposition démocratique héritée  par Tawassoul  ne vienne  déstabiliser le Forum, surtout si  les islamistes décident de participer aux sénatoriales annoncées pour 2015 ?

Non, cette crainte serait injustifiée. Les décisions du Forum sont prises par consensus, et  leur exécution est obligatoire pour tous. Je suis convaincu qu’aucun des partis membres du Forum,  le parti « Tawasoul » en l’occurrence,  ne sortira du rang  si une décision claire est arrêtée par voie  de consensus  concernant l’élection dont vous parlez, ou toute  autre question d’intérêt  politique général.  A ce sujet, je m’interroge sur la validité juridique  d’un renouvellement des 2/3 du Sénat en bloc, en une  seule fois ?  Sur cette question,  la Constitution est  pourtant catégorique et claire. Elle stipule  de manière  précise  que le renouvellement du Sénat  s’effectue par 1/3  tous les 2 ans !

 

Depuis quelque temps,  la question de l’unité nationale est remise au goût du jour. Des foras  sont annoncés  pour en parler. En attendant  le forum sur l’unité nationale que le pouvoir pourrait organiser  sous peu, l’Union pour la République (UPR) lui  a consacré un dîner débat et  Mauritanie Perspectives  a  lancé, il y a quelques jours,  un forum sur  sa page facebook.  On annonce également  qu’APP pourrait,  lui aussi,  lui consacrer des journées  courant  décembre. A votre avis, pourquoi  tant de bruits sur cette  question  de l’unité nationale ? Serait-elle à ce point menacée aujourd’hui,  et par qui ?

Vous savez, la question de l’unité nationale est une question d’importance vitale. Elle est inscrite au premier plan de nos préoccupations au  FNDU. Je constate que là encore, vous évoquez  « des  bruits », peu avant vous aviez parlé de  « murmures »… Ce qu’il faut désormais, c’est  l’ACTION ! Il ne faut pas attendre que l’unité nationale soit menacée pour  agir. Vous me demandez si notre unité est menacée,  personnellement je ne me pose pas cette question.  Car, menacée ou pas, l’unité nationale n’est jamais accomplie une fois pour toutes, de manière définitive et irréversible. Elle se cultive et se consolide en permanence,  au quotidien, au jour le jour,  sinon c’est à l’inverse qu’il faut s’attendre. Aujourd’hui , force est de constater que la cohésion sociale est soumise à rude épreuve du fait d’une gestion déplorable de  questions fondamentales en rapport avec la diversité culturelle, ethnique, sociale  et la persistance d’ anachronismes graves tels que l’esclavage, les disparités criantes, etc … L’offre en droit et en liberté consentie par l’autorité en place est bien en deçà  des demandes  pressantes d’égalité et de justice exprimées par différents segments de la société. C’est à cela qu’il faudrait s’attaquer, si l’on veut remédier au mal.

 

  Le FNDU y prendrait-il part,  si  bien entendu, le pouvoir le  convie à ces assises  en gestation?  Quelle contribution pourriez-vous  y apporter 

Permettez-moi de mettre en doute la volonté du pouvoir de mener une réflexion sérieuse et mûre  sur ces questions.  Il est  généralement plutôt partisan  d’effets d’annonce,  pas  plus.

 

 

‘’Nous appelons à la tenue immédiate d’un procès ouvert, équitable et juste pour Biram’’

 

 

 

Ces initiatives se sont multipliées  au lendemain de l’arrestation du président d’IRA, Biram Dah Ould Abeid  et la célébration par les veuves des 28 militaires négro mauritaniens  exécutés à Inal, dans la nuit du 27 au 28 novembre 90.  Ne trouvez-vous pas  positive l’initiative du pouvoir  de convier les  mauritaniens autour d’une table  pour débattre de ce qu’on veut faire de notre Mauritanie ?

Il est sûr  et certain que la Mauritanie a besoin de discuter, de se parler franchement, de se regarder les yeux dans les yeux, pour tirer les leçons du passé et baliser ensemble des pistes pour l’avenir.  De par sa composition  civile, syndicale, partis politiques  et personnalités indépendantes, le FNDU s’inscrit déjà  dans le cadre de tels  débats  et  échanges  au quotidien… Il reste ouvert à toutes les bonnes volontés dans le pays. A propos de Biram Dah O. Abeid, et  indépendamment des prises de position  et  opinions de celui-ci, le Forum  condamne son arrestation  arbitraire et exige  que justice lui soit rendue dans les meilleurs délais. Nous appelons à la tenue immédiate d’un procès  ouvert, équitable  et  juste.  Et mettons  solennellement  en garde contre toute parodie de justice, qui ne ferait qu’aggraver  la situation. S’agissant du « passif  humanitaire », je dirai que ce dossier est considéré  par le Forum comme étant «l’une  des nombreuses plaies  non cicatrisées » qui continuent  à  être escamotées  par le pouvoir en place. Sa clôture  définitive ne saurait intervenir que dans le cadre d’une Mauritanie  démocratique, réconciliée avec  elle-même, unie dans sa diversité, et  juste.

 

Propos  recueillis par Dalay Lam