Monsieur Bertrand Kampoer, PCA de l’OAFRESS : ‘’Nous demandons à nos plateformes de renforcer leurs efforts pour promouvoir la vaccination’’

9 September, 2021 - 00:27

Expert en santé publique spécialisé dans le renforcement des systèmes de santé et communautaires, le genre et les droits humains, Bertrand Kampoer cumule une douzaine d'années d'expérience dans la planification, la gestion, le suivi et l'évaluation de projets de santé. Son expertise spécifique inclut les processus du Fonds mondial (élaboration des notes conceptuelles, accompagnement des ICN…) ; les revues des plans stratégiques nationaux de santé; le renforcement des systèmes communautaires, la recherche opérationnelle et l’analyse des politiques de santé. À cet effet, il a conduit au cours des cinq dernières années, plus de quinze missions d'assistance technique en Afrique de l'Ouest et du Centre pour le compte de l’OMS, ONUSIDA, Stop TB, le Fonds mondial et Expertise-France. Entre 2006-2008, il fut membre de la Délégation des Communautés au Conseil d’Administration du Fonds mondial. En 2018, il a rejoint le groupe spécial de la Société civile TB de l'OMS pour aider à traduire les politiques de l'OMS sur la tuberculose, en intégrant les points de vue des communautés touchées par cette infection. Il a développé des études sur l'évaluation du genre pour les ripostes nationales au VIH et à la tuberculose en Côte d'Ivoire (2016) et au Tchad (2018) et contribué à l'élaboration du manuel de la stigmatisation de la tuberculose de Stop TB.

De nationalité camerounaise, Bertrand est titulaire d'un master en Santé publique (Promotion de la santé) de la Faculté de médecine, Université de Lorraine, École de Santé Publique de Nancy en France. Dans cet entretien, il revient sur les temps forts de l’Assemblée générale de l’OAFRESS, tenue à Nouakchott du 27 au 29 Mai dernier, les objectifs et réalisations de cette organisation des sociétés civiles africaines, et la demande de Vacnet-Mauritanie pour le transfert du siège de l’OAFRESS à Nouakchott.

 

Le Calame: La Mauritanie a abrité, du 27 au 29 Mai dernier, l’assemblée générale de l’OAFRESS. Avant de nous parler des actes forts de cette rencontre pouvez-nous dire ce qu’est l’OAFRESS et pourquoi le choix de la capitale mauritanienne ?

Bertrand Kampoer : L’Organisation de l’Afrique Francophone pour le Renforcement des Systèmes de Santé et de la Vaccination (OAFRESS) est une plateforme régionale au service des populations d’Afrique francophone pour l’accès aux soins de santé et à la vaccination. Notre vision est d’assurer la vaccination à tous les enfants et l’accès à la santé de tous les habitants des communautés défavorisées et difficiles à atteindre, grâce à l’action coordonnée de la Société civile des États d’Afrique francophone, de l’Océan indien et des Caraïbes. Notre objectif général est de fédérer les plateformes de cet ensemble ayant pour langue commune le français, pour un plaidoyer coordonné et efficace sur le renforcement du système de santé et la promotion de la vaccination.

Nos objectifs spécifiques visent à s’affirmer en espace de structuration du plaidoyer des OSC francophones à travers une plateforme efficace reconnue à l’échelle nationale, régionale et internationale ; renforcer le consensus de la Société civile autour  de la formulation et du contenu des politiques et leur  mise en œuvre ; concevoir et évaluer des programmes de santé au niveau national, régional et international ; développer des partenariats entre les OSC d’Afrique francophones, d’une part, et les institutions régionales et le secteur privé, d’autre part ; et renforcer le dialogue et la synergie d’actions entre les partenaires du Nord et du Sud en faveur de la vaccination et du renforcement du système de santé.

OAFRESS a statut d’association, conformément à la loi N°66-70 du 13 juillet 1996 portant code des obligations civiles et commerciales, modifiée par la loi N° 68-08 du 26 Mars 1968 du Sénégal (pays abritant provisoirement le siège social). À but non lucratif, cette association n’a aucune appartenance politique, religieuse ou philosophique.

Nouakchott a été choisi pour abriter l’assemblée générale de l’OAFRESS parce que le réseau de la Société civile d’appui et de soutien à la vaccination et au RSS en Mauritanie (VACNET-Mauritanie) a marqué son intérêt à abriter cette importante activité. Par la suite, elle a été sélectionnée après un processus très compétitif et transparent. C’est surtout l’engagement de l’État mauritanien, via le Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la Société civile qui a été déterminant. Nous avons toujours souhaité renforcer nos relations de travail avec les gouvernements et la Mauritanie nous a donné cette opportunité.

Actes forts de cette AG : le bilan des deux dernières années de mise en œuvre du Plan de développement stratégique, en décelant notamment les éléments formant goulots d'étranglement qui ont été analysés et des solutions proposées ; l’identification des moyens pour optimiser les soutiens des partenaires qui devraient servir de catalyseur pour l'OAFRESS ; la validation du manuel de procédures et de celui du CA de l'OAFRESS ; la révision et l’adoption des  textes fondamentaux de l’OAFRESS et, enfin, la mise en place d’un nouveau Conseil d’administration.

 

- Quelle place occupe VACNET-Mauritanie au sein d’OAFRESS ?

- VACNET fais partie des dix-huit plateformes constituant OAFRESS. Ayant participé à Dakar à la consultation régionale de Septembre 2011, avec vingt-cinq autres OSC de dix-sept pays d’Afrique francophone, VACNET-Mauritanie est plus précisément membre fondatrice d’OAFRESS. Organisée par le Comité de pilotage des OSC de GAVI, en collaboration avec UNICEF AFRO et avec le soutien de GAVI l’alliance pour les vaccins, cette réunion avait pour objectif de définir les priorités de la Société civile dans la région pour un accès plus équitable aux soins et services de santé. C’est à l’issue de cette consultation que les participants ont vu la nécessité de fonder l’OAFRESS. Suite à l’AG de Nouakchott, VACNET occupe actuellement la première vice-présidence de notre Conseil d’administration et son président est également « Champion de plaidoyer » de l’OAFRESS pour le financement de la vaccination.

 

- Suite à cette AG, vous avez été élu ou réélu à la tête du CA de l’OAFRESS. Pouvez-vous nous dire pourquoi êtes-vous à Nouakchott ?

- Je suis à Nouakchott dans le cadre de mes activités professionnelle hors OAFRESS. Cependant, j’ai pris un temps pour visiter par deux fois VACNET à son nouveau siège. J’apprécie particulièrement leur engagement dans l’accompagnement des efforts gouvernementaux pour la promotion de la vaccination liée à la COVID 19.

 

- Au cours de cette AG, les membres devraient dresser le bilan du Plan de développement stratégique (PDS) 2019-2023, adopté en 2018. Quels sont les objectifs de ce plan ? Quel bilan pouvez-vous tirer brièvement de cette organisation dont VACNET est membre ? A-t-elle souffert de la pandémie de la COVID 19 ?

- Le PDS a quatre axes stratégiques : plaidoyer pour la fondation des systèmes de vaccination solides en Afrique francophone (A) ; collecte des fonds pour mobiliser les communautés en faveur de la vaccination (B) ; renforcement des capacités des plateformes et du secrétariat dans le plaidoyer et la mobilisation des ressources (C) ; production et dissémination des évidences pour mieux informer les choix stratégiques de réduction du nombre d’enfants non vaccinés dans les pays d’Afrique francophone (D).L’évaluation dudit plan est globalement satisfaisante. En voici quelques illustrations.

En terme de plaidoyer(A) : lancement en Mai 2019 du programme des Champions pour le plaidoyer régional et mondial ; OAFRESS membre du Groupe de Travail Régional sur la Vaccination (GTRV) pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre ; siège au Comité de Pilotage de GAVI CSO (3 ans) ;participation à la Consultation Africaine Post 2020 et la Stratégie Gavi 5.0 ;consultation sur le cycle du modèle de financement et la gestion de portefeuille de Gavi ;participation aux réunions annuelles des directeurs PEV (Afrique de l’Ouest et Afrique Centrale) ;tenue, le 5 Mai 2020, du panel de haut niveau sur le maintien des services de santé essentiels, surtout la vaccination en cette période de pandémie avec le développement des partenariats stratégiques engagé afin de nouer des partenariats stratégiques avec les organisations telles que Gavi Alliance ; Gavi CSO, Réseau des Parlementaires de la Francophonie (plaidoyer) ; Global HealthAdvocates/Action Santé Mondiale (plaidoyer), UNICEF WCA (AT), OMS AFRO (rencontres, panels, conférences conjointes), Expertise France (Mob. Ressources), Speak-up Africa (PDS des 5 ans à venir), ACDeV (recherche communautaire) ; Facebook, Upswell et Capulet (Awards de 5,000 USD communication).

En termes de Renforcement des capacités dans le plaidoyer et la mobilisation des ressources, on peut citer la mise en œuvre du Projet d’appui au renforcement des capacités et à l’engagement avec le GFF CSO Hub pour le plaidoyer, afin de prioriser la vaccination dans le Dossier d’Investissement du Pays (Juil. 2020 – Juil. 2021).En termes de production et dissémination des évidences Communication digitale, l’OAFRESS a été sélectionnée parmi vingt-neuf autres organisations de la Société civile œuvrant dans le domaine de la santé pour amplifier l’impact du travail grâce à l’effet viral des réseaux sociaux. On peut également citer la Communication événementielle et les media.

OAFRESS a plutôt été un acteur majeur dans la riposte COVID 19 dans la région. Des fonds ont été recherché pour mobiliser les communautés en faveur de la vaccination à l’information et la sensibilisation des communautés sur le virus, ses symptômes et ses voies de transmission, pour l’appropriation par les communautés des mesures-barrières. Des mini-vidéos de remontées des informations pour mieux informer des défis auxquels font face les communautés pour appliquer les gestes-barrières et attirer l’attention des autorités publiques et des partenaire ;des lettres ouvertes adressées aux autorités et partenaires des différents pays encourageant à prendre les mesures nécessaires à la limitation de la dissémination du virus. L’engagement communautaire pour la continuité des services essentiels, la vaccination en particulier, a été renforcé avec le soutien de partenaires comme Urgent Action FundAfrica. La communication digitale a été renforcée pour donner la bonne information aux populations.

En terme de perspectives 2021, nous avons priorisé le renforcement des partenariats stratégiques, la consolidation de la bonne gouvernance de l’OAFRESS, le passage à l’échelle du programme des Champions de plaidoyer, la production et dissémination des évidences, la documentation et la capitalisation ainsi que la participation aux instances de prise de décision régionales et mondiales sur la vaccination et le renforcement du système de santé.

 

 - L’Assemblée générale de Nouakchott coïncide avec le 10èmeanniversaire de l’OAFRESS. Quels furent les grands moments qui ont jalonné ces dix ans d’existence ?

- D’abord quelques dates-clés : consultation régionale en Septembre 2011 en présence de 25 OSC de 17 pays d’Afrique francophone qui virent la nécessité de fonder l’Organisation d’Afrique francophone pour le Renforcement des Systèmes de Santé et de la Vaccination ; puis, en Novembre 2014, l’OAFRESS était formellement lancée avec l’objectif de fédérer les plateformes de la Société civile d’Afrique francophone, de l’Océan indien et des Caraïbes ; suivait son assemblée constitutive, du 15 au 17 Septembre 2018 à Nairobi (Kenya) ; et, du 27 au 29 Mai 2021,sa première Assemblée générale.

Au cours de cette décennie, OAFRESS a réaffirmé son engagement auprès de la population francophone, des gouvernements des pays membres et partenaires pour l’accès aux soins de vaccination et de santé. L’OAFRESS est maintenant un réseau structuré de plateformes nationales de la Société civile de plus de 5.000 OSC et 3.000 experts de santé et leaders communautaires qui s’est développée autour d’une vision ; assurer la vaccination à tous les enfants et l’accès à la santé à tous les habitants des communautés défavorisées et difficiles à atteindre grâce à l’action coordonnée de la Société civile.

Quelques actions fortes restent à retenir : deux projets majeurs de Gavi pour le soutien au renforcement des capacités des plateformes nationales ;le positionnement de OAFRESS comme principal interlocuteur de Gavi et des Programma Elargi de Vaccination (PEV) dans la mobilisation des communautés et le renforcement des systèmes communautaire pour la vaccination ; la participation au comité de pilotage des OSC de Gavi depuis trois années ; un programme de champion reconnu par les principales parties au niveau national, régional et mondial ; des fonds mobilisés par les plateformes nationales dans le cadre des financements Gavi pour le Renforcement des Systèmes de santé.

 

- Qui sont les membres et organismes partenaires d’OAFRESS ?

- L’OAFRESS est composée de plateformes nationales réparties dans les dix-huit pays francophones suivants : Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Conakry, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, RCA, RDC, Sénégal, Tchad,  Togo et les îles Comores. Des Partenariats stratégiques ont été développés avec Gavi pour Assistance Technique jusqu’à Mars 2022 ; GFF CSO Hub pour le plaidoyer du financement de la santé ; l’Université de Virginie pour un programme d’appui à l’OAFRESS dans la communication, la production et la dissémination des évidences, la mobilisation de ressources ; et enfin Partnership For Transparency pour le mentoring du programme des Champions.

 

 - Les OSC africaines disposent assez peu de moyens pour jouer leur rôle. Que fait l’OAFRESS pour les renforcer ?

- Nous mettons en place des missions d’appui à la planification, la mobilisation des ressources, la gestion financière, la comptabilité et la documentation financière et diverses activités. Il s’agit d’un renforcement des capacités des plateformes membres de l’OAFRESS grâce à une assistance programmatique, administrative et financière. De manière spécifique, il s’agit d’identifier, avec la plateforme, les activités prioritaires et élaborer le plan d’action compte-tenu des priorités d’intervention et des objectifs à atteindre ; identifier avec elle les difficultés rencontrées dans l’exécution des activités, le suivi-évaluation, le reporting et la documentation (leçons apprises, bonnes pratiques) ; convenir des actions et des outils à mettre en place pour répondre aux besoins en gestion, documentation des activités, rapports d’activités, etc., et convenir des actions ; appuyer la plateforme dans l’élaboration du budget et la stratégie de mobilisation des ressources ; en renforcer les capacités administratives, comptables et financières. S’il en fait la demande, VACNET pourra  bénéficier d’une mission de ce genre d’ici la fin de l’année.

 

-Que pense l’OAFRESS de la manière dont se déroule la vaccination contre la COVID en Afrique ?

-Les communautés africaines sont réticentes à la vaccination davantage à cause de la désinformation des réseaux sociaux et des communications approximatives des personnes non-habilitées. On peut aussi évoquer le conflit socio-anthropologique avec notre médecine traditionnelle. Nous demandons toutefois à nos plateformes de renforcer leurs efforts pour promouvoir la vaccination. Ensemble vaccinés, nous allons renforcer notre immunité collective.

Cependant nos gouvernements doivent renforcer leurs engagements à mieux financer nos systèmes de santé, notamment les chaînes de froid qui permettront une bonne conservation des vaccins. Les pays doivent également investir de manière significative pour se procurer eux-mêmes les vaccins pour leurs populations.

 

- Lors de l'AG de Nouakchott, Vacnet-Mauritanie a proposé d’y abriter le siège de l'OAFRESS. Où en êtes-vous avec cette requête ? La question a-t-elle été discutée lors l'AG extraordinaire par vidéoconférence après celle de Nouakchott ?

- Au cours de la réception que nous a offert le gouvernement de la République islamique de Mauritanie, nous avons émis le vœu d’ouvrir un partenariat avec l’Université de Mauritanie pour l’ouverture d’un cours sur la digitalisation des interventions communautaire de renforcement des systèmes communautaires pour la santé. Nous allons nous remobiliser très rapidement pour ouvrir cette discussion. Nous avons également exploré la possibilité d’ouvrir un siège à Nouakchott. Toutes ces questions seront suivies par notre Conseil d’administration.

 

                                         Propos recueillis par Dalay Lam