Madame Sara Pizzocaro, coordinatrice du projet Téméyouz: ‘’L’amélioration de la santé maternelle et infantile est une priorité du gouvernement mais il y a encore d’énormes efforts à fournir’’

28 July, 2022 - 01:30

Diplômée en licence 3 Science politique à l’université de Pavia en Italie, madame Sara Pizzocaro est titulaire d’un master 2, niveau européen, en Aide humanitaire internationale, organisé par la DG d’aide humanitaire de l’Union Européenne-ECHO, à l’université de Deusto à Bilbao en Espagne. Elle a suivi de nombreuses formations supplémentaires dans le domaine de la coopération et cumule vingt ans d’expérience de terrain dans les ONG en Amérique Latine, en Espagne et douze ans en Afrique (Tchad, Guinée Sénégal, RDC et Mauritanie). Elle a passé dix ans à Oxfam où elle a occupé les fonctions d’adjointe à Oxfam Intermon puis de coordinatrice régionale humanitaire. C’est à ce titre qu’elle supervisait la mise en œuvre des projets en Mauritanie ou elle a atterri après son passage à Expertise-France comme cheffe de mission en RDC avec Médecins du Monde France (MDM France). Avec ce dernier poste, elle a travaillé sur la santé maternelle et infantile, la santé sexuelle et reproductive. Elle avoue que cette thématique la passionne beaucoup, en tant que professionnelle, femme et mère. C’est ce qui l’a conduite en Mauritanie après avoir postulé pour la coordination du projet Téméyouz, financé par l’AFD et mis en œuvre par Expertise France. Au cours de cet entretien, elle nous parle de ce projet et de son importance en Mauritanie.

 

- Pouvez-vous nous présenter brièvement le projet Téméyouz dont vous êtes la coordinatrice ?

- Ce projet s’inscrit pleinement dans les objectifs du gouvernement en faveur du renforcement du système de santé, notamment de la Santé Reproductive, Maternelle, Néonatale, Infantile et des Adolescents (SRMNIA). Il consolide la stratégie d’intervention de l’AFD en Mauritanie en faveur des secteurs sociaux et de l’accès aux services de base. Son objectif général consiste à améliorer la santé de la Mère et de l'Enfant en Mauritanie et également à renforcer l’inclusion et la cohésion sociale entre les communautés dans les zones du pays en proie à l’instabilité et aux crises. Téméyouz se décline en deux composantes : apporter une réponse rapide au déficit d’offre de soins dans les régions fragiles de l’Est du pays ; et une réponse plus structurante au niveau national sur l’axe de la transfusion sanguine et l’amélioration des curricula des sages-femmes mauritaniennes. Ces deux composantes contribuant chacune au renforcement du système de santé.

 

Améliorer les soins de santé primaires et de la santé maternelle et infantile, donc. Comment va-t-il s’y prendre pour réussir ce pari dans un pays où le taux de mortalité maternelle et infantile demeure encore élevé ?

- Effectivement, l’objectif du projet est très ambitieux mais j’ai confiance qu’avec les activités bien identifiées, leur mise en œuvre se déroule harmonieusement. Ainsi pourrons-nous contribuer à améliorer la qualité de la prise en charge et contribuer par conséquent à réduire les décès maternel et infantile.

 

Comment appréciez-vous les efforts du gouvernement pour gagner ce combat ?

- L’amélioration de la santé maternelle et infantile est une priorité du gouvernement aisément lisible dans le plan stratégique de la SRMNIA pour 2021/2025. Ceci dit, il y a encore d’énormes efforts à fournir pour traduire les priorités en réalité. Mais l’engagement du gouvernement et, surtout, du Ministère de la Santé en ce sens sont remarquables et nos référents au sein du ministère nous conduisent à espérer de meilleurs résultats.

 

Quel appui Téméyouz apporte-t-il à l’École Nationale Supérieure de Santé (ENSS) à cet égard ?

- Téméyouz vise à améliorer le curricula de formation initiale et continue des sages-femmes et maïeuticiennes en Mauritanie : celles formées à l’ENSSS et à l’École Supérieure Publique de Kiffa (ESPK). Concrètement, cela veut dire que le projet appuie à la fois sur le volet pédagogique au niveau des écoles ENSSS et ESPK – grâce aussi au compagnonnage de deux écoles de sages-femmes françaises, celles d’Amiens et d’Angers – mais également sur le volet gouvernance de l’ENSSS grâce à une assistance technique, en présentiel et perlée à la direction générale de l’école, visant à accompagner l’institution dans le processus d’accréditation à l’enseignement supérieur.

 

Les 14 et 15 du mois de Juin dernier, vous avez assisté à deux manifestations importantes : la célébration de la Journée mondiale du don de sang au CNTS et le vernissage d’une exposition-photo à l’ENSPK rendant hommage aux sages-femmes mauritaniennes et tchadiennes. Pouvez-vous nous expliquer l’importance que Téméyouz accorde à ces deux manifestations ?

- Tel qu’évoqué au début de mon entretien, Téméyouz a pour objectif d’améliorer les soins de santé primaires, tout particulièrement maternelle et infantile, en Mauritanie et, comme vous l’avez souligné dans vos questions, le taux de mortalité maternelle est élevé en votre pays. L’une des principales causes de ces décès est le manque de sang lors d’hémorragies post-partum.

Il s’agit donc d’assurer la disponibilité de produits sanguins de qualité, notamment en cas de telles hémorragies mais aussi dans le parcours de la grossesse en cas d’anémie sévère. Fournir des produits sanguins en permanence reste une préoccupation majeure du Centre Nationale de Transfusion Sanguine (CNTS) et du projet Téméyouz.

C’est dans cette optique que la Journée mondiale du donneur de sang honorant les donneurs volontaires et anonymes et incitant les autres à rejoindre le mouvement est organisée chaque année par le CNTS. Cette année, le projet Téméyouz s’y est impliqué, vu l’importance du don de sang pour la survie, d’une manière générale, et, plus particulièrement, pour la santé maternelle et infantile. La Mauritanie et le Tchad sont particulièrement touchés par la mortalité en ces domaines. Dans ces deux pays, les politiques nationales de santé à l’horizon 2030 ambitionnent d’améliorer sensiblement la santé de la Mère et de l’Enfant. L’Agence française de coopération technique internationale et Expertise France les appuient dans cette démarche. Avec ses partenaires, elle met en œuvre trois projets dans le domaine de la santé maternelle, néonatale et infantile, et de la santé sexuelle et reproductive. Financé par l’Agence française de développement, Téméyouz agit sur le renforcement de la gouvernance du système de santé, des infrastructures, des capacités des personnels de santé et sur la sensibilisation au niveau communautaire. Visant ainsi à assurer le droit à des soins de santé, notamment sexuelle et reproductive, de qualité, cette approche contribue à mieux protéger les femmes et à réduire les violences à leur encontre et les inégalités femmes-hommes.

 

Lors de la célébration de la Journée du donneur de sang, la directrice du CNTS, le secrétaire général du ministère de la Santé et vous-même avez évoqué la construction d’un nouveau CNTS et l’ouverture d’un Centre interrégional de transfusion sanguine à Kiffa. Pouvez-vous nous dire pourquoi Téméyouz a décidé de s’engager sur ce créneau ?

- Comme je l’ai dit plusieurs fois au cours de cet entretien, Téméyouz vise à améliorer les soins de santé primaire et l’une des premières causes des décès maternels en Mauritanie est l’hémorragie post-partum. Voilà pourquoi le projet s’est engagé dans l’amélioration de la chaîne de transfusion sanguine afin de contribuer à améliorer la qualité et la disponibilité de ses produits partout où le besoin se fait ressentir. Certes, nous ne pouvons pas combler tous les besoins du pays, hélas aujourd’hui très élevés.

 

Quels sont les objectifs à atteindre en ce domaine ?

- Nous nous efforçons d’améliorer la chaîne de transfusion sanguine selon deux modalités: renforcer les compétences du CNTS et de ses ressources humaines déjà existantes à Nouakchott, en promouvant différentes formations, en compagnonnage avec d’autres pays de la sous-région, comme le Maroc qui dispose d’une bonne qualité en termes de transfusion sanguine et d’hémovigilance ; offrir une assistance technique, basée en permanence au CNTS depuis le démarrage du projet dans l’élaboration de guides de qualité. Nous l’appuyons également dans son plaidoyer pour l’affectation de ressources humaines importantes et qualifiées. L’équipe dont il dispose est actuellement trop minime par rapport aux besoins. Nous travaillons également à démontrer que le cadre législatif et normatif de la transfusion sanguine en Mauritanie n’est pas adapté aux besoins réels du pays.

Autre de nos objectifs : augmenter la disponibilité du produit sanguin via l’augmentation du nombre de donneurs de sang volontaires. Cela implique l’organisation de campagnes de dons de sang sur la base d’une stratégie de communication en cours d’élaboration. Et l’appui à la construction du nouveau CNTS à Nouakchott, adapté en termes de taille et de normes répondant aux besoins spécifiques de la Mauritanie, ainsi que son équipement.

Vu le nombre élevé de décès maternels dans les zones éloignées de l’Est où la prise en charge est compliquée, nous avons envisagé de fonder, après concertation avec la direction du CNTS, un premier centre inter-régional de transfusion sanguine dans l’Assaba, une des wilayas où Téméyouz intervient et où le déficit en sang se fait le plus ressentir.

 

L’exposition de photos du 15 Juin visait à rendre un hommage aux sages-femmes. Pourquoi votre projet a-t-il décidé de les honorer ainsi ?

- Les sages-femmes jouent un rôle-clé au cœur de ce dispositif. Leur action est primordiale pour améliorer les soins, la santé de la Mère et de l’Enfant et la sensibilisation des populations. Engagées sur le terrain, elles accompagnent les femmes dans leur parcours vers la maternité lors de l’accouchement, assurent le suivi post partum et apportent les soins néonataux à l’enfant. Expertise France a souhaité les mettre à l’honneur dans leur pratique.

 

Propos recueillis par Dalay Lam