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10 January, 2023 - 17:43

Justice : fortes attentes d’Ould Ghazwani sur fond de propos controversés du MHUAT

En Mauritanie, l’exécution des jugements de justice pose problème. Les particuliers ou entités ont du mal à recouvrer leurs droits en dépit de décisions des instances judiciaires qui leur sont favorables. Les autorités ont promis des changements, rien n’est fait, le mal persiste.

Procédant au lancement des États Généraux de la Justice, le président de la République a affirmé sa détermination à prendre en compte leurs résultats, « dans ses efforts à développer continuellement notre appareil judiciaire pour y ancrer un système professionnel, juste et équitable ; un système qui consacre l’État de droit, garantit les droits et libertés et constitue une source de réconfort pour tous, aussi bien à l’intérieur qu’à l’étranger. »

Et de préciser : « Nous attendons de ces États généraux une feuille de route sous la forme d’un document national sur la réforme et le développement de la justice, traduit en un programme détaillé d’actions, accompagné de délais de mise en œuvre précis et de clairs indicateurs de suivi ». Première étape : permettre aux acteurs du secteur d’établir un diagnostic objectif de la situation, d’échanger sur ses principaux défis et d’étudier les questions majeures, telles que la formation, la spécialisation, la protection des droits des justiciables, la facilitation de l’accès aux services, etc.

Cette déclaration d’intention du chef de l’État intervient quelques semaines après les propos polémiques du ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et de l’Aménagement du Territoire (MHUAT). Dans un entretien accordé à un media, Sid’Ahmed Ould Mohamed soutenait « la suprématie de l’Exécutif sur l’appareil judiciaire », portant ainsi atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Le barreau national des avocats, des juristes ainsi que des magistrats s’étaient insurgés contre ces propos exigeant la démission dudit ministre.

Embarrassé par les déclarations de celui-ci et s’inscrivant en faux contre ses propos, le gouvernement a affirmé, par la voix de son porte-parole, son plein attachement au respect du pouvoir judiciaire, tel que dicté par les principes de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice, conformément aux exigences constitutionnelles, aux valeurs et à la culture du peuple mauritanien inspirées par les dispositions de la Chari’a et de ses traditions profondément enracinées.

« Nous nous engageons à respecter tous les jugements et décisions rendus par le pouvoir judiciaire », ajoutait-il, « celles-ci doivent être mises en œuvre sitôt qu’elles remplissent les conditions légales nécessaires, y compris l’épuisement de tous les recours, quels que soient leurs résultats ». Insistant de son côté sur le fait que sa déclaration n’avait pas un caractère officiel et que la vidéo qui avait suscité débat n’avait pas été prise en compte dans son intégralité, Ould Mohamed s’est par ailleurs excusé pour le désagrément causé. Avant de conclure en assurant que ses propos n’avaient aucune intention de porter atteinte au pouvoir judiciaire.

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Habib Ethmane, toujours recalé par le MESR

L’affaire de l’étudiant Habib Ethmane, admis au baccalauréat série Sciences naturelles avec une moyenne générale de 16,75/20 lors de la première session du baccalauréat 2022, continue de cristalliser l’attention de l’opinion. Autorisé à poursuivre ses études à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, avec une moyenne d’orientation de 17/20 et un classement de huitième, Habib Ethmane s’est vu refuser son droit à une bourse pour étudier la médecine générale. Le ministère de l’Enseignement Supérieur avait prétexté l’âge pour recaler Habib, alors que le jeune a fêté ses 19 ans le 1erJanvier dernier et que le seuil fixé varie entre 18 et 20 ans pour entreprendre un tel cursus au Sénégal. Plusieurs personnalités de la Société civile ont manifesté leur soutien au jeune étudiant.

Interrogé sur ce cas, mercredi dernier, lors de la traditionnelle conférence de presse d’après conseil des ministres, du mercredi dernier, le ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESRS) a avancé que le système d’orientation est automatisé depuis 2013, de sorte que nul ne puisse intervenir. « Il prend en compte toute l’année civile dans le calcul de l’âge de l’étudiant et cela même s’il est né le dernier jour de l’année », a rappelé le ministre, ajoutant qu’un nouveau texte réglementaire a été introduit en 2017, énonçant que le calcul de l’âge prend aussi en compte l’année académique pour laquelle la bourse est octroyée. Selon lui, « l’étudiant en question n’a donc pas été victime d’une injustice. » Le ministre a par ailleurs déclaré que « le système oriente entre six et neuf mille étudiants sans accrocs. »Interpellé sur la position du ministère par rapport à une éventuelle décision de justice, « s’il y en a une », a-t-il affirmé, « elle sera respectée et appliquée. »

Rétorquant à cette sortie, le comité de défense de l’étudiant Habib a indiqué que « Mohamed Lemine Aboye a tout simplement répété les arguments déjà avancés par la commission des bourses visant à violer le droit de notre client, en y ajoutant que son département respecte le pouvoir judiciaire et exécute ses décisions. […] La déclaration du ministre contredit la réalité et la loi […] elle n'est qu'une tentative désespérée de justifier la violation des droits de notre client car ce même système programmé électroniquement, conformément aux exigences de l’arrêté 424 du 18/04/2017, a bien donné un résultat en faveur de notre client qui n’a été exclu que par l'intervention d'un travail humain et volontaire.Ceci est attesté par le document d'orientation ci-joint, émis par la Direction d’orientation et confirmant l’orientation de Habib pour étudier la médecine au Sénégal. »

Quant à l'exécution des décisions judiciaires et au respect par le personnel du Ministère de celles-ci, le discours du ministre « contredit à nouveau la réalité de la situation », signale le comité, « comme en témoigne le fait que le ministère a violé et s'est abstenu d'exécuter l’ordonnance de référé n° 61/22 émise par la chambre administrative de la Cour suprême, suspendant l'exécution du procès-verbal de la commission des bourses invoquée par le ministre. […] Dire en outre que, comptabilisée en totalité, l'année de naissance est indivisible,tout comme l'année d'octroi de la bourse, est une fraude manifeste car tous ces mots sont étrangers et n'ont aucun lien avec l’arrêté n° 424/2017 dont tous les articles sont dépourvusde tels termes. […]

[Au final], même en comptabilisant deux années supplémentaires à son âge, notre client répond aux conditions d'entrée en médecine à l'Université Cheikh Anta Diop à Dakar, avec la preuve de l'acceptation de sa pré-inscription sur sa plateforme électronique. […] Habib avait bel et bien 18 ans, au jour de l'ouverture des inscriptions pour l'année académique à l'Université Cheikh Anta Diop, il en a aujourd'hui 19, avec un agrément pour son inscription prouvant qu'il en remplit toutes les conditions. Rien ne l'empêche donc de poursuivre sa carrière scientifique… sauf l'intransigeance du ministère et le mépris des décisions judiciaires. »