Chronique : Entre Nous /Sneiba El Kory

25 January, 2023 - 10:19

Les festivals se suivent et se ressemblent me rappelant ce que feu Habib avait constaté lors des « visitations » présidentielles : les Mauritaniens vont où va le président. C'est vrai que Tichitt, ce n'est pas si loin que ça. Surtout pour les gens de l'Est dont certains y étaient, bien calfeutrés dans leur large boubou. Et je sais que culinairement, ils ne seront pas dépaysés : leurs fameux Aïch et Takya sont bien d'ici, en ces confins perdus de l'empire du Macina. Aux festivals, le président parle. Son Excellence dit même des choses très intéressantes. Des choses très révolutionnaires. Des choses très progressistes. Les Mauritaniens qui vont où il va, l'écoutent, l'applaudissent mais « ne passent même pas à côté » de ce qu'ils ont entendu et applaudi. C'est comme on dit « lire la Fatiha dans une certaine oreille ». Même anciennes, trois milliards d'ouguiyas, c'est beaucoup d'argent. 3.000.000.000 ! Regardez comme c'est beaucoup ! Neuf zéros qui se suivent. Trois milles millions. Toutes les voitures de location de tout le pays. Des tonnes de carburant. Des factures surfacturées. Des frais de mission de chargés de mission,  conseillers,  directeurs et directeurs adjoints,  chefs de service et de division du ministère, plus ceux de prise en charge des illustres invités de l'opposition (chef de file en tête), de la majorité, de la notabilité, de la féodalité, et encore l'argent du déguisement des troupes artistiques et de leurs équipements, celui des perdiems ou  des « ganiems » des journalistes,  troubadours,  clowns,  amuseurs publics et autres catégories de festivaliers venus de partout et de nulle part… Mais tout ça ne peut tout de même pas finir trois milliards ! Quelques jours de veillées à écouter vraiment n'importe quoi et à le faire. Puis le Président est reparti après avoir parlé, les participants sont encore partis après avoir écouté. Puis Tichitt est redevenu Tichitt, comme Ouadane, Oualata et Chinguitti sont redevenus Ouadane, Oualata et Chinguitti. Les stigmates du festival disparaîtront doucement. Les Tichittois reviendront à leur réalité. Mais ils retiendront quand même quelques soirées et journées de sons et de couleurs. Au moins, ils auront eu droit de rêver sortir de leur enclavement et, surtout, servi d'alibi pour soustraire des caisses publiques trois milliards d'ouguiyas claquées on ne sait vraiment pas comment. « Remboursez ! », clamait-on dans les salles de cinéma quand l'opérateur « volait » certaines scènes. Alors, « Remboursez ! », puisque ce théâtre est de mauvais goût et de basse qualité. Salut.