Nouvelles d’ailleurs : Du dialogue...

28 January, 2015 - 23:56

Et c'est reparti pour un tour ! Après le temps du boycott, de la crispation, du grand silence, revoilà revenu le temps du « dialogue »... Remercions, avant toute chose, ce « dialogue » : il nous permet de réviser notre conjugaison du français, langue abominablement compliquée, dès qu'il s'agit des temps. Je te parle, tu me parles, je te parlerai, tu me parleras, je t'aurais parlé, tu m'aurais parlé, nous parlâmes, vous parlâtes, ils parlèrent, que nous parlassions (Oh, le bel imparfait du subjonctif !), que vous eussiez parlé (plus-que-parfait du subjonctif) et, surtout, ils se « déparlèrent » (ne cherchez pas ce mot dans le dictionnaire, je viens de le pondre)...

On peut mâtiner tous ces beaux temps français à une spécificité arabe en matière de conjugaison, le duel, concept que le monde entier nous envie. Faut dire qu'il fallait le faire : insérer un pluriel particulier entre le singulier et le pluriel, est preuve d'une imagination fertile et, surtout, d'un esprit quelque peu potache, de la part de nos grammairiens passés qui doivent encore rigoler dans leurs tombes de ce cadeau délicat fait à des générations d'élèves...

Comme quoi, le dialogue n'est toujours qu'une question de genre, de temps, d'espace, de disponibilités, de conjugaisons, de déclinaisons, d'attributs et, aussi, de synonymes. Pour comprendre le Dialogue des Nous Z'Autres, il me faudrait, pour être honnête et rationnelle, remonter à la nuit des temps, à l'origine de ce dialogue, creuser les tombes, déterrer les squelettes, dater au carbone 14, répertorier, classer... Mais je n'ai ni le temps ni la connaissance suffisante des ères géologiques mauritaniennes pour pouvoir faire le job. Du dialogue à l'ancienne, moi, je ne connais qu'un seul, celui d'avant où le dialogue était un peu « difficile », entre gens voulant dialoguer. Que j'explique, à nos amis étrangers qui lisent notre journal (les Z'Autres, braves Nous Z'Autres, profitez-en pour aller vous dégourdir les pattes !) comment cela se passait, dans les temps dits anciens.

Dans un village, un campement ou une ville, quelqu'un décidait de dialoguer avec un autre quidam qui, de bien entendu, habitait loin, très loin. Fallait donc écrire une lettre, attendre qu'une caravane parte dans la direction de ce loin, très loin. Avec un peu de chance, on trouvait la caravane rapidement. Quand on était chat noir, on attendait des mois... Voilà donc notre lettre partie, à dos de chameau ou à pied, traverser les étendues peu hospitalières de nos territoires anciens. Il n'était pas dit qu'une fois la missive partie, elle arriverait à bon port et entre les mains du destinataire. Les routes et la fragilité humaine étant ce qu'elles sont, il arrivait que la missive disparaisse. Mais soyons optimistes ! La lettre arrive, le concerné la lit, tout heureux de montrer aux potes qu'il a eu du courrier, lui ! Il la lit, la relit, réfléchit, prend son plus beau calame, répond avec enthousiasme et, à son tour, se poste à l'entrée du charmant bled où il habite à attendre que des commerçants aient la bonne idée d'aller essayer de truander les aimables habitants de la ville d'où était partie la lettre. La suite, vous la connaissez...

Pour les gens qui n’habitaient pas trop loin, on pouvait utiliser le tambour. Si l’on tape assez fort dessus, le son, selon la direction du vent, arrivait chez les autres : « tapez un coup, si vous venez papoter ; deux coups, pour dire non »... Existait une autre forme de dialogue, très en vogue aussi : je débarque chez toi, je te pique tout ce qui me plaît, tu mouftes, je te tue ! Ça, c'est le dialogue version razzia et voleurs. Dialogue fort, j'en conviens. Il fut un temps où les tentatives de dialogue, version Nous Z'Autres, passaient aussi par Radio-Mauritanie et ses messages à l'adresse de fonctionnaires disparus corps et âme. « Un tel ou une telle est priée de rejoindre son poste »... C'était l'amorce d'un dialogue, entre récalcitrants au travail et autorités compétentes.

Un autre « dialogue » vient d'apparaître sur la scène des Nous Z'Autres : le dialogue entre prisonniers quelque peu énervés, otages et autorités... mais laissons là ce dialogue de sourds de notre Justice qui s’enorgueillit d'oublier des fins de peine en prison. Bref. Nous dialoguions aussi. Un peu plus lentement, mais dialoguions quand même.... Alors, revoilà le grand machin qu'est le Dialogue chez nous. Parti d'un « dialogue duel » entre notre chef en chef, notre Président, et Messaoud ould Boulkheïr, on se retrouve avec un « dialogue pluriel », ou, tout au moins, ses prémisses. Sont ressortis les grands mots : « inclusif, intérêt suprême de la Nation »...

Moi, j'imagine bien la scène originelle de toute cette agitation « dialoguante » : Messaoud ould Boulkheir appelle, par téléphone dit arabe mais culturellement mauritanien, le Patron : « Dis voir, je trouve l'opposition un peu amorphe, en ce moment ; ça ne présage rien de bon. De là à ce qu'ils préparent un sale coup, il n'y a que deux niébés… Ça te dirait, un petit appel au dialogue ? On va te les énerver et leur occuper l'esprit ». Le Patron : « Wallahi, mon frère, en voilà une bonne idée ! Tu as marché sur ma langue ! Palabrons donc ! » Et vlan ! Deux feuilles de route ! Comme de bien entendu, ça a réveillé tout le monde, dans le camp du FNDU. Et c'est reparti pour un tour ! Tout se jouera sur « inclusif » : nous ne sommes pas sortis de l'auberge.

Dites-moi, « dialogue inclusif », chinhou ? Pendant ce temps, je retourne dialoguer avec moi-même, ce que je fais très bien, en me posant une question vitale : mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir préparer à manger à midi ?

Salut !

 

Mariem mint DERWICH