Arafat : Des imams accusés d’avoir «exproprié» 84 personnes.

2 July, 2014 - 03:50

Quatre-vingt-quatre personnes, détentrices de permis d’occuper et d’autorisation de construire, sont victimes d’expropriation de leurs terrains à Arafat, précisément dans les zones, communément appelées Lar 1 et Lar 2,au sud-est du grand cimetière de Nouakchott. L’affaire a été scellée, début juin, à la veille de la campagne électorale de la présidentielle. Les propriétaires n’apprendront le forfait que par des voisins. Le « crime » profite à un groupe d’imams de Nouakchott qui auraient reçu ce que d’aucuns ont appelé, au ministère de l’Urbanisme et de l’habitat où se sont rendus certaines victimes, « des permis de campagne », contre soutien au candidat Mohamed Ould Abdel Aziz. Certains expropriés y ont vu « une sorte d’achat de conscience » de nos érudits pourtant « censés nous éclairer le chemin. Où a-t-on vu des oulémas se mêler à ce genre de pratiques ? », s’est lamenté, dépité, un des dépossédés venus exposer l’affaire au Calame.

 

Des permis de… campagne

L’affaire est d’autant plus rocambolesque que l’attribution ou, disons, la « réattribution », s’est faite dans une zone lotie depuis 1998 et, pour ne pas perdre ce « cadeau du pouvoir », les imams bénéficiaires ont engagé une course contre la montre : certains ont, aussitôt, démarré la construction de « leurs terrains », quelques semaines, pour ne pas dire quelques jours, après l’expropriation. Des chantiers ont ainsi poussé, la nuit, sur des fondations et des briques déposées, des maisons voisines bâties et habitées. L’une des victimes, dont le terrain se situe entre trois maisons bâties raconte que le « nouveau » occupant a utilisé ses propres briques pour démarrer son chantier. Ce propriétaire dispose d’un jugement rendu en sa faveur par un tribunal de Nouakchott, suite à un litige qui l’avait opposé à un autre prétendant. Une autre victime a exhibé, au hakem et au wali, son permis d’occuper, sa quittance et l’autorisation de construire, en date du 18 décembre 2013, délivrée en janvier, par le hakem en place. Autre curiosité : un lot de quatre terrains qu’un certain Ould Choumad avait octroyés, pour l’extension de la mosquée du coin et la construction d’une mahadra, se retrouve accaparé par un des plus grands érudits de Nouakchott. Il a déjà commencé à y édifier quelques boutiques ouvrant sur la route principale. Selon nos sources, certains imams, rencontrés par telle ou telle de« leurs » victimes, ont laissé entendre qu’ils n’y sont pour rien et qu’ils ne savaient pas que la zone était attribuée ; d’autres disent comprendre les victimes et promettent de « réfléchir ».

Comme nous le mentionnions plus haut, la zone est lotie depuis 1998 et les populations qui y vivent bénéficient de l’eau, électricité et mosquée et est desservie par une route bitumée. Il y a quelques années, les lieux avait déjà fait l’objet d’une gazra et le hakem n’avait pas hésité à mettre le feu à diverses baraques et tentes pour contraindre les occupants à libérer les terrains indûment squattés. Une portion qui avait servi, à l’époque, de périmètre maraîcher, fut attribuée, en partie, aux bénéficiaires, et, l’autre partie, aux gros bonnets et à l’administration qui en profitent toujours. Il faut rappeler qu’un certain hakem d’Arafat avait procédé à l’expropriation de nombreuses familles, pour la simple raison qu’elles n’avaient pas viabilisé leur terrain respectif dans les temps. La plupart de ces lots, remis à l’administration et diverses personnes privées, furent, par la suite revendus, sans aucun travaux d’aménagements…

 

Démarches vaines

Sitôt informés de l’installation de nouveaux occupants sur leurs terrains, les « spoliés » ont entrepris des démarches auprès des autorités pour faire revenir l’Etat sur sa décision. A Arafat, le hakem leur a laissé entendre que « la décision vient d’en haut », rappelant, au passage, que cette décision ne rentre plus dans ses prérogatives. Ils recevront la même réponse du côté de l’Agence de Développement Urbain (ADU). Et c’est au ministère de l’Urbanisme, de l’habitat et de l’aménagement du territoire qu’ils entendent dire que c’est le wali qui aurait signalé, probablement, sans prendre langue avec son hakem, que « la zone était une gazra ». Une occasion rêvée, donc, pour offrir, aux imams, leurs « permis de campagne »… Les « spoliés » veulent alors, déposer plainte au cabinet dudit wali, mais celui-ci aurait refusé, disent les victimes, de décharger leur déclaration.

Le ministère de l’Urbanisme et de l’habitat claquera, lui, carrément la porte à un groupe de femmes venues aux nouvelles. Sans se démonter, elles se rendent alors au ministère des Affaires islamiques. Et c’est dans les couloirs de celui-ci qu’un directeur leur aurait déclaré que « le ministère est au courant de l’affaire des imams », qu’il « n’est pas à l’origine des attributions » mais qu’il est « à la recherche d’une solution ». Allez comprendre… Enfin, « Le Calame » a tenté, le dimanche 29 juin au matin, de joindre le directeur de l’Urbanisme, pour avoir sa version. Il était absent de son bureau. Nous y reviendrons donc.

DL