Mauritanie – Sénégal: les excès et les mauvais traitements doivent cesser

5 July, 2015 - 20:30

La Mauritanie et le Sénégal sont deux pays frères entre lesquels ont toujours régné d'excellentes relations de solidarité, de compréhension et de bon voisinage tant les liens de tous ordres qui les unissent sont anciens, profonds et durables.

Ces liens si étroits et si particuliers se sont tissés tout au long des siècles dans le cadre de la cohabitation exemplaire de deux peuples, l'un et l'autre, extrêmement ouverts, généreux et hospitaliers, deux peuples que tout unit: une interdépendance multidimensionnelle et multiséculaire et une évidente communauté de devenir.

Frères par la foi et la proximité géographique autant que par la continuité humaine et par d'inextricables liens de sang, ces deux peuples ont tout pour s'entendre et sont, en somme, "condamnés" à vivre dans l'entente, la compréhension et dans une agissante coopération.

C'est ainsi qu'ils ont vécu depuis la nuit des temps et c'est ainsi qu'ils devront inévitablement continuer à vivre, dans l'osmose et dans une indéfectible amitié.

Unis par le passé et solidaires dans le présent, ils doivent, ensemble, bâtir un avenir commun de quiétude et de prospérité qui soit, tout à la fois, épanouissant pour les deux nations et garant d'une harmonie et d'une entente aussi complètes que pérennes.

Dans les deux pays, les États n'ont guère d'autre choix. A moins de s'engager dans une grave dérive aux conséquences incalculables que rien, absolument rien, ne saurait justifier et pour laquelle on aura incontestablement à répondre devant l'histoire.

Sénégalais et mauritaniens ont donc des défis à relever ensemble et une exaltante marche à entreprendre de concert sur la voie d'un progrès continu et pour la réalisation déterminée d'une grande œuvre de développement intégral et durable. Il serait donc vain, inconséquent et irresponsable de rater une telle cible par égoïsme coupable ou par un invalidant et inexplicable défaut de prise de conscience.

En la matière, ceux qui auront été à l'origine de l'échec, que ce soit par calcul égoïste ou par simple incompétence auront inéluctablement à répondre de leurs actes. Devant Dieu et devant les hommes.

C'est dire à quel point certains dérapages auxquels on assiste présentement sont regrettables, injustifiés et dangereux. S'il est juste et normal qu'un pays recense ses propres citoyens et les ressortissants étrangers résidant sur son sol et qu'il exige que tous régularisent leur situation conformément aux lois et à la réglementation en vigueur, il est, en revanche, injuste, inutile et inadmissible de s'en prendre à la dignité, aux droits et à l'intégrité d'autrui, d'humilier des êtres humains et, a fortiori, des voisins et des frères venus travailler chez vous et qui doivent, de votre part, faire l'objet de tous les égards et bénéficier de toute la solidarité et de toute la protection.

Dans l'exercice de leurs fonctions, les forces de l'ordre doivent faire le plus grand cas de cet impératif de respect de l'autre et traiter chacun conformément au droit et aux exigences du civisme et de l'humanité.

A cet égard, on ne peut que regretter les excès et les dérapages d'une campagne que les forces de l'ordre semblent mener actuellement chez les sénégalais vivant à Nouakchott.

Sans ménagement et traités avec la plus grande rigueur. C'est ainsi que des femmes arrêtées entre leur lieu de travail et leur domicile ont été rudoyées et, après avoir été trainées dans les commissariats de police et dans les tribunaux, ont été expulsées sans avoir pu passer chez elles ni récupérer leurs maigres affaires.

Une telle cruauté est injustifiable. Etant donné les relations très spéciales qui prévalent entre le Sénégal et la Mauritanie, elle est, en outre, incompréhensible et particulièrement choquante.

Il est, en effet, notoire que de nombreux citoyens de chacun de nos pays vivent dans l'autre et que parmi ces citoyens certains se trouvent dans une situation qui, c'est le moins qu'on puisse dire, a grandement besoin d'être régularisée. Nous devons, pour notre part, trouver les voies et moyens de faciliter cette régularisation en faisant preuve d'imagination et en adoptant les méthodes les plus humaines et les moins contraignantes (coût symbolique de la carte de séjour, possibilité de la faire payer par l'employeur qui récupérera son dû sur le salaire de l'employé, etc.) ainsi que les solutions les plus compréhensives et les plus fraternelles.

En tout état de cause, des instructions fermes doivent être données pour mettre fin aux débordements et aux excès et pour faciliter autant que possible la vie à des frères qui vivent et travaillent chez nous.

La spécificité des rapports qui existent entre nos deux pays doit, à cet égard, nous inciter à la plus grande prudence. Dans ce domaine, il nous faut, partant, agir avec discernement et faire montre d'un réel sens de la mesure et, au besoin, d'un maximum d'originalité.

La colonie sénégalaise de Mauritanie et la colonie mauritanienne du Sénégal doivent bénéficier de la part des autorités respectives de nos deux Etats de toute l'attention et de toutes les facilités qui découlent tout naturellement de la profondeur de nos liens et de la qualité incomparable de notre voisinage. D'un côté comme de l'autre de notre frontière commune, les problèmes doivent, en conséquence, bénéficier du traitement spécial,  à la fois, ouvert et tolérant que mérité la spécificité sans équivalent de nos relations.

Qu'aucun sénégalais ou aucun mauritanien ne subisse dans l'un ou l'autre de nos deux pays le moindre traitement cruel et humiliant. Ce serait vraiment indigne de notre longue cohabitation fraternelle et totalement incompatible avec l'avenir épanouissant que nous devrions, dans la paix et dans la fraternité, bâtir en comment pour nos deux peuples.

La loi doit, certes, être appliquée mais elle doit l'être dans le cadre du respect mutuel le plus scrupuleux et en toute fraternité. De cela, nos forces de l'ordre et tous nos services concernés doivent constamment se souvenir. Autrement nos ancêtres se tourneraient dans leur tombe.

 

Abdel Kader Mourad Diène, directeur de publication du journal L'événement