Nouvelles d’ailleurs : Rupture...

9 July, 2015 - 04:39

Nous n'avons pas l'électricité à tous les étages mais nous nous avons, pour nous consoler, les ftours des politiques et les soirées de medh... Les uns étant là, sûrement, pour consoler le citoyen lambda plongé dans l'obscurité et la chaleur de façon récurrente. Le Ramadan est l'occasion, pour certains politiques, de montrer qu'ils n'aiment rien tant que partager ce moment de rupture avec les pauvres et les peu chanceux... Ne nous plaignons pas : pendant un mois, cela leur permet de découvrir que la Mauritanie d'en bas est plutôt miséreuse... et que le « politique du Ftour » est bien habillé.

C'est une mode : montrer que nous sommes à l'écoute de ceux qui n'ont pas grand-chose, de ceux qui sont restés au bord de la route. De bien entendu, une rupture pareille se fait devant les caméras et les appareils photo. Sans eux, cela n'aurait aucun intérêt... Un bon ftour politique se doit d'être mis en image, afin d'édifier le Nous Z'Autres, où qu'il soit dans ce vaste pays qu'est la Mauritanie. Alors, soyons édifiés et remercions tous ces politiques d'avoir la bonté d'âme de venir manger à la table des pauvres, de s'enquérir de leurs besoins.

A chacun ses pauvres : il y a les pauvres du Ramadan et appartenant au programme d'édification des masses et le pauvre qui ne l'est pas. Je ne sais pas trop comment est choisi le « pauvre du jour ». Peut-être qu'il s'agit d'une forme d'amstram gram, pic et pic et colegram un peu obscur, où des conseillers anonymes s'amuseraient à désigner le pauvre du ftour. Ceci reste un mystère mais le résultat est que nous sommes inondés de reportages sur ces personnalités politiques de la Majorité qui « ftourent » à qui mieux mieux dans les quartiers miséreux. Le temps d'un ftour, la misère est à la mode...

Et puis, c'est notre misère, pas celle des voisins. Elle fait partie de nos vies, de nos manières de penser. Que serions-nous sans nos pauvres ? Ils sont un argument de campagne présidentielle permanente, variable d'ajustement. La misère appartient au politique comme la tique est accrochée au dos d'un chien. Une histoire d'amour...

Ces visitations d'officiels jouant au Père Noël ne durent qu'un mois. Conclusion : la misère ne dure qu'un mois. Nos pauvres ne sont pauvres que durant un mois, celui du Ramadan. CQFD. Dès le lendemain de la Fête, le pauvre redevient « normal », non pas riche, cela appartient à une caste précise, mais moins pauvre. Ce qui expliquerait que, pendant les onze autres mois de l'année, nul besoin pour nos politiques d'aller manger chez le pauvre.

Nous avons donc inventé le concept du pauvre à usage limité. C'est comme pour l'électricité : elle est aussi à usage limité et chaotique. Malgré le prix de la facture mensuelle, nous vivons dans un monde de coupures. Une fois, c'est à cause d'une histoire de cuve de gas-oil, d'eau, de mélange peu heureux, d'ouvrier quelque peu abruti... Une autre fois, c'est à cause des autres, de tous les autres. Une autre fois, on nous dit qu'il y a eu un incident technique. Résultat invariable des courses : les coupures.... ça « coupe » ici, ça « coupe » là, ça « re-coupe » par ici, ça « re-coupe » par là... ça « coupe » en coin, ça « coupe » en diagonale... A croire que la SOMELEC fait le Ftour permanent ! Parfois ça « coupe » partout en même temps, histoire d'apprendre le partage entre tous les citoyens. Nouakchott devient alors un immense kolkhoze de la rupture partagée.

Le meilleur moment, c'est celui de la rupture du jeûne accompagnée d'une rupture de l'alimentation électrique. Et quand un politique s'invite dans votre misère, pour partager, avec vous, ce moment béni, c'est la cacahuète sur le yassa : un intense moment de chaleur humaine. Et c'est cela, l'esprit du Ramadan : le partage... Que demander de plus ? Dans quelques jours, les pauvres n'existeront plus. Non pas parce que ce serait une vérité, mais parce que l'espèce politique qui vient partager la misère du misérable, disparaîtra.... Il y aura toujours des pauvres mais ils devront attendre un an, avant de se retrouver sous les feux de la rampe. En attendant, ils jeûnent.... comme toute l'année... se préparant aux prochaines Olympiades de la pauvreté… celles du prochain Ramadan. Salut

 

Mariem mint Derwich