Mémoires de Mederdra (suite)/Par Brahim Ould Ahmed Ould Memady

16 July, 2015 - 03:42

Chapitre 11 : Mederdra la rebelle

A l’époque du glorieux Mouvement démocratique national devenu, Parti des Kadihines de Mauritanie, « clandestin », Mederdra fut l’un des premiers bastions de la lutte démocratique en Mauritanie.

Ainsi, S’sangue avait choisi sa place d’avant-garde pour l’émancipation totale et effective de toute la société mauritanienne !

Oui, bien sûr, elle avait toujours dit « non » à la tutelle, à l’injustice, au manque cruel de libertés, à l’exploitation de l’homme par son semblable etc.

Elle avait chaque fois pris l’initiative et choisi la forme de son combat légendaire et sans précédent, fondé sur son élan patriotique, déterminé et soutenu…

Elle fut l’un des grands établissements de l’école Kadihine qui forma les meilleurs et surtout, les plus cultivés, cadres de notre très chère patrie ; très longtemps meurtrie !

Certains avaient  prétendu avoir appartenu au mouvement, au niveau de l’Eparse mais, du fait que nous sommes restés seuls, le brave feu Mohamed Chein ould Mouhamadou, était exclusivement, le seul de son genre, Kadeh !

Il l’était corps et âme, il ne chantait que pour son combat malgré les affres de ce choix qu’il avait héroïquement subies, d’où la torture aveugle, la réclusion et la déportation.

A Méderdra, nos enseignants furent bien nos encadreurs kadihines, et ils étaient presque tous du Mahsar : Feu Ahmed ould Khoubah, Maloukif ould  El Hacen, El Hacen ould  Taleb, El Mouvid ould El Hacen, Babe ould Bog, Mohamed ould Aghneib, Mohameden ould Baggah, Ahmed Salem ould Tah, Didi ould Sidi Moila, Isselmou ould Sidi, Ahmed ould Hababe, Ahmed ould Sid’Ahmed dit XAM le tortionnaire de HONDAT.

Lors de la grande débandade, celle des « aplatissements spectaculaires », nombreux sont ceux qui s’en allèrent, facilement au-delà de l’abdication, ils abjurèrent simplement ! A la différence des femmes, pourtant sauvagement malmenées ; mais leur courage et leur détermination avaient fini par décourager leurs tortionnaires, mis au pied du mur de la honte. N’Diaye  Daouda en sait quelque chose.

Après la secousse, il ne restait plus que quelques rescapés… Il nous fallait vite revenir dans notre terrain et reprendre l’initiative. Il était donc évident que nos capacités étaient encore opérantes et en sus, l’affaire des femmes de Mederdra nous avait attiré beaucoup de sympathie. Nos  héroïnes furent incontestablement la fierté de l’Eparse !!

Ici précisément, je rends un fervent hommage aux familles : toute celle d’Ehel Khoubah, Ehel Beibacar, ehel Noueisri, Ehel Mohamd el Kory, Ehel Habib, Ehel Nahi, Ehel Khalil, Ehel Babah, Dadou, Bembe, Beibe, etc.

Nous eûmes donc la témérité de fonder une école pour les adultes, du fait que l’on n’était plus nombreux.

L’école pour adultes (Medresset El Kibar)

Les initiateurs-enseignants étaient : Ahmed Salem ould el Beyedh, Bechir ould Enemraye et moi. Nous louâmes la maison de Mohamed ould Ahmed Salem ould Meidah, dont le loyer était payé par cotisation à base de trois. J’étais le directeur de l’établissement, ce qui me coûtait assez de déboires, mais c’était tant mieux ! Je ne vivais  que de ça, bon Dieu !

Au début, on avait soixante femmes et vingt gaillards, puis on écrivait sur les  murs des salles à défaut de tableau noir….

Le sérieux, la motivation et peut-être un peu de compétence avaient très bien convaincu… Notre trio travaillait tout le temps ensemble, même pour la préparation des cours pour nous compléter mutuellement et, parce qu’on ne pouvait pas dut tout échouer !

On enseignait toutes les matières en arabe et en français et avec intelligence extrême.

Au bout de quelques petits mois, notre école était devenue destination principale des sanguois. Il nous avait donc fallu instaurer un système de rotation et c’était exténuant, mais on tenait énergiquement….

C’était alors notre première réalisation d’après la reprise et notre grande victoire !

Quant à nos  détracteurs qui n’avaient pas encore cessé de chanter leur grand « coup » de la « débande », il fallait supprimer cette école et rapidement.

Un soir, nous fûmes informés discrètement, qu’un meeting se préparait juste à côté, devant la boutique de feu  Sidati Ould Maaloum. Que les autorités administratives et politiques allaient y dénoncer le « péché ou blasphème » que commettions dans notre école !

L’école au grand complet fut au rassemblement où elle avait dominé par l’effectif ! J’avais pris cette décision en tant que directeur car en discutant du sujet, l’un de mes collègues n’était pas d’accord et m’avait même traité d’anarchiste, quand j’avais proposé ma tactique : « profiter de l’occasion « gratuite » en détournant le meeting en  notre faveur et leur renverser la « table au visage » pour venger « l’affaire des femmes de Méderdra », tant et dès que je pouvais !

Alors, nos détracteurs, leurs hommes de main et autres parias ouvriraient leur feu sur nous ! Là, je me levai et l’administrateur, fou de rage, s’interposa :

Héh … ould Memadi, Mao, ici tu n’as pas la parole… il faut aller chez toi, à Boutilimit !

Je répliquai :

 - la parole, je ne te la demande pas, ce rassemblement est nôtre, il n’y a que mon école qui est venue m’écouter… vous avez tous traité ces femmes, ici présentes, de prostituées et sur la place publique ! Vous avez aussi soutenu que moi « Mao » je les empêche de prier leur « veridha », et leur enseigne la doctrine communiste (l’athéisme) ! Je vous rappelle, à ce propos que nous montons à l’école à huit heures du matin, descendons à midi, puis retournons à quinze heures et redescendons à seize heures et pour le reste de la journée et jusqu’au lendemain, notre école est déserte. Donc, c’est bien vous qui ne priez pas, dut fait que vous ignorez les horaires où il faut le faire. Monsieur,  avant de partir chez moi, je vous promets de « dénicher » le vrai partisan de la prostitution, et dans les quarante-huit heures qui suivront cet instant où nous sommes !

Ce fut alors un tonnerre d’applaudissements et, complètement désaxés, les « responsables » se retirèrent penauds et suants…

La même nuit, vers trois heures du matin, ce responsable était démasqué et j’étais satisfait d’avoir risqué et gagné mon pari, tout en vengeant nos femmes et à ma manière, même anarchiste !

Tôt le lendemain, la gendarmerie était venue nous appréhender  à l’école.

Après ma déposition (mes deux collègues n’étant pas concernés), nous fûmes libérés !

L’enquête de la gendarmerie semblait-il, avait conclu à la faute très grave du « responsable » et son effet néfaste pour l’autorité de l’Etat.

Alors, S’sangue trouva de quoi s’occuper, quand brusquement, le permanent du PPM monsieur Bâ Mamadou Alassane et la présidente du conseil supérieur des femmes madame Hafsatou mint Abdel Jelil débarquèrent chez le crâneur…

Donc, réunion où toute tendance fut convoquée et toutes les choses mises au clair, mêmes taboues, avec interdiction formelle à tout responsable de s’ingérer dans les affaires de la jeunesse, même kadihine ! (époque de la clarification en gestation !).

Ensuite, les deux hauts responsables demandèrent au « directeur » de leur présenter son école ; et ce fut fait en présence  de nos détracteurs, réduits au rôle d’accompagnateurs de la délégation.

A l’école qui avait beaucoup impressionné et enthousiasmé les hôtes, ordre fut donné au gouverneur qui les avait rejoints de Rosso, de conventionner immédiatement la maison de ould Meidah sur le budget de l’Etat et pour l’école des adultes.

Le trio-enseignant fut très chaleureusement félicité et le « directeur » sollicité au niveau du conseil supérieur des femmes à Nouakchott pour récupérer une cargaison de matériels et fournitures scolaires. Ceci en plus d’une proposition pour haute formation dans le domaine de l’enseignement des adultes, pour le trio.

Cette proposition nous enchanta au plus haut point, étant élèves renvoyés du lycée et espérant y revenir.

L’intervention des autorités de Nouakchott avait été provoquée par un rapport du trio, dactylographié par le « directeur » sur sa machine personnelle, que personne n’a jamais vue, parce qu’elle était réservée pour l’impression des tracts !

Donc, j’avais bien remis ce document à la ‘’très haute’’ femme, à Nouakchott qui géra elle-même toute l’affaire qui intéressait les femmes plus que les hommes.

Deux jours après le départ de la délégation, le « responsable » fut déresponsabilisé et se retira sur la pointe des pieds.

En effet, parmi les femmes et filles qui n’avaient plus de chance pour aller à l’école primaire et qui avaient profité du raccourci providentiel de la nôtre, pour réussir leur entrée au secondaire : Aîche qui fut  à l’université de Nouakchott, Beibe Mint Teguedi, devenue directrice d’école à Méderdra. Vatimetou enseignante à Méderdra, et bien d’autres dont j’ignore la position actuelle.