Pouvoir/opposition : A têtu, têtu et demi

16 July, 2014 - 04:51

L’opposition mauritanienne, réunie au sein du Forum National pour la Démocratie et l’Unité (FNDU) a perdu la bataille. Elle n’a pas réussi à empêcher Mohamed Ould Abdel Aziz de parachever son agenda électoral. Après les municipales et législatives de novembre et décembre derniers, le président en place, auréolé de sa casquette de président de l’Union africaine, a été réélu pour un second mandat, le 21 juin 2014. Les appels au boycott pour tous ces scrutins n’y ont presque rien fait. Comme qui dirait, le chien a aboyé et la caravane est passée.

Mais l’opposition n’a pas perdu que le front intérieur. Elle a, semble-t-il, également perdu le combat diplomatique. Car, excepté l’Union européenne qui n’a envoyé qu’une « mission d’appui technique », beaucoup d’autres institutions africaines et arabes ont dépêché des missions d’observation de l’élection présidentielle et presque toutes ont reconnu sa « bonne tenue ». En outre, au lendemain de la proclamation officielle des résultats, le président réélu a été félicité par l’ensemble des pays partenaires au développement, Etats-Unis et France en tête. Si l’on s’attendait à l’accueil chaleureux de François Hollande, celui de l’oncle Sam était plus redouté.

Autre victoire de Mohamed Ould Abdel Aziz qui peut, donc, continuer à nourrir l’espoir de rencontrer le président Barack Obama avant la fin de son mandat, même si la Maison-Blanche vient de doucher ceux de nombreux présidents en quête de tête-à-tête avec le président américain, les 5 et 6 août prochains, lors du sommet auquel Obama a convié 47 chefs d’Etat africains à la Maison-Blanche, en vue de « renforcer la présence diplomatique américaine en Afrique ». Fraîchement investi, Mohamed Ould Abdel Aziz n’était certes pas le premier à caresser l’immense espoir de se faire photographier, au sortir de la Maison-Blanche, au côté du président réputé le plus puissant du Monde. « Techniquement impossible de recevoir en tête à tête  ses 47 hôtes », a-t-on fait poliment savoir et c’est donc ensemble que tous seront salués, lors du sommet et du banquet. On imagine la tête dépitée de Kabila, Compaoré, Obyang, Ali Bongo et autre Aziz… Bah, peut-être se consoleront-ils avec la réunion du Conseil de sécurité, en septembre prochain.

 

Que faire ?

Que reste-t-il, aujourd’hui, à notre opposition FNDU? Changer de stratégie de combat ou accepter le fait accompli du Président ? Si le Forum campe, pour le moment, sur ses positions, se fondant à croire que le Président est mal élu et qu’il va entamer un « mandat trouble », le pouvoir savoure, lui, sa victoire et claironne avoir mis l’opposition « hors d’état de nuire». Ce qui ne favorise pas, du moins pour le moment, un quelconque rapprochement entre les deux camps qui s’observent en chiens de faïence depuis bientôt six ans. Mais certains observateurs ont, tout de même, ce pragmatique optimisme de croire le président de la République, une fois réinstallé sans ses fonctions, capable de tendre une « bouée de sauvetage » à son opposition. Il a, de fait, beaucoup à y gagner : pacifier les relations entre les « deux partenaires », devenus adversaires depuis 2008, et « couler » doucement son second et peut-être dernier mandat à la tête du pays. Après être entré par la petite porte – un putsch militaire renversant un président démocratiquement élu – il sortirait, ainsi, par la grande porte. En invitant son opposition autour d’une table de négociations, le président, qui n’a plus rien à perdre, pourrait lui offrir l’opportunité de se « repositionner sur l’échiquier politique national ». Et la seule offre qui vaudrait pour l’opposition, estiment les observateurs, est la dissolution, au bout d’une année de monolithisme, des deux chambres du Parlement, des conseils municipaux, voire de la CENI ; suivie, donc, d’une organisation enfin transparente et inclusive de nouvelles élections locales.

A cette fin, le FNDU, l’APP et les autres partis de l’opposition doivent, eux aussi, faire montre de leur disposition à travailler avec le Président que les Mauritaniens ont élu – bien ou mal, peu importe – et à reconnaître la « légitimité » du scrutin du 21 juin dernier. C’est la seule alternative qui s’offre aux uns et autres. La seule façon d’éviter, à ce pays, de poursuivre dans les invectives, lit de tous les extrémismes et, donc, de la violence. L’entêtement auquel nous ont habitué les deux camps, depuis 2008, tout comme les hésitations des uns et des autres, a fait perdre, à la Mauritanie, l’occasion de retrouver la position enviable de « démocratie », acquise en 2007, lors de l’élection du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi. L’opposition doit, aujourd’hui, se rendre à l’évidence : à têtu, têtu et demi.

En attendant que toute cette cogitation prenne corps, le camp de la majorité est, plus que jamais, focalisé sur la formation du prochain gouvernement. Nombre d’observateurs se demandent si le locataire de l’immeuble du gouvernement va rempiler ou tirer sa révérence, si le président changera de format de son équipe ou poursuivra sur la même ligne. Les prétendants affûtent leurs armes et mettent à profit les longues nuits du Ramadan, pour pousser leurs pions, dans la perspective de l’investiture du 2 août. La température monte… La seconde quinzaine du jeûne sacré s’annonce chaude…

Dalay Lam