Nouvelles d’ailleurs : De la Fête, du mouton, des mathématiques et de la diplomatie....

3 September, 2015 - 11:39

Rendons hommage à notre animal totémique, le mouton mauritanien. Sans le vouloir, il est le symbole Z'à 4 pattes de la bonne entente stomacale entre nos voisins et frères sénégalais et nous.

L'Africain étant ce qu'il est, la diplomatie du mouton revêt une importance telle que cette consolidation des relations « moutonnantes » a son propre planning, pour preuve la réunion, jeudi dernier, de la commission technique mauritano-sénégalaise chargée de la préparation de la Fête de l'Aid el Kebir ou Tabaski qui a vu une franche et fructueuse collaboration entre la ministre sénégalaise de la production animale et de l'élevage et notre ministre de l'élevage...

Hormis le fait que nous avons appris que sans notre brave petit soldat mouton, nos amis sénégalais risquaient de se serrer la ceinture côté bouffe, nous découvrons que la politique de l'estomac est d'une précision édifiante. La politique n'aimant pas les imprécisions, du moins quand cela l'arrange, nous possédons des chiffres fort sérieux sur les besoins sénégalais en viande mauritanienne : Dakar boulottera exactement 253 000 moutons, pas un de plus. N'allez pas gâter cette précision suisse en affirmant, dans une overdose de thé, que le dakarois consommera 254 000 moutons ou 252 000 bestiaux. Non, 253 000 pas un de plus ni un de moins...

Dire le contraire serait quasiment un crime...

Bref, 253 000 moutons finiront sous le couteau et dans les estomacs des dakarois...

Parmi ces futurs sacrifiés, il y aura 104 709 moutons des Nous Z'Autres, braves « volontaires désignés d'office » qui assureront la concorde, les bonnes relations bilatérales, la fraternité, etc etc....

Et, là aussi, 104 709...Le chiffre est précis.... 104 709. Si, de par malheur, apparaissait, dans les convois funéraires, un 710° ovin, cela relèverait soit du sabotage, soit de la malice...

Supposons s que certains moutons veuillent être de la « fête » et tentent de se fondre dans cette masse à cornes, à poils et à bêlements afin d'aller rendre heureux les estomacs sénégalais...Ces clandestins là, migrants, seront-ils arrêtés à la frontière ? Renvoyés dans leurs camps de rétention ?

Que se passera-t-il si se présente, cornes astiquées, le 105 000° mouton voyageur ?

Je suppose, dans mon ignorance, qu'à la frontière Sud de notre République ont été placés des « contrôleurs es moutons de Tabaski », chargés de compter le cheptel, sorte de brigade du mouton assermentée et forte en maths...

Vu que nous sommes connus, nous commerçants mauritaniens, pour notre sens à géométrie variable de l'honnêteté commerciale, je suppose aussi que nos voisins sénégalais vont placer, de leur côté de leur frontière Nord, leur propre brigade du mouton qui re comptera cette foule ovine....

«  Hey, samarak, voilà le 101 231° mouton qui passe ! »

«  Dé det, celui là n'est que le 101 230° mouton ! Rends nous le 101 231° mouton ! »

« Wallahi mon frère, me prendrais tu pour un voleur ?

Etc etc....

A savoir maintenant quels moutons seront envoyés au Sud, dans ce gouffre culinaire que devient le Sénégal au moment de la Tabaski...

Moutons « maure » ou mouton « peul » ? Touabir ou Poulfouli ? A poil ras ou à poil ras ?

Arabisant ou francisant ? Rectifié ou pas rectifié (castré ou pas) ? Dialoguiste ou pas ? Mouton gonflé à la pompe à vélo ou mouton de grain ? Mouton boutiquier ou mouton militaire ?....

Z'imaginez cette grande migration moutonnante ? Si le mouton est à l'image de son maître ça va swinguer, parler en n'en plus finir, décortiquer le monde, commérer, cancaner, surveiller, rapporter, voler, truander, draguer, se battre....

il y aura sûrement des « clans » de moutons : les ultras religieux et les plus tièdes qui s'éviteront non sans se lancer quelques anathèmes peu aimables : «  Tekfiriste ! Terroriste ! » / «  mécréant ! Apostat ! »...

Les célibataires et les mariés : «  Hey, que je ne te vois plus tourner autour de ma femme ! » / «  Ya oumry, ya habibti, vos pis d'amour mourir me font »....

Les travailleurs et les chômeurs : «  Va travailler au lieu de me casser les sabots ! » / «  Chuis un mouton diplômé chômeur moi M'Sieur... ! »

Les broussards et les citadins : «  Retourne dans ta baddiya espèce de plouc ! »

Les «  de la Majorité » et les « de l'opposition constructive et concertante » : «  Nous, moutons de la Majorité, illuminés par la direction éclairante de notre Guide encore plus éclairé, n'avons rien à voir avec ces Bachi-bouzouks ignares de l'opposition... Nous allons au martyr le cœur gai et la queue frétillante » / «  bachi-bouzouk toi même ! Nous, moutons de l'opposition, dénonçons le climat délétère de la république ovine et alertons l'opinion internationale sur la situation catastrophique dans lequel nous bêlons en rond... »....

Bref.....

Quand à la question primordiale qui nous taraude Nous Z'Autres mauritaniens, à savoir, que nous restera-t-il pour nos estomacs lors de la Fête, je ne peux que trouver des ébauches de solutions.

Il nous restera les poulets, ces petits poulets sportifs, durs comme un coup de chicote, tout en muscle et en insolence... On pourra se rabattre sur le poisson, non pas celui qui nourrit tout le Sénégal, notre poisson national dont on ne voit pas le bout de la nageoire, mais sur le poisson qui va apparaître dans les marigots qui font de notre belle capitale une cité lacustre, Venise de l'Afrique de l'Ouest....

Je suis sûre qu'avec un peu de bonne volonté, il suffit de s'armer d'un fil de pêche, d'un hameçon, d'un appât...A force de jeter nos lignes dans nos lacs citadins, nous finirons bien par attraper du poisson... Les miracles existent, en particulier chez nous....

En attendant , je demande une minute de silence officielle pour ces 104 709 moutons symboles des bonnes relations diplomatiques entre le Sénégal et nous....

A nos martyrs de la concorde et de la Fraternité, ouvrez le ban....

Salut

 

Mariem mint DERWICH