Lecture d’une situation embarrassante/ Dy ould Hasni ould Moulaye Ismail

17 September, 2015 - 09:36

Il est des moments où le citoyen est interpellé, par devoir, à s’intéresser à la vie de la Nation. Cet impératif coercitif ne laisse aucune issue de dérobade, pour quelque prétexte que ce soit, et la réponse à cet appel exige, des fois, un sursaut national. C’est pourquoi, il importe de réagir avec célérité et tact, pour enrayer tout dysfonctionnement, au plus vite, autant les problèmes sont imbriqués et enchevêtrés  les uns dans les autres. Des divergences politique, sociale, économique et/ou financière, naissent les petits foyers de tension qui, s’ils ne sont pas annihilés, constitueront le préalable de grands mouvements sociaux qui font basculer, précipitamment, le cours de l’histoire et empêtrent les Etats dans le désordre.                                        

Que se passe-t-il ?

Depuis quelque temps, nous ressentons une lourde atmosphère qui cache un malaise général. Ceci est d’autant plus perceptible, qu’au moindre contact d’autrui, nous avons le sentiment du rejet systématique. Les raisons n’étant pas nécessairement élucidées, il y’a risque d’implosion à tout moment.

En effet, les populations vivent dans un  besoin quotidien exécrable qui n’est pas de manière à entrer la gaité dans les cœurs certes, mais qui ne doit pas pour autant créer la haine et la rancœur entre les différentes composantes d’un même peuple.

Nous avons tous un dénominateur commun, celui de vivre sous le joug de la pauvreté qui est due essentiellement à l’ignorance. Le chômage,  l’inégalité des chances,  le non partage des richesses, et l’injustice sous toutes ses formes, ne sont  pas l’apanage d’une communauté, au contraire, ils sont vécus  par tous, mais  peut être à des  nuances près.

Une bonne gouvernance nous permettra de  profiter pleinement des ressources de notre sous-sol très riche, de notre côte s’étalant sur 800 kilomètres parmi les plus poissonneuses du monde, de notre vallée qui peut nous assurer notre autosuffisance alimentaire et ce, pour seulement une population de moins de 4 millions d’âmes.

Pour une exploitation rationnelle de ces ressources, nous aurons besoin  d’utiliser toutes nos forces vives, toutes nos compétences nationales au service de l’Etat pour, une fois, sans politisation, mais ô combien nécessaire, éviter à notre pays la dislocation.

Un gouvernement, quel qu’il soit, issu des urnes ou venu par la force des armes, a le devoir d’assurer à son peuple, à tout son peuple, sans discrimination aucune, ses besoins fondamentaux qui sont des droits inaliénables, à savoir : le droit à la scolarisation, à la santé, à la propriété, à manger, à boire, à se vêtir  etc.

Tout cela, s’il est réalisé, peut être considéré dans le cadre de la distribution des richesses nationales,  qui sont un bien commun où l’on ne doit pas ressentir d’inégalités. Ce qui nous fera l’économie de retenue contre la contestation de la rue, à conséquences imprévisibles, voire incommensurables.

Succession de quelques évènements dangereux :

Dernièrement, nous avons assisté, à plusieurs reprises, à des descentes gigantesques de  l’opposition réclamant  le départ d’un gouvernement incapable de  satisfaire les doléances sociales.

La grève des dockers du port de Nouakchott, qui a immobilisé à plusieurs reprises le trafic et a failli dégénérer en confrontation avec les forces de l’ordre, les nombreux sit in devant la présidence et la primature des diplômés chômeurs de tous ordres, ingénieurs, médecins, autres PNP, travailleurs de Tasiast et Pizzorno,  divers syndicats etc…

Par deux fois successives, la ville minière de Zouerate a failli embraser le pays, suite à la  confrontation, avec  les journaliers et autres ouvriers de la société minière, SNIM, poumon de notre économie. La dernière qui a duré deux mois, a été fortement ressentie, la production du fer a baissé,  provoquant une diminution drastique  des  recettes en devises.

Aussi, certaines voix (chez les FLAM) se sont élevées pour réclamer la séparation ou une sorte d’autonomie  interne  de  la vallée. Toutefois, leur entrée d’exil présage leur disposition à entrer dans le jeu politique, pour participer à l’émancipation et le développement de leur pays, et ont demandé une autorisation pour un parti politique.

 D’autres, auparavant, (Touche pas ma nationalité) ont contesté  l’enrôlement biométrique estimant qu’il est destiné à les léser dans leurs droits fondamentaux. Des manifestations éclatèrent à Nouakchott, Kaédi et Maghama, où il y eut malheureusement  la mort d’un jeune manifestant. L’un et l’autre posent, entre autres, les problèmes cruciaux de cohabitation et du passif humanitaire, qu’il faille nécessairement  régler et définitivement.

Le mouvement (IRA), antiesclavagiste, dont les chefs sont en prison, hausse le ton et crie à l’injustice. Les écarts de langage, commis peu de temps avant, à l’égard de ses concitoyens, sont imputables, probablement, au  manque  d’expérience et de conseils. Oubliant que : « la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres». Son approche devrait être toujours, conciliante, fédératrice, pour sa cause, à la recherche permanente de sympathisants. Il lui est reproché de confondre, à tort, l’entité Arabe au Pouvoir, de diffamer les Ouléma,  d’avoir incinéré  les livres de rite  malékite. Il pouvait se passer de laisser une telle image.

Toutefois, après une campagne présidentielle virulente, son chef, déclaré deuxième, a baissé le ton et a même modéré son discours, avant qu’il ne soit arrêté à Rosso. Cette arrestation n’était pas à son  moment, selon beaucoup d’observateurs. Peut être s’était- il rendu compte du poids de 8% dont il a été crédité de la part des électeurs? Allait-il changer de discours, maintenant qu’il n’est plus le militant des droits de l’homme, mais plutôt l’homme politique,  à part entière, ayant obtenu un pourcentage respectable, même si une grande partie de l’opposition a boycotté ces élections ? C’est sûr, sa doublure de Prix Nobel et sa position de second à la magistrature suprême, faisaient de lui un responsable qui devait s’assumer. Il fallait lui offrir l’occasion. Malheureusement, nous avons été  privés, à cause de son arrestation et condamnation (mal venues), de connaitre quel serait son nouvel itinéraire, maintenant qu’il a besoin d’électeurs, ce qui allait éventuellement, suivant toute logique, changer la donne pour lui, en tenant compte de ses nouvelles responsabilités et  ambitions politiques. 

D’ailleurs, les causes telles que la cohabitation, le passif humanitaire et l’abolition de l’esclavage ne sont pas le propre d’une communauté, elles ne se règlent que par la participation active et la contribution de toutes les composantes nationales représentée à travers (les ouléma, les partis politiques, la société civile, les syndicats, les personnalités indépendantes, les personnes ressources, toutes les bonnes volontés… etc ), avec, bien entendu, une volonté ferme de l’Etat, qui assure la puissance publique.

Et OULD MKHAITIR de  publier un article blasphématoire à l’endroit du prophète(PSL). Stupéfaction générale. La caste des forgerons grouille et ne se reconnait pas en lui. C’est normal.  Néanmoins, elle crie l’injustice historique qu’elle a subie, et deux tendances se disputent le leadership.

Dans la même lancée, le Coran est lacéré et désordonné dans une mosquée, sans connaitre le malfaiteur. La réponse ne s’est pas fait attendre, car la blessure était ressentie, profonde, béante et volontaire. C’était, sans doute, un peu trop.

Quelques instants après, dans un mouvement spontané et malgré l’heure tardive, les populations de Nouakchott, venant des quatre points cardinaux, envahirent le centre ville, le palais présidentiel était  à deux doigts. Aucune force ne pouvait stopper ce déferlement, même avec un carnage, seule la volonté divine pouvait  être au secours à cet instant précis, ce qui a été heureusement. Le lendemain fut trouble, les appels au calme entendus, malgré la mort d’un jeune manifestant. Un tableau qui n’est vraiment pas reluisant et qui sort de l’ordre de nos coutumes et traditions ancestrales.

Demain, peut-être,  et qui sait ? Les marabouts, les guerriers, les znaga, les griots, et autres, au niveau de toutes les communautés, revendiqueront des droits. Autant de problèmes sociaux qui méritent d’être débattus dans le calme, pour dégager les  solutions idoines, consensuelles, tant qu’il est encore temps.

Et nous avons l’impression d’assister à une Mauritanie communautariste à tendance raciste, divisée  sur la base de la couleur de la peau et/ ou de la caste, fin prête à la confrontation, comme le désirent les forces du mal de tous bords, et qui risque d’être  phagocytée et plus que jamais meurtrie.

Il importe de rappeler à ce moment précis, la célèbre citation de Martin Luther  King : « La non violence est une arme puissante et juste, qui tranche sans blesser et ennoblit l’homme qui la manie. C’est une épée qui guérit.»

Dans l’attente de solutions appropriées:

La Mauritanie a besoin de vivre en paix. Pour cela, elle a besoin de toutes ses composantes nationales et tous ses fils où qu’ils soient. Elle doit avoir un front intérieur fort, uni et soudé autour des questions nationales, pour éviter surtout une ingérence extérieure. C’est un préalable qui n’enlève rien aux positions politiques des uns et des autres. Regardons un peu autour de nous, au Nord comme au Sud. Le pouvoir doit prôner et appliquer une politique de non exclusion, seule capable de satisfaire les ambitions de ce peuple. Une justice égalitaire, une distribution des richesses nationales, une accession non sélective (sur des considérations politiques ou autres) à l’emploi, sur la base de la compétence et de l’intégrité, loin de tout favoritisme, clientélisme, tribalisme ou appartenance politique.

Dans le cadre de la bipolarité actuelle pouvoir-opposition, le pouvoir se prévaut de s’inscrire dans une logique d’application de programme et prétend que les postes à responsabilité politique sont destinés à ses acolytes, ses soutiens. Mais encore faut-il que nous soyons dans une démocratie véritable où l’administration devient celle de tous les citoyens ? Cette administration où les postes publics, ceux des sociétés d’Etat et les postes techniques qui demandent des qualifications, de même que cette main d’œuvre ouvrière des multinationales qui font la recherche dans notre sous-sol, avec des sous-traitants privés, tout cela doit rester accessible à tous les citoyens, où les seuls critères devront rester la compétence et l’intégrité sinon, ce sera une injustice criante et ouverte, envers les milliers de cadres et envers l’Etat, lui-même, privé des compétences nationales pour des considérations arbitraires.

De crainte de priver peut- être, sans s’en rendre compte, à moins que ce ne soit un objectif, une partie des mauritaniens de l’emploi, toute leur vie durant, et faire de l’Etat une propriété de l’autre partie, puisque, toujours  rangée du côté de celui qui est au pouvoir. Le bien public appartient au  peuple, et à tout le peuple.

Aussi, en vue de décongestionner ce climat délétère, explosif, et pour consolider  l’unité nationale, et renforcer la paix sociale, il serait nécessaire, d’autoriser des partis politiques, déjà au nombre de 80, pour IRA,  Ex-Flam, les Douat et ould Ahmed Aicha, et à tous ceux qui voudraient en avoir, s’ils répondent, bien entendu, aux exigences.

 Seuls la loi et le citoyen peuvent constituer un obstacle devant leurs ambitions. A moins de considérer l’adage philosophique de B. Pascal qui dit : «  Le cœur a ses raisons que la raison ne connait point ».

Et seul un Etat fort, juste et égalitaire peut contenir de telles  frustrations sociales.

C’est pourquoi,  il est urgent que la sagesse ressurgisse pour apaiser les esprits des uns et des autres et cultiver, davantage, les valeurs d’amour de la patrie, du frère dans l’islam, et de l’autre en général. La Mauritanie vaut bien, de la part de ses fils, le sacrifice de la garder  unie, et ne mérite pas d’être connue à travers les médias de la haine et de l’horreur.

Osons prendre un engagement sur l’honneur de ne point  la livrer aux opportunistes, toutes tendances confondues, qui voudraient la voir dépecée et vidée de ses valeurs intrinsèques, jadis connues  sous le nom de la fraternité, de la tolérance, et du pardon. Cet engagement ne pourra être respecté, que si la participation de tous les acteurs est acquise, sans calcul prémédité, ni discrimination volontaire, où le seul objectif, qui vaille, sera de garder la  Mauritanie unie, indivisible, égalitaire, juste et la sauver des ambitions de ceux qui la rendraient partagée et assombrie dans les hécatombes.

Qu’Allah préserve la Mauritanie, Amine                       

                                                                                               Dy ould Hasni ould Moulaye Ismail