Nouvelles d’ailleurs : Vous reprendrez bien un peu de Dialogue... ?

19 May, 2016 - 01:01

C'est un vrai feuilleton de chasse aux fantômes que notre Dialogue National qui ré-apparaît, aussi sémillant qu'avant, tout affairé à se préparer et à être resservi à la table des négociations.

On le croyait mort ; nous pensions en être débarrassés pour de bon, après des années d'amour-haine entre l'opposition et le pouvoir. Nous avions même participé à l'enterrement, sûrs que le défunt était vraiment mort, ne pipant plus mot sous son drap mortuaire. Mort de chez mort. La fanfare de l'opposition avait joué son plus bel air martial. La majorité avait levé les yeux au ciel en murmurant « Z'en font un peu trop nos adversaires », le populos lambda, c'est à dire le Première classe Nous Z'Autres, doigt imaginaire sur une couture encore plus imaginaire, avait dodeliné de la calebasse en poussant un grand soupir de soulagement. Nous pouvions passer à autre chose.

Mais que nenni. Notre Dialogue dit national, dit de concertation, dit d'ouverture, dit de blabla est toujours vivant.

Notre chef l'a ressuscité à Néma. L'APP a pris acte et on attend la réponse de son chef, Messaoud ould Boulkheïr, pour la fin du mois.

Les autres, l'autre opposition, ne pipent mot, toute occupée à rechercher dans les archives de chaque parti la déclaration dans laquelle les doléances sont exprimées, ainsi que les exigences.

Ce qu'il y a de bien, c'est que ça va économiser de l'encre. Pas besoin de pondre de nouvelles déclaration « oppositionnantes ». On prend les anciennes, on les époussette et on se lance dans l'arène du «  Non, Monsieur, pas comme ça ; z'avez tout faux ».

Bref, c'est reparti pour la franche rigolade, les attaques verbales, les crises de nerf, les «  tu pipes, je te rentre dedans ».

Nous aurons droit à tout l'alphabet politique.

Le Dialogue, surtout ce genre de faux dialogue destiné à permettre à tout un chacun de se positionner en vue des prochaines élections, de compter les défections et les ralliements, de saper ce qui peut l'être, de donner à papoter dans les salons, est le truc, le machin bidule chouette que nous adorons...

Très culture maraboutique tout ça, cette culture du consensus et cet acharnement à mettre ensemble des gens qui se haïssent ou s'aiment selon les baromètres du moment. Certains se sont beaucoup aimés avant et se détestent maintenant. Certains se sont beaucoup aimés avant et font semblant de se détester aujourd’hui. D'autres se détestent vraiment.

C'est notre jeu des chaises musicales ayant accouché du Dialogue (du grec, DIA entre, LOGOS, Paroles soit dit en passant et pour me la jouer cultivée).

Mais qu'y a-t-il donc dans ce « Entre Parole » de tellement fascinant qui fait que, régulièrement, le monde politique s'enflamme ainsi ?

L'opposition manque-t-elle tellement à notre Raïs ?

Et le Raïs manque tant à son opposition ?

Et nous, nous manquons à qui au fait ? Nous les citoyens ordinaires, parfois marchant dans les meetings de l'opposition, parfois marchant dans les meetings de la majorité, parfois marchant tout seuls...

Oui, nous manquons à qui ?

Qui dialogue avec nous ?

Qui nous demande notre avis ?

Notre Sultan zigouille le Sénat, évacuant ainsi, derrière des considérations économiques, ce qui pourrait, dans une vraie démocratie, être le poil à gratter du pouvoir. Il nous a demandé notre avis ? Non.

Notre Sultan demande le Dialogue. Il nous a demandé notre avis ? Non.

Notre Sultan est en pleine lune de miel avec l'Arabie Saoudite. Nous a-t-il demandé notre avis ? Non.

Notre opposition boycottante et devenue silencieuse et aux mains liées veut un dialogue « inclusif » (oui, oui, toujours pas compris le sens du truc là). Nous a-t-elle demandé notre avis ? Non.

Dans chaque camp se préparent les Enveloppes, appelées pudiquement Per Diem, qui seront distribuées à certains journalistes, histoire de faire monter la mayonnaise et de chauffer le camp adverse. Nous a-t-on demandé notre avis ? Non.

Alors, je repose la question : qui dialogue avec nous ? Peut-être les Misgharou, quoique ce genre de dialogue là s'apparente plutôt à un monologue.... Mais eux et le boutiquier sont ceux avec qui nous avons le plus affaire...Donc je range ces échanges à la case « dialogue »....

Faut nous y faire les enfants : on va souper du dialogue à toutes les sauces pendant des semaines, épicé ou pas, trop salé ou fade.

On va même en « petit déjeuner », en « déjeuner », en « goûter » ( avec du Nutella dessus ça devrait passer), en « kebde wa dheroualiser », en « taginiser », en « théier », en « couscoussier »...

Une vraie indigestion d'avant Ramadan....

Bref, il est temps que je prenne des vacances sur une dune quelconque, loin, très loin histoire de méditer sur cette étrangeté qui est nôtre, à savoir notre refus absolu de considérer que dans une démocratie une majorité gouverne ( parfois en gouvernement d'union nationale, là encore faux dialogue par excellence) et une opposition s'oppose ( ou pas), mais ne passe pas son temps à vouloir dialoguer coûte que coûte.

Le Dialogue est mort, vive le Dialogue....

 

Salut

 

Mariem mint DERWICH