Faciliter la coopération économique régionale pour notre bien commun

2 June, 2016 - 00:17

En ces temps de crise économique, certains pays ont réussi, mieux que d’autres, à se développer durablement et à éradiquer la pauvreté. La coopération économique régionale et l’ouverture de l’économie sur le Monde sont des éléments déterminants pour parvenir à une croissance durable et à réduire les inégalités sociales, une double tâche redoutable. Chez nous, avec la chute, depuis 2014, des cours des matières premières exportables, notamment le fer, le cuivre, l’or et le pétrole, la situation économique de la Mauritanie connaît, dans son ensemble, une évolution défavorable. Le déficit de la balance commerciale est passé d’environ 118 milliards d’ouguiyas, en 2013, à 215 milliards en 2014 : presque le double.

Nous venons d’évoquer notre balance commerciale. Arrêtons-nous donc, un instant, sur ce point. Nous y montrerons les avantages de la coopération économique régionale et répondrons à la question concernant nos exportations vers le Maroc à qui la Mauritanie n’aurait, selon certains esprits incultes, rien à vendre. La levée progressive des restrictions, par le royaume chérifien, sur les mouvements transfrontaliers des personnes, biens, services et capitaux, à notre frontière Nord, n’a cessé d’accroître nos échanges. Chaque nuit, des voitures (taxis et autres), pleines de centaines de voiles et boubous, quittent Nouakchott, pour passer la frontière le lendemain matin. Une simple malle arrière ou un porte-bagages peut facilement contenir cent boubous de Bazin, vendus, pièce, 1 500 à 2 000 DH, soit 60 à 80 000 UM. Il faut donc compter 6 à 7 millions d’ouguiyas, au minimum, par taxi. Soit l’équivalent marchand de 60 tonnes de mandarines, oranges ou pastèques dont le kilo est vendu, en gros, entre 100 et 120 UM à Nouakchott.

C’est incroyable, même inouï. Un petit véhicule qui passe, mine de rien, inaperçu, transporte la même valeur marchande qu’un camion frigo de 60 tonnes, attirant, lui, tous les regards. Voilà pourquoi beaucoup de gens ne remarquent que nos importations en provenance du Maroc. Ces vêtements –  voiles, boubous et autres – sont des produits à haute valeur ajoutée. La couture et la teinture constituent jusqu’au tiers du prix de ces habits. Des centaines de tailleurs, couturières et teinturières qui opèrent en ce domaine construisent des maisons et nourrissent leurs familles à Nouakchott, Kaédi, Sélibaby, grâce à cette activité. Des dizaines de commerçants mauritaniens en rapatrient bénéfices et dividendes depuis le Maroc.

 

Des exportations à valoriser et différencier

Pour comprendre l’importance de nos exportations par voie terrestre vers le Maroc, il faut se pénétrer de l’idée que ce secteur relève entièrement de l’informel. Il n’y a pas de statistiques officielles à ce sujet. Profitant des avantages du libre échange et de l’absence de barrières, nos opérateurs économiques ne voient, dans notre voisin du Nord, qu’un participant actif de la coopération économique régionale. Avec toutes les précautions qu’il convient de prendre, lorsqu’on essaye de quantifier des grandeurs réelles à partir d’échantillons, on peut situer nos exportations, vers le Maroc, dans une fourchette de 30 à 40 milliards d’ouguiyas, chaque année. Certes, ces chiffres ne sont cités qu’à titre indicatif pour illustrer une tendance et n’ont pas pour but de la quantifier dans l’absolu.

Et ce n’est pas fini. Pour le moment, l’exportation de nos animaux est interdite, par le Maroc, pour des raisons de sécurité, mais, demain, les choses rentreront définitivement dans l’ordre. Puisque nous sommes un pays d’élevage, nous pourrons alors exporter, par centaines, voire milliers, nos chameaux, à destination de notre partenaire et voisin du Nord qui envisage d’en importer d’Australie. N’en déplaise à certains malintentionnés, notre balance de paiement sera, alors, bel et bien excédentaire avec le Maroc. Il faut ajouter à cela les transferts et les investissements étrangers. Sur ce plan, le Maroc est loin d’être en reste. De tous les pays de la région, il est celui qui a le plus investi chez nous. Au-delà de ses anciens financements, il a démarré plusieurs projets d’agriculture dans la vallée et au profit d’autres activités prioritaires, comme, entre autres, la fabrique de ciment.    

 

Penser une stratégie transactionnelle spécifiquement mauritanienne

C’est de notre côté que des efforts doivent être entrepris, pour stimuler, en priorité, nos transactions. Pourquoi en priorité ? Parce que l’efficacité économique le commande et exige, dans l’ensemble, l’expansion des marchés régionaux et sous-régionaux. Certes, des efforts louables ont été entrepris mais il nous en faudrait plus car ce secteur vital de coopération risque, s’il n’est pas restauré, de compromettre l’avenir, en pénalisant notre développement et de faire coucher, au final, notre barque sur le flanc, alourdi par les problèmes qui continuent de peser, négativement, sur la qualité de notre partenariat économique. Qu’on me comprenne bien : la présente communication ne prétend pas proposer une réforme de notre système économique. Loin de là. Elle observe, simplement, que la valorisation de notre coopération économique reste à faire.

Le responsable de ce poste doit être un homme exceptionnel, un véritable visionnaire : il aura à hisser notre économie à la hauteur des défis qu’annonce le troisième millénaire. Il s’agit, à coup sûr, d’une tâche édifiante et ardue, au même titre que l’accès à l’eau potable, l’emploi des jeunes diplômés ou le développement humain (santé, éducation…). Bien sûr, ces trois derniers thèmes ont, dans l’opinion, un degré d’urgence beaucoup plus grand que celui dont l’auteur que je suis à voulu se saisir et c’est normal. Mais aucun des grands problèmes de la société et de l’économie mauritanienne ne pourrait recevoir de solutions durables, si était négligée ou mal comprise l’absolue nécessité d’un renouveau de notre coopération régionale et sous-régionale.

 

 

                                                                  Lehbib ould Berdid