Calamités

23 June, 2016 - 16:07

Pour qui nous prennent ces politicards ? Toutes tendances confondues, majorité et oppositions, jusqu’à quand ce Président et tous ceux qui gravitent autour continueront-ils à se foutre impunément du peuple ? Depuis le coup d’Etat de 2008 que le pays est dans une tourmente politique inédite, ni paix ni guerre, des accords, des dialogues, des coordinations de l’opposition, des fronts nationaux pour la défense de la démocratie, des forums pour l’unité et la démocratie… Et quoi encore ? J’en oublie certainement. CUPAD. Reculade. HCE. CMJD. FNDU. FNDD. Des acronymes fantaisistes à tout va qui ne mènent, finalement, qu’à la case départ, pour repartir, de plus belle, vers d’autres lendemains aléatoires, sur fond de divergences, de conflits d’intérêts d’une oligarchie militaro-affairiste qui dirige le pays, depuis un certain 10 Juillet 1978, et d’ambitions, démesurées, d’une racaille de politicards calculateurs qui se disputent les miettes à qui n’ont accès que les applaudisseurs les plus aguerris et les thuriféraires les plus aptes aux pires compromissions et aux plus ridicules courbettes. Pitoyable pays, pris en otage par une succession de systèmes rompus au culte de l’allégeance et de la soumission ! Effroyable, leur capacité de nuisance, déclinée en termes de marginalisation et de diabolisation de toutes les compétences nationales rebelles à leur approche de la « gestion » publique ! Ils ont fait leur la maxime selon laquelle tout ce qui n’est pas avec moi est contre moi et ainsi privé le pays de 60 à 70% de son expertise, dans tous les domaines. Quels changements, surtout politiques, entre la destitution de Maouiya ould Sid Ahmed Taya et maintenant ? Une petite éclaircie démocratique, très mitigée, rapidement torpillée par des militaires incapables de se défaire, une fois pour toutes, d’une gouvernance civile qui n’est pas plus leur mission régalienne qu’ils y sont prédisposés. Les honneurs, l’argent, le pouvoir, via coups d’Etat, ne confèrent aucune légitimité ni ne prémunissent contre d’imprévisibles soubresauts. En cela, l’histoire regorge d’exemples. Les rassemblements populaires, souvent suscités par la peur ou l’appât, à l’occasion des visitations présidentielles, ne sont la preuve d’aucune popularité. Ni d’aucune caution ou adhésion à un quelconque programme électoral. Les revirements intempestifs, lors du renversement du pouvoir en place, en témoignent avec éloquence. Il faut revisiter l’histoire récente de la Mauritanie. Un pays qui ne fait rien comme les autres. Sinon et par exemple, cette question de troisième mandat ne serait même pas posée. Pour la raison, très simple, que la Constitution n’en prévoit que deux, pour le président de la République. Que toute la classe politique et ledit président en parlent signifie, d’une part, une certaine mauvaise foi et trahit, d’autre part, des desseins inavoués. Et, si jamais (ce qui est très probable), ce président-ci décide de rempiler pour une dix-de-der, ce n’est pas cette opposition-là qui pourrait l’en dissuader. Incapable qu’elle est de dépasser ses petites querelles de minarets pour se consacrer à l’essentiel : à savoir, fédérer ses forces, afin de débarrasser le pays de l’emprise étouffante de juntes militaires qui se relaient, depuis 1978, aux commandes du pays. Les oppositions mauritaniennes sont désorganisées et incapables de collaborer. Les ambitions personnelles et les animosités l’emportent sur l’intérêt national. Ces profondes incompréhensions interpersonnelles ont fait rater, au pays, au moins deux ou trois occasions de se (re)mettre sur les rails d’une gouvernance civile véritablement démocratique. Les militaires bâtissent l’essentiel de leur stratégie sur ces incohérence et incompréhension. Ils tirent leur « force » de la faiblesse des oppositions. En Afrique, à quelques exceptions près, aucune opposition n’a réussi à produire le moindre changement, sans l’aide d’un vaste mouvement social. Au Sénégal, si le vieux patriarche Abdoulaye Wade a été platement battu, par Macky Sall, c’est, principalement, grâce à une opposition bien structurée, certes, mais, surtout, grâce au rôle, très important, joué, en amont et en aval de l’élection, par des mouvements de contestation pacifique, comme « Y en a marre », composé de rappeurs et de journalistes, ou du M23 (Société civile du Sénégal). En 2013, c’est le mouvement de contestation « Balai citoyen », issu de la Société civile burkinabaise, qui a chassé Blaise Compaoré et conduit vers un changement démocratique, via l’organisation d’une élection présidentielle transparente et apaisée. Un peu plus loin en Afrique centrale, c’est le mouvement citoyen la Lucha (Lutte pour le Changement) qui milite, en République Démocratique du Congo, pour l’avènement d’un Congo nouveau, à travers des actions non violentes. En Mauritanie, même si les mouvements sociaux (Mouvement du 25 Février, Mani chari gasoil, entre autres) sont moins structurés, leur rôle reste cependant déterminant, pour la dynamique d’un très vaste mouvement populaire, capable de mobiliser toutes les forces vives nationales, au-delà des affinités politiques et des contingences circonstancielles, pour libérer le pays des dictatures militaires et permettre une alternance véritablement pacifique, sans interférence avec le pouvoir. Incontestablement, le changement politique, sera, chez nous, ce que les mouvements sociaux issus de notre Société civile voudront qu’il soit ou ne soit pas.

 

El Kory Sneïba