Autour d'un thé

30 June, 2016 - 19:28

Celui qui se cache avec les jours est nu. Poursuivi, on est toujours atteint. Est bien fini celui dont on prend la tête. Autant d’adages rappelant que tout ce qui commence finit. Même si ça peut finir… avant même de commencer. Comme le dialogue. Le fameux dialogue : trois semaines ou quatre, au plus, serment de Président ! Entre temps, c’est vrai, il y a eu le Ramadan. Puis l’aéroport, tout nouveau, tout beau, de Nouakchott et il y aura le jamais vu, jamais connu, jamais obtenu : l’extraordinaire sommet de la ligue arabe qui se tiendra, pour la toute, toute première fois de l’histoire des Arabes… en Mauritanie ! Aigris, maigrissez tant que vous voudrez ! Rien à faire contre cette extraordinaire et extravagante et ravageuse diplomatie nationale dont les moteurs ne se sont allumés – on dit aussi prendre feu… – qu’à l’aube bénie du 6 Août 2008. Quelque chose qui ne finit pas finalement (bon, excusez la lourdeur, mais c’est comme ça : le thé plein de menthe enivre, voire clochardise…) se termine, dit-on, en queue de poisson ou cul de sac. Impossible d’établir jonction entre cul de sac, queue de poisson et ce qui finit bien ? Pourquoi pas ? Les connaisseurs de poisson savent, eux, que le secret est dans la queue. Y a pas plus délicieux que ça. Les plus fins gourmets chercheront toujours à conquérir la queue, pour finir avec. En queue de poisson. Quant au cul du sac, interrogez les spécialistes des ravg’a (petites expéditions broussardes de ravitaillement) : ils vous diront que c’est au fin fond de leur mezoued ou tassevra (sacs traditionnels en cuir servant à garder les provisions) que se cachent les petites choses qui ne se grignotent qu’entre amis. Donc queue, cul ou tête de quelque chose, ça peut bien finir, comme ça peut très mal finir. Bref, après le début du Ramadan, en voici la fin. C’est dire combien tous les Ramadans finissent, invariablement, en queue de portefeuille. Vers les vingt du mois et, ensuite, pas moyen : secouez autant que vous voudrez, aucune ouguiya ne tombera. Tournez, retournez. Rien. Toutes les acrobaties finissent en queue de poisson. En cul de sac. Toutes les manœuvres aussi. Les petites combines, genre qui aide les jeuneurs à réussir leur rupture, même en les endettant, ne marchent plus chez les commerçants. Le nouvel aéroport international de Nouakchott est fini. Inauguré même. Ce n’est pas rien. Puis il y aura, bientôt, le sommet de Nouakchott. C’est compliqué, tout ça. Je te parle de comment trouver pommes de terre, oignons, ognons ou onions, viande, poulet, poisson, sucre, gloria, pain, bissap, omelette, sandwichs, couscous et autre riz yassa ou mafé et tu me parles d’aéroport international de Nouakchott, tapis roulant, piste, salle VIP, salon d’honneur, tour de contrôle, suivis de sommet ou angle arabe, avec luxueuses voitures commandées, émirs, présidents, très hautes personnalités ? Va là-bas. C’est quoi, ça ? Les gens de Tarhil, par exemple, peuvent naître, grandir et mourir, sans avoir ni être de véritables auxiliaires, vers le carrefour de Nouadhibou, à plus forte raison au nouvel Aéroport international de Nouakchott. Le ministre de l’Economie et des finances avait bien raison de dire que les pauvres ne sont pas concernés par la hausse ou la baisse du carburant, puisqu’ils n’ont pas de voitures. Même logique : ils se foutent, tout autant, du nouvel aéroport que de l’ancien, puisqu’ils n’ont pas de passeports et ne comptent pas voyager. Vers où ? Avec quoi ? Le ventre que vous voyez, c’est important. Il sait écouter, quand il est plein. Mais quand il est vide, il n’entend pas. Non pas qu’il n’entende rien. Au contraire. Il faut reformuler cette leçon des sciences qui nous enseigne le corps humain en trois parties : la tête, le tronc et les membres. Ah, ça, non, le corps humain, c’est, d’abord, le ventre ! Avant tout le reste. Le ventre, c’est le plus important. C’est quand il n’y a rien que les gens volent, tuent, mentent. Quand c’est vide. Comment le Président va travailler, comment les ministres vont se réunir, comment les journalistes vont écrire : quand le ventre est vide, tout s’arrête. Voilà pourquoi, quand il se déchire, c’est la catastrophe. Pour que ça marche, il faut des ventres pleins. De n’importe quoi. Il est sombre et opaque, dit-on. Heureusement qu’on n’y voit pas à travers. Sinon, vous seriez surpris. Salut.