Pauvreté et environnement en Mauritanie: quelles relations ?

26 July, 2016 - 23:53

"Ces articles sont publiés dans le cadre d’un projet financé par le Programme de l’Union Européenne pour la Société Civile et la Culture pour la promotion de la protection de l’environnement"

Dans le cadre de l’accord signé entre le Gouvernement Mauritanien  et l’Union européenne, le Programme de l’Union Européenne pour la Société Civile et la Culture (PESCC), a attribué une subvention à notre association  Action Environnement pour réaliser le projet intitulé Projet de sensibilisation nationale au développement durable et à la protection de l’environnement

.En Mauritanie comme dans la majeure partie des pays du Trois-Quarts-Monde, ce sont les services fournis par les écosystèmes naturels locaux qui contribuent à la subsistance et à l’amélioration des conditions de vie des populations rurales. La dégradation de ceux-ci,  suite à la détérioration, à un niveau planétaire, de l’environnement global, se traduit immédiatement en dégradation de celles-là.

Une situation d’autant plus aggravée que la pression, sur les ressources renouvelables, comme, par exemple, le couvert végétal par un cheptel surnuméraire, s’est beaucoup intensifiée, en un demi-siècle. L’abandon des antiques régulations des parcours transhumants, sous l’administration française qui n’avait, somme toute, qu’une connaissance très sommaire des réalités socio-écologiques du pays, fut d’ailleurs, notons-le en passant, le facteur décisif de cette anarchie.

L’intensification de la pauvreté devient elle-même source de dégradation de l’environnement local. La spirale de la misère s’installe. D’autres facteurs, comme l’accroissement de la population et la sédentarisation anarchique, complexifient les relations entre pauvreté et environnement. Les concentrations d’individus altèrent, en effet, la qualité environnementale (pollution naturelle) et accroissent l’incidence, la profondeur et la sévérité de la pauvreté (pollution sociale). De fait, la pauvreté ne pèse pas uniquement sur les pauvres mais sur l'économie nationale dans son ensemble, par dégradation généralisée de l'environnement.

En brousse, les pauvres vivent, le plus souvent, dans des zones où l'environnement est extrêmement fragile. Faute de capitaux, ils n'ont, ordinairement, plus les moyens d'investir dans les méthodes traditionnelles de conservation des sols et de l'eau. La pénurie de terres, trustées par des intérêts extérieurs à leur terroir, les contraint, de surcroît, à raccourcir, voire, carrément, zapper les temps de jachère et à défricher outre mesure, pour élargir leurs superficies cultivables. Les pratiques culturales inadéquates, la compétition, avivée par le défrichage, pour le bois combustible ou d'œuvre et autres produits forestiers, constituent des facteurs supplémentaires de dégradation du couvert végétal. Les alternatives, pour ces populations pauvres, se réduisent, en conséquence, jusqu’à peau de chagrin.

On entend ainsi que les liens, entre pauvreté et environnement, prennent différentes formes, en fonction du milieu où l’on vit. Si l’on retrouve, partout, la problématique, centrale, de l’eau, celles de l’accès aux autres ressources naturelles, comme les terres, les forêts, les zones de pêche, et de leur utilisation durable, sont particulièrement sensibles en zones rurales. En zone urbaine, elles ont plus spécifiquement trait à la pollution, à l’assainissement et à la gestion des déchets, ainsi qu’à l’habitat.

Toutefois, l’interdépendance, entre les économies rurales et urbaines, est, à de nombreux égards, toujours vive et puissante. Elle nécessite des politiques ciblées, intégrées et coordonnées, entre les unes et les autres, dans la conduite du développement.

 

L’IPE, un outil transversal

Voilà pourquoi l’insertion de la dimension environnementale, dans les politiques de réduction de la pauvreté, est un atout important pour atténuer, de façon durable, les problèmes liées à celle-ci. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) appuie, depuis 2007, le gouvernement mauritanien en ce sens, autour de l’Initiative Pauvreté-Environnement, actuellement en phase 3 (IPE3).  Nouvellement ancrée au ministère des Finances, elle s’emploie surtout à construire de solides institutions, capables de gérer les questions liées à la gestion durable des ressources naturelles et la lutte contre la pauvreté.

Cette troisième phase a pour objectif de renforcer la contribution de la gestion durable de l’environnement et des ressources naturelles à la réduction de la pauvreté et à une croissance économique durable et inclusive, pour atteindre, au-delà des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), les Objectifs de Développement Durable (ODD). Son plaidoyer vise à une plus grande prise en compte de la relation Pauvreté-Environnement dans la planification stratégique et budgétaire du pays. Il est, en effet, de notoriété publique, que, dans les pays en développement, la faiblesse des ressources budgétaires et/ou la mauvaise gouvernance poussent à considérer la protection de l'environnement, comme un « luxe » que ces pays ne peuvent s'offrir, et se conjuguent pour que ne soient jamais effectivement appliquées les réglementations, pour autant qu’elles existent. Les outils de l’IPE devraient contribuer à modifier cet état d’esprit, en améliorant le cadre national de programmation et de planification, afin d’assurer une croissance économique durable des populations pauvres. La mise en valeur des ressources naturelles devrait ainsi devenir un des principaux enjeux de développement de la Mauritanie, à l’instar des autres pays du Sahel et d’Afrique de l’Ouest.

 

Investir dans la lutte contre la désertification

Actuellement en Afrique, environ quarante millions de personnes sont directement menacées par la désertification et ce sera le double dans vingt-cinq ans, si la population croît à son rythme actuel et qu’aucune action vigoureuse ne soit entreprise pour freiner la dégradation des sols. Une tendance renforcée par les instabilités politiques, les migrations, les fluctuations des prix agricoles et, surtout, les changements climatiques. On note, par ailleurs, que les investissements dans l’agriculture, quelle que soit leur origine, sont en baisse sur tout le continent, depuis une vingtaine d’années. Or il est reconnu qu’investir dans les terres arides est, non seulement, rentable, au plan économique mais, aussi, nécessaire, au plan social, si l’on veut faire reculer la pauvreté.

Au-delà de la fourniture de sols, de végétation, d’eau et autres éléments nutritifs indispensables aux activités agro-pastorales, à l’économie, donc, les écosystèmes des terres arides rendent d’innombrables services à l’environnement et à la société : séquestration du carbone, via la promotion de la biodiversité végétale et animale, réserves naturelles, fourniture de zones de loisirs et de tourisme, amélioration de la qualité de la vie... Ils revêtent, également, une importance particulière, en ce qu’ils abritent diverses espèces spécifiques. Leur dégradation cause autant de  dommages économiques que sociaux et environnementaux. Prévenir celle-ci et restaurer le capital naturel de ces zones devraient d’autant plus figurer au rang des priorités nationales et internationales que le cas contraire signerait l’échec des OMD : c’est ce qui ressort, sans ambiguïté, de l’évaluation dressée par le Millenium Ecosystem Assessment.

 

 

Mamadou Thiam