Autour d’un thé

20 October, 2016 - 00:43

Il faut être dans l’air du temps. Danser avec la cadence. Même si. En Mauritanie, quand le thé est là, les langues se délient. C’est du coq à l’âne, en attendant son verre. Trois verres comme trois mandats. Artistiquement préparés : quand le thé est là, c’est le dialogue. Chacun parle. Pas de hors sujet. C’est comme ça. Toutes les idées sont les bienvenues. Y compris celles relatives à un probable et possible et pourquoi pas troisième mandat. Une buveuse de thé invétérée de chez moi disait ceci : le thé, ou il est bon et, là, on peut continuer à en boire, sans modération, ou bien il est mauvais, et, alors, il faut le recommencer. Elle ne pouvait pas mieux dire, cette inconditionnelle du thé. C’est un peu comme les présidents et leurs mandats. Ou ils sont bons, alors, il faut continuer avec. Ou ils sont mauvais, alors, il faut les recommencer. N’est-ce pas Kabila ? N’est-ce pas, Président-fondateur ? Mais l’air du temps, aujourd’hui, c’est l’esclavage. Les esclaves. Anciens et modernes. C’est très collant, cette histoire. Comme le naturel. Chassez-le, il revient au galop. Les esclaves sont comme tout. Ils sont propres, du dehors, et manipulables. Du dedans, ils sont sales, intouchables. Ils sont comme tout le monde, les esclaves. Il ya les grands. Il ya les petits. Les nouveaux. Les anciens. Les bandits. Les criminels. Les infidèles. Les militaires. Les civils. Les là-bas. Les ici. Les nuls et nulles parts. Les médiocres. C’est comme chez tout le monde. Il ya ceux que tu ne vois que la nuit. Rôder autour des services des renseignements. Il y a ceux que tu ne vois que le jour, autour de toi, partout et nulle part. C’est pas facile d’être un esclave. Un bon esclave, je veux dire, la mort dans l’âme. Celui qui court, qui accourt, qui ment, qui invente, qui nettoie, qui assassine. Jusqu’à sa cause. Pour des miettes. Celui qui se compromet. Qui compromet. Jusqu’à sa dignité. Son humanité. Sa personnalité. C’est pas facile d’être un esclave. Ce n’est pas chaque jour qu’on a la chance d’aller à Paris. Voler. Manger. Se promener dans des rues propres, loin des ordures de Nouakchott. L’occasion ne se répète pas. Ce n’est pas chaque jour qu’on peut marcher sur les Champs Elysées ou le Trocadéro, avec quelques euros en poche, loin de Bouratt, de Barkéol ou de Bassiknou. Et puis, seuls les imbéciles ne changent pas. Un esclave à Paris. Ce n’est pas rien. Je mange. Je dors. Je (excusez l’insolence). Il n’y a pas d’esclavage. Il faut bien aller à Paris pour le dire. La preuve. Regardez-les, ces petits esclaves. Tout beaux. Tout chauds. Tout dodo. Regardez leur sourire. Regardez leur chevelure. Regardez leur coiffure. C’est beau un esclave soumis. Un esclave coopératif. Un esclave corrompu. Ce n’est plus comme avant. Les temps ont changé. Il faut changer avec. La raclée d’un esclave fait bien rire un autre. Ce n’est pas que l’esclave n’est pas comme tout le monde. Comme disait l’autre, il est comme tout le monde. Justement. N’est pas esclave qui veut. Français, Françaises, Citoyens du monde : l’esclavage n’existe pas en Mauritanie. C’est de la pure imagination de criminels nationaux. De mauvais esclaves. Sans marchés. Sans voitures. Sans derrière doré. Ne dit-on pas que l’aisance de l’esclave est tributaire de celle de son maître? L’esclavage n’existe pas. L’esclavage n’existe pas. L’esclavage n’existe pas. Où sont les esclaves ? Montrez-les nous. Les esclaves. Anciens ou modernes. Ni à Nouakchott. Ni à Paris. Ni au Palais des congrès. Où sont les marchés d’esclaves ? Où sont les chaînes ? Gorée, ce n’est pas ici. Vos têtes sont nouées. Les problèmes ne finissent pas. Pourquoi vouloir en rajouter : l’école, la santé, Ahmed Daddah, le troisième mandat, le porte- parole du gouvernement… C’est déjà beaucoup de problèmes comme ça. Puis il ya, aussi, le BASEP, le MASEF, le CODEF, Balas,Thiam Samba, Saad ould Louleïd et Ould Ahmed Aïcha Daoud. Et vous voulez rajouter, là-dessus, l’esclavage, les esclaves, les servantes, les griots, les forgerons, les tributaires ? Ça, c’est un véritable problème. Prolongeons donc le dialogue, pour trouver le temps de discuter tout ça. Salut et bonjour.