Autour d'un thé

27 October, 2016 - 02:24

Tout ce qui commence finit. Si l’on prend la tête, on arrive à la queue. Queue-de-poisson ou cul-de-sac, c’est tout comme. L’essentiel est qu’on arrive. Le dialogue national inclusif est fini. On peut même le dire dans toutes les langues nationales. Ewve. Gassi. Abana. Diekhne. Ceux qui sont venus sont venus. Ils sont partis. Ceux qui ne sont pas venus ne sont pas venus. Ils sont restés chez eux. Ceux qui sont venus et se sont fâchés sont repartis, avant ceux avec qui ils sont venus. La vie est comme ça. Certains viennent. Certains partent. Certains ne viennent pas. D’autres ne partent pas. C’est comme dans une classe du Fondamental. Il ya les présents. Il ya les absents. Les petits devant. Les grands derrière. Puis il y a le directeur qui vient, en dernier, donner des conseils, juste avant les examens : faites bien attention, ne vous précipitez pas, regardez bien les termes du sujet, soignez votre écriture. C’est l’émotion : certains pleurent, d’autres applaudissent. Exactement comme l’autre soir, au Palais des congrès. Surtout lorsque Président-fondateur a déclaré qu’il n’a jamais dit à quiconque qu’il cherchait un troisième mandat. Mais ne se l’ait-il pas dit à lui-même ? Le Président aime la Mauritanie. Y a que lui en cela. Sinon, il peut tout faire : casser la Constitution, ça, il sait le faire, il l’a prouvé, il n’a pas peur, Président-fondateur. Il a, par deux fois, suspendu la Constitution. Mais c’est vrai que c’était du temps où il n’aimait pas la Mauritanie. Du temps où il pensait à son intérêt personnel. Puis voilà un conseil : Président-fondateur recommande de prendre soin de la Mauritanie. De promouvoir la démocratie contre ces petits bandits individualistes qui ne cherchent que leurs intérêts. Président-fondateur n’a peur de personne. Président-fondateur ne craint personne. Président-fondateur ne cherche rien. Ce sont les autres. C’est eux, l’enfer. C’est eux, le problème. Président-fondateur, c’est la solution. C’est le gardien du Temple. C’est le garant de la Constitution. Les 2005 et 2008, ça, c’est du passé. C’était juste pour démontrer que Président-fondateur est très fort. Il a fait la preuve par deux. Il ya la preuve par quatre mais Président-fondateur n’est même pas tenté par la preuve par trois. Ce sont les autres qui voulaient ça pour lui. Président-fondateur est circonspect. Les plans A et B, ça ne marche pas avec lui. C’est ça ou ce n’est pas ça. Une étoile jaune sur un fond vert. Personne ne sait quoi ni pourquoi. Un peu de rouge ? Président- fondateur a peut-être lu le Rouge et le Noir de Stendhal. Une histoire de couleurs. Le drapeau. L’hymne national. La Constitution. Tout ça, ce n’est pas le Coran, disent certains. Et que disent d’autres ? Un peu de rougeur, s’il vous plaît. Pour se rappeler les morts, ceux qui meurent et ceux qui sont prêts à mourir pour un troisième mandat. Les morts sont morts. Ceux qui meurent : le peuple. Ceux qui sont prêts à mourir : le porte-parole, le ministre de la Justice, le ministre des Affaires économiques, le président de l’UPR et tous les autres. Les martyrs de la résistance, du Sahara, de la faim et du troisième mandat. Ceux-là méritent bien deux petites bandes apposées aux deux bouts de l’ancien drapeau national. Pour qu’enfin il signifie quelque chose. L’histoire nationale commence enfin. Enfin, la gigantesque civilisation de la Mauritanie mise en marche par Président fondateur ! Une affaire de génie. Si Président fondateur n’existait pas, il fallait l’inventer. Le rouge ne gâte rien. L’œil de l’acheteur est rouge. Le mensonge ?Rouge. Une balle rouge. Comme quoi, c’est très visible, le rouge. Ça balise la route. Ça permet de voir loin. Au-delà de 2019. Une date importante. Une date ultime. Les emblèmes nationaux, c’est comme l’argent. Il faut que ça serve à quelque chose. Que ça rime à quelque chose. Un drapeau national qui ne veut rien dire, un hymne qui assoupit, imaginez un peu un président-fondateur partir comme ça. Sans essayer de (re)faire l’Histoire. Machiavéliquement. Malicieusement. Démocratiquement. Vive la suspension de la Constitution ! Vive le drapeau ! Vive l’hymne national ! Vive 2019 !