Sommet de Dakar : la francophonie entre changement et continuité...

20 August, 2014 - 09:38

Au sommet de Dakar en novembre prochain, la francophonie se désignera un nouveau secrétaire général dans le contexte le plus ambitieux de son histoire. D'un côté, la langue française retrouverait sa première place mondiale. De l'autre, l'Afrique devient un géant économique et démographique qui concentrerait plus de 800 millions de locuteurs francophones : quasi-quadruple de l'actuel effectif global...

Le tournant politique de Hanoï
Au sommet de Hanoï (1997), la chétive Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT, 1970) devient l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Au sortir de la guerre froide, elle donne ''une vocation politique, une voix et un visage'' : Boutros Ghali, diplomate égyptien en fin de mandat à la tête de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Ultime secrétaire général imposé par la France aux présidents africains, il réalise l'intégration de la francophonie dans le concert des organisations internationales en faveur de la paix, la démocratie et l'Etat de droit: '''Boutros Ghali a réussi à faire sortir la francophonie de son anonymat. Il lui a donné un rayonnement et une notoriété qui lui manquaient cruellement. Il a fait profiter le mouvement francophone de son formidable carnet d'adresses...''

Après le 11 septembre
A la fin du premier mandat de Boutros Ghali, les chefs d'Etat africains se consolent de l'affront de Hanoï en intronisant leur pair continental : ''aujourd’hui, les vrais enjeux pour la Francophonie, c’est le développement de son volet politique, c’est la diversité culturelle dans le contexte de l’après 11 Septembre...Qui mieux que Abdou Diouf peut incarner et promouvoir les valeurs et l’action de la Francophonie ?''  Sous le mandat emblématique de l'ex-président sénégalais (2002-2014), l'organisation s'illustre dans les transitions démocratiques et la résolution des conflits. A coup de missions d'observation électorale et autres envoyés spéciaux et médiateurs tous azimuts, elle acquiert la dimension politique qui manquait à la collectivité des peuples et était strictement confinée aux coopérations linguistiques et culturelles.

 

Nouveau cap économique
Fidèles à leur vision historique d'une francophonie limitée à ''la coopération linguistique, scientifique et culturelle'', certains pays membres d'occident (Canada, Suisse, Belgique...) considèrent que la mission politique de la francophonie fut définitivement achevée par le secrétaire général sortant. Pour leur candidate canadienne d'origine haïtienne, Michaëlle Jean, le successeur devrait se consacrer au développement économique de pays africains qui gisent sur le ''tarmac de l'émergence''. Pour anticiper la fronde des présidents africains, cette ex-gouverneure générale de la couronne britannique propose un binôme paritaire...à Jean-Claude de L'Estrac (?), diplomate et candidat mauricien qui plaide également pour un cap économique inspiré de son expérience à la tête de la Conférence de l'océan indien (OCI).

Changement dans la continuité
Dans les coulisses de la campagne internationale, l'humeur générale privilégie un changement dans la continuité. Sur les forums de discussion, l'attente est ambitieuse dans la lignée d'un homme et un bilan qui font l'unanimité : '' la francophonie a fait incontestablement ces douze dernières années de très grandes avancées en matière d'éducation , de formation de la jeunesse, de consolidation de la démocratie et de l'Etat de droit...Le prochain secrétaire doit s'inscrire dans une continuité et faire mieux et plus...'' Pour exorciser les fantômes fratricides de Hanoï et asseoir leur leadership dans un contexte prometteur, les chefs d'Etat africains parachèvent une candidature unique, emblématique et consensuelle : Pierre Buyoya, ex-président burundais et double serviteur fidèle de l'Union africaine et la francophonie politique...

 

Cheïkh Touré