Le Pour et le contre

4 May, 2017 - 00:12

Le Pour : As-tu vu que les amendements constitutionnels vont passer et que…

Le contre : Comment, j’ai vu ça ? Vous là, vous n’êtes jamais réalistes et puis vous n’arrêtez pas de prendre les gens pour des idiots !

Le Pour : Non, non, pourquoi tu dis que nous ne sommes pas réalistes ?

Le Contre : Parce que ces amendements là auxquels vous tenez ne sont pas passés, déjà.  Ils ont été rejetés par le parlement et, sauf coup d’Etat constitutionnel, c’en est fini avec ! Passez à autre chose…

Le Pour : Rejetés, dis-tu ? Par qui ? Qui peut les rejeter ? Ici, nous avons le président de la République et nous avons son programme et nous avons le Dialogue inclusif qui avait proposé tout ça.. Dis-moi qui peut rejeter ce que nous tous là, nous décidons ?

Le Contre : C’est la Constitution qui doit arbitrer toutes ces questions là. C’est elle qui prévoit que les mécanismes de la révision de la loi fondamentale passent par le parlement et, ici,  le parlement est bicaméral et  le sénat a rejeté ces amendements et leur rejet est sans appel…

Le Pour : Mais, il faut te le dire ! Nous, que dis-je,  notre président ne fait qu’appliquer la constitution et c’est lui qui en est le gardien…

Le Contre : Oui, oui, c’est lui qui en est le gardien, théoriquement, du moins mais c’est aussi lui qui en fait ce qu’il veut.

Le Pour : Arrêtez cette provocation là, le président s’en est remis à d’éminents juristes et ils lui ont suggéré de recourir  à l’article 38 et il l’a fait, un point c’est tout !

Le Contre : Cet éminent juriste, dont le président a parlé, on ne l’a pas vu ; qui est-il   et où est-il ?

Le Pour : Mais, ce n’est pas possible ! Comment vous ne l’avez pas vu, cet éminent juriste qui a crevé les écrans, surtout ceux de Khira National TV, depuis plus de 2 mois ?

Le Contre : Ah, c’est de celui là dont parle le président ? Là, j’ai beaucoup à redire mais je ne dis plus rien pour ne pas dérailler.. Mais, sans prétendre être constitutionnaliste ou magistrat ou simple «magistrat magicien», je croyais savoir qu’il y a les articles 99, 100 et 101 qui, seuls, doivent s’appliquer lorsqu’il s’agit de réviser la loi fondamentale. Mais tout ça, c’est une autre histoire, ce qui est à souligner ici, c’est qu’il y a eu cette voie anticonstitutionnelle que le président a choisie mais, même celle-là ne permettra pas au bord présidentiel de parvenir à ses objectifs. Le peuple n’…

Le Pour : Tu parles, tu n’as pas vu ces ‘’Moubadarate’’ qui se font organiser un peu partout et qui drainent un public enthousiaste qui arbore les portraits du président et applaudit chaleureusement chaque fois que les orateurs répètent son nom à tout bout de champ, comme ils savent si bien le faire ?   

Le Contre : Allah m’en garde, je n’ai pas vu ça.. Mais mon expérience, depuis les Structures d’Education des Masses,  m’apprend que les mégaphones et la musique attirent ici beaucoup de monde mais que ça ne veut rien dire, tout ça ! Ces gens là, ils se font attirer par les meetings mais ils voteront difficilement pour le pouvoir. Pis, on m’a dit que certains profitent de ces espaces pour rappeler qu’ils soutiennent certes le président de la République mais qu’ils n’ont jamais obtenu quoi que ce soit en contrepartie, ce qui veut dire que, dans l’isoloir, ils voteront Non.

Le Pour : Pourquoi tu le dis comme ça ? Vous là, vous prétendez tout savoir sur l’opinion et sur l’intention des électeurs et je ne sais pas qu’est-ce qui vous permet d’asséner des pareilles affirmations !

Le Contre : Nous, nous sommes proches du peuple, nous vivons parmi les électeurs, nous savons ce qu’ils pensent du régime et du président et nous savons comment tous ces gens là vont voter.

Le Pour : Si vous saviez, vous vous seriez tus. Il n’y a qu’à voir ces ‘’Initiatives’’ et voir comment nos militants jurent de faire un plébiscite pour ces amendements conçus par le président dans le seul but de la recherche du mieux-être collectif…

Le Contre : Ah, le mieux-être ? Vous osez encore en parler ?

Le Pour : Et pourquoi tu poses cette question ? Tu veux me provoquer, comme d’habitude, ou quoi ?

Le Contre : Non, non ; je ne te provoque pas. Je suis très sérieux, mais...

Le Pour : … Mais quoi ? Pourquoi as-tu sursauté quand tu as entendu ‘’mieux-être’’ ? Ici, il y a un président qui est venu servir les intérêts de notre peuple : il est venu distribuer des terrains, du poisson, lutter contre la gabegie, octroyer des crédits aux jeunes et leur offrir des emplois décents.. C’est tout un programme qui fait qu’on s’attend aujourd’hui à un raz-de-marée en faveur des amendements..

Le Contre : Dis-moi, en âme et conscience, tu crois à tout ça ? Eh bien, dis-moi est-ce que la situation des pauvres de chez nous s’est améliorée ? Est-ce que la pauvreté a reculé ? Est-ce que les prix ont baissé ? Est-ce que les Gazra ont disparu ? Est-ce que le niveau de vie a augmenté ? Est-ce que les détournements de fonds ont diminué ? Rien, vraiment de tout ça n’a eu lieu.. Et c’est pourquoi ne peut voter en la faveur de ‘’vos’’ amendements qu’une infime minorité, celle des fossoyeurs de la République qui entourent le président et qui ne l’aiment guère lui-même mais sont surtout friands des miettes qu’il distribue avec parcimonie du reste aux plus zélés parmi ses soutiens.

Le Pour : Il faut suivre ce que disent ces gens dans les espaces offerts par les «Moubadarates » ! Là, tu verras que la plupart des orateurs demandent non sans supplication au président de la République de rester encore pour un, deux, trois, quatre ou cinq mandats supplémentaires.

Le Contre : Ça, c’est très grave !

Le Pour : Et, pourquoi grave ?

Le Contre : Non, c’est que seulement je redoute qu’il le fasse avec la panacée de l’article 38 et les prouesses du magistrat devenu, du jour au lendemain «éminent juriste ».

Le Pour : Vous n’arrêterez jamais de prêter à ce président là des intentions qui ne relèvent que de votre imagination. Mais le président Abdelaziz a dit qu’il n’entend pas se présenter en 2019, c’est clair !

Le Contre : Oui, certes il l’a dit mais ce qu’il mijote avec ces amendements n’inspire pas confiance. S’il veut partir dans moins de deux ans, il n’a pas intérêt à faire ça et, surtout, notre peuple n’y a pas intérêt.

Le Pour : Il part, il part mais il veut nous laisser entre de bonnes mains. Et c’est pourquoi il fait tout ça.

Le Contre : il ne faut pas qu’il se créé des problèmes et nous en crée à force de chercher ces bonnes mains qui ne feront guère mieux que ce que les siennes ont fait depuis 11 ans. On en a assez, il faut que les « bonnes mains » passent la main.    

 

Ely Abdellah