Nouvelles d’ailleurs : Psittacins, psittacistes, Trarza, Brakna, referendum et mandats…

13 July, 2017 - 01:34

Nous voilà donc revenus, si tant est que nous n’en soyons jamais partis, à la case «  3ème mandat et plus, et plus et plus, why not ? ». 3ème mandat à la sauce referendum, un régal pour les Bourattiens (habitants de Bouratt), un régal pour les non-Bourattiens, un régal pour toute oreille qui se respecte. Notre Premier ministre a fait le job : d’un, il a eu son grand moment gaullien, le «  Je vous ai compris, vous et votre désir de voir notre Sultan proroger indéfiniment ses mandats, je vous soutiens ! » ; de deux, son moment « Pub ! » en appelant tout Bouratt et au-delà toute la Mauritanie, à voter oui au referendum.

Depuis des mois, on n’entend plus que ça,  referendum, oui, referendum, oui, 3ème mandat, oui, 3ème  mandat, oui, referendum 3ème mandat, 3ème mandat référendaire, Aziz, oui, 3ème mandat Aziz, oui, Aziz referendum, oui, oui, oui, ouiiiiiiiiiii !

Vous pouvez le prendre dans n’importe quel sens, au fond on parle de la même chose, exercice studieux et parfois peu et convaincant et convaincu : ce foutu referendum qui va voir le oui l’emporter et Aziz, à force de tant d’appels du pied et de populations extatiques, à genoux et à réclamer l’instauration d’une monarchie, consentant à devenir Père-Fondateur d’une nouvelle dynastie… Au milieu, une opposition aux abonnés absents, toute occupée à se regarder le boycott, pour ne pas changer. Pourquoi changer une formule qui marche et qui a permis, à notre opposition opposante, de n’avoir aucun député ni d’occuper un seul poste de ministre, même le plus misérable ?

Pour faire bonne figure, la voilà à donner, elle aussi, dans le rabâchage : referendum, non, referendum non, 3ème mandat, non, 3ème mandat, non, referendum 3ème mandat, 3ème mandat référendaire, Aziz, non, 3ème mandat Aziz, non, Aziz referendum, non, non, non, noooooooon !

Et ça mâche et remâche, ça mine et rumine, ça pète et répète, toujours, toujours la même chose… Il y a un mot pour ça : le PSITTACISME. J’en profite, au passage, pour donner un coup de pouce à tous ceux qui vont au repêchage du bac, en leur offrant un mot, barbare mais qui sonne bien, utilisé à bon escient, dans une copie de français. Bref, passons ce cours magistral et revenons à notre  PSITTACISME : « Fait de répéter quelque chose comme un perroquet, en raisonnant sans comprendre le sens des mots qu'on utilise ; en particulier, récitation mécanique de mots, de phrases, de notions dont le sens n'a pas été compris ou mal assimilé (d'apr. Aur.-Weil 1981)..- largement de quoi entraîner un sérieux trouble du langage, appelé " psychopathol », trouble « qui consiste à répéter sans raison ce qu'on a entendu ou lu, sans même le comprendre. Une forme particulière de ce trouble est l'écholalie » (Psychol. Enfant 1976). Ouais, m’sieurs dames, l’écholalie, rien que ça !

Ou, comme dit ma copine Aïcha, nous sommes en pleine démonstration de récursivité, joli mot, encore, de cette belle langue française, et qui peut combler d’aise un correcteur du bac. Récursivité : « Propriété que possède une règle ou un élément constituant, de pouvoir se répéter de manière théoriquement indéfinie. C'est une propriété essentielle des règles d'une grammaire générative, celle qui permet d'engendrer un nombre infini de phrases » (Larousse).

Et voilà la majorité devenue peuple de psittacins et de psittacistes, répétant, à longueur de journée, les mêmes phrases sans, parfois, y comprendre grand-chose. Les fonctionnaires, pourtant fatigués et attendant des vacances bien méritées, et dont la plupart se fichent, comme de leur première brosse à dents, de ce foutu referendum, sont même priés d’aller traîner leurs savates dans leurs villages et villes, afin de psittacer, partout, le discours officiel et d’appeler tout un chacun à voter oui au referendum et à demander, par la même occasion, un 3ème mandat, pourquoi pas…

On psittacinait (houla, conjugaison irrégulière !) à la capitale et dans les bataillons de la majorité, voilà donc l’intérieur du pays qui s’y met. Et l’on ânonne, consciencieusement d’obscures notions, genre Sénat, Histoire, couleur rouge, mandat, Aziz, 3ème mandat, oui, referendum, balbastik et bissap, Constitution, Article 38, drapeau, Patrie, oeuvres grandioses à achever, et patati, et patata. Ça en devient même un petit abécédaire du parfait putschiste pacifique constitutionnel.

Remarquez, il n’est pas demandé, à tous ces psittacistes et psittacins, de réfléchir sur les mots. Il leur est demandé de répéter. C’est tout. D’ailleurs, comprendraient-ils le sens de « coup d’Etat constitutionnel en cours, prière de ne pas déranger » ? Comprendraient-ils qu’en supprimant le Sénat disparaîtrait un contre-pouvoir ? Comprendraient-ils qu’en suppliant, comme des perroquets, un 3ème mandat ou plus, ils ouvrent la porte à la dictature ? Comprendraient-ils que gaspiller des milliards, pour un referendum qui n’a pas la côte, auprès des Nous Z’Autres, est une aberration, quand on voit l’état de notre pays, nonobstant quelques (sublimes, of course) avancées ? Comprendraient-ils que le temps des Pharaons, c’était le temps des Pharaons ; que Ramsès est mort depuis belle lurette, lui, son sarcophage et sa pyramide ?

Bref, nous n’en avons pas fini avec cette pathologie. Après le referendum, ils seront longs, très longs, les mois à tirer jusqu’à la présidentielle. On va en bouffer du «  3ème mandat, cash ou pas », du psittacisme jusqu’à la nausée… Et, pendant ce temps de grandes manœuvres radotantes, les chiffres du bac sont tombés : environ 4% de réussite au bac D, 19% au bac C, 3 % au bac A… Ouiiiiiiiiiii ! Mais, à Bouratt, le Premier ministre et sa cour n’ont pas moufté sur cette catastrophe, ce crime contre l’avenir… Nooooooon, pas important ! Le plus important, c’était d’être de parfaits psittacistes. Et, vous allez voir, ça va marcher… malheureusement. Ce n’est juste qu’une question de priorités. Salut.

 

Mariem mint Derwich