Ahmed Samba, cadre dirigeant d’APP : ‘’Si l'opposition, dans son intégralité, participe aux prochains scrutins, le pouvoir sera battu, sans appel, à la présidentielle de 2019’’

17 August, 2017 - 02:04

Le Calame : Commençons par les nouvelles du président Messaoud, évacué à l’étranger, il y a quelques semaines,  pour des raisons de santé. Comment va-t-il ?

Ahmed Samba: Le président Messaoud Boulkheir se porte très bien maintenant. Il a subi, avec succès une intervention chirurgicale. Il est sorti de l'hôpital, se repose, en convalescence dans son hôtel et doit rentrer au pays dans les prochains jours.

 

-Que pensez-vous du déroulement de la campagne et du scrutin du 5 Août ?

-La campagne s'est déroulée normalement, pour ceux qui ont participé au referendum. Malheureusement, des heurts et quelques échauffourées ont été enregistrés,  çà et là, entre les forces de l'ordre et quelques boycottistes qui voulaient saboter le scrutin, mais leur incidence fut sans conséquence sur le déroulement de la campagne.

 

-Votre parti avait  appelé à voter non, pour la question relative aux modifications du drapeau. Pouvez-vous nous dire pourquoi ? Estimez-vous avoir été entendus ?

- L'Alliance Populaire Progressiste avait participé au dernier dialogue et se félicite d'avoir fait échec à la tentative du pouvoir de glisser, furtivement, parmi les points  de l'ordre du jour, la question du troisième mandat. APP s'est battu, corps et âme, contre la moindre évocation de cette question, allant jusqu'à suspendre sa participation audit dialogue, pour dissuader le pouvoir de l'idée d'un éventuel troisième mandat. Tout le monde connaît la suite et sait que le mérite de ce l’abandon de cette idée revient à l'APP ; tout le monde sait que, si l'APP n'avait pas participé à ce dialogue, les amendements, avalisés, aujourd'hui, par le referendum, auraient, en même temps, entériné le principe du troisième mandat, faisant ainsi sauter le verrou sur la limitation du nombre de mandats présidentiels.

Parallèlement à son veto sur cette question, l'APP s'est également opposée, énergiquement, contre la modification du drapeau et de l'hymne national, ce qui a conduit à séparer les bulletins du vote concernant le changement du drapeau et les autres amendements, pour permettre, aux électeurs, d'exprimer  leur opinion, par rapport au changement du drapeau, indépendamment  de celle sur les autres amendements constitutionnels.

Nous sommes contre la modification du drapeau et l'hymne national, parce que les sceaux fondateurs d'un pays doivent rester au-dessus de toute controverse politique. On ne peut pas tout remettre en cause dans une nation qui se veut respectueuse d'elle-même, sinon, c’est démystifier ses fondements sacrés, tout devient sujet à fantasmes et surenchère politicienne. Voilà, en peu de mots, les raisons qui ont dicté la position d’APP, sur la question de la modification du drapeau. Même si nous n'avons pas réussi, à cause de la fraude, massive, à l’empêcher, l'Histoire retiendra notre illustre position sur la question.

 

-Vous avez certainement  écouté les discours du Président, pendant ses tournées de  campagne,  à l’intérieur du pays et à Nouakchott. Qu’en avez-vous retenu ?

- La principale chose qui m'a intéressé, dans le discours du président de la République durant la campagne, est sa réponse à la polémique autour du troisième mandat, suscitée par l'opposition boycottiste,  comme cheval de bataille pour faire échec au referendum. Son plaidoyer sur la modification du drapeau et l'hymne national ne m'intéressait pas, en ce qu’il se limitait à des fabrications historiques fallacieuses, pour justifier le sabotage des sceaux sacrés de notre nation.

Sur la question qui attirait mon attention, je pense que le Président a été clair, à Nouadhibou, quand il a dit, pour répondre aux boycottistes, « que la seule chose qui tient, pour certains d'entre eux, est de pouvoir se présenter à l'élection présidentielle », ajoutant qu'il n'acceptera pas que la Constitution soit changée,« pour faire sauter le verrou sur la limite d’âge des candidats  à l'élection présidentielle » ;  et pas plus, donc, sur la limite du nombre des mandats présidentiels qui nécessite, également, l'amendement de la Constitution. Le Président a aussi était clair, dans sa réponse à ceux de sa majorité qui lui demandaient de se présenter à un troisième mandat, en leur disant que le troisième mandat, c'est eux, c'est ce qu'il appelle le changement qu'il a introduit dans le pays, et non pas la continuation de sa personne au pouvoir, comme il a mentionné. Mais le malheur est qu'il existe des pôles, à l'opposition comme au pouvoir, qui incitent le Président à briguer un troisième mandat; les uns en l'encourageant directement, les autres en maintenant l'amalgame et en cultivant le superflu, sur la véracité du renoncement, arraché au Président, à un troisième mandat!

Nous devons ouvrir largement la porte au président de la République, pour une sortie apaisée du pouvoir, afin de favoriser la transition pacifique dans le pays. L'expérience de la Gambie doit nous servir de leçon! Quand le président gambien nouvellement élu, s'est laissé dire, sous l'euphorie de sa victoire, inattendue, contre le président Yahya Jammeh, qu'il traduirait son prédécesseur, encore président, devant les tribunaux, une fois que ce dernier lui remettrait le pouvoir, il provoqua une crise politique qui faillit lui  coûter sa victoire, et à la Gambie, la chance de sa première transition « pacifique » au pouvoir de toute son histoire.

Que ceux qui brandissent des menaces revanchardes et de poursuite contre le Président, une fois hors du pouvoir, cessent  leurs duperies ! Rien n'est moins incitant, pour une  personne en position de force, à s’y cantonner, que de la menacer de représailles, une fois son pouvoir tombé! Nous ne devons menacer ni le Président ni son entourage de chasse aux sorcières, il doit pouvoir vivre tranquillement dans son pays, après son second et dernier mandat, car il n'est pas des plus mauvais. Il a, au moins, à son actif, des mains immaculées de sang, contrairement à la plupart des présidents  qui l'ont précédé, à commencer par Moctar ould Daddah, avec les victimes de la grève de la MIFERMA, les kadihines et celles des événements de 1966;  et à finir avec Maaouya Ould Taya dont le passif est lourd de centaines de morts, veuves et orphelins!

 

- Sur  votre page FB, vous vous réjouissez de ce que le président de la République a déclaré qu’il ne modifierait pas la Constitution sur la question des mandats et qu’il n’en briguerait donc pas un troisième. Êtes-vous vraiment convaincu, aujourd’hui, que Mohamed ould Abdel Aziz s’y résoudra, a contrario de ce que souhaitent certains de ses proches?

- Oui, je pense que le Président est bien disposé à quitter le pouvoir. Il reste à l'encourager à respecter son serment. Si tu enfermes un fauve avec toi dans une pièce, sans lui laisser la moindre  échappatoire, il va t'attaquer pour se défendre, même s'il a peur de toi ; mais si tu lui laisses la possibilité de s'enfuir,  il déguerpira !

 

-Comment interprétez-vous sa déclaration à Nouadhibou affirmant que le 3e mandat est entre les mains du peuple mauritanien ?

-Je pense qu'il entendait dire que le troisième mandat est la continuation de sa majorité au pouvoir, après lui, et non pas sa propre pérennisation personnelle au pouvoir. C’est un légitime souhait : le président Ould Abdel Aziz espère que sa majorité reste au pouvoir, bien que le président prochainement élu sera issu de l'opposition et sera bien Ahmed Samba.

 

-Des échéances électorales importantes se profilent à l’horizon et l’arène politique reste trop crispée. Que doivent faire ses acteurs pour éviter, à la Mauritanie, des lendemains d’élections contestées,  en 2018 et 2019 ?

- La classe politique gagnerait, incontestablement, à la participation active, dynamique et batailleuse de tous. Ne vaut que la participation. Rien n'est pire, en politique, que le boycott des élections. Il n’a donné, nulle part dans le monde, des résultats positifs. Imaginez que l'opposition gambienne ait boycotté l’élection présidentielle passée : Yaya Jammeh serait, aujourd'hui encore, au pouvoir. La même chose pour le Sénégal : Abdoulaye Wade gouvernerait encore aujourd'hui, si l'opposition sénégalaise avait boycotté l’élection présidentielle passée. Je suis même assuré de dire que, si l'opposition boycottiste avait participé au referendum, au moins le drapeau serait resté inchangé. Si l'opposition, dans son intégralité, participe aux prochains scrutins régionaux, municipaux et législatifs, le pouvoir sera battu, sans appel, à la présidentielle de 2019.

Propos recueillis par DL