Parce qu’il y a péril en la demeure / Par Cheikh Sid’Ahmed Ould Babamine

23 August, 2017 - 03:01

Aux   amis de la coordination de l’opposition démocratique

Chers amis,

En dépit de   la claque   électorale  mémorable que nos concitoyens viennent d’administrer au pouvoir, à sa majorité et à l’ opposition  compatible   qui l’ont soutenu lors du dernier referendum anticonstitutionnel, je tiens, avec la plus  grande gravité et  avec  mes plus vives félicitations   pour ce franc succès ,   non pas à insulter votre intelligence  pour   vous  apprendre  qu’il y a péril en la demeure, mais plutôt  à  vous inviter à resserrer vos rangs, plus que jamais , si  vous voulez  relever ce nouveau  défi qui met notre pays au bord de la division.   

En effet, dans sa dérive autoritaire visant à  valider,  par les  urnes ,  son projet anticonstitutionnel, la défaite cuisante qui vient d’ être infligée  à ce pouvoir suite à votre   campagne  de boycott actif  n’a guère  empêché Mohamed  Ould Abdel Aziz, son administration territoriale, sa pseudo CENI  et son conseil constitutionnel aidant,  de se faire  fabriquer les résultats dont il avait besoin pour envisager la nouvelle étape de son agenda  personnel .

L’ampleur du  refus   de nos concitoyens de se déplacer pour cette mascarade électorale, qui   a dépassé toutes les   prévisions , n’ a apparemment  laissé d’autre alternative  à nos  walis, hakems  et autres agents  associés  des bureaux de vote, que de s’adonner sans scrupules,  à toutes sortes de pratiques d’un autre âge   dont le   bourrage des urnes,   pour  offrir à leur maître  un taux de participation de 53 pour cent . En l’occurrence, ce taux de participation   déjà  falsifié,  doit beaucoup, entre autres absents qui ont voté ce 5 août 2017, au suffrage  posthume   pratiqué à grande échelle  mais   sans doute  autorisé,  lui aussi , par les  disposions de l’article  38  de la constitution. Tant qu’à faire.

Mais peu importe  car,   comme d’habitude,  notre Président a  rebondi,  cette fois encore et sans états d’âme,  pour endosser les résultats de cette   nouvelle forfaiture qu’il a aussitôt transformée  en textes de lois auxquelles nous devons nous soumettre, désormais.

La semaine dernière,  deux de  ses  ministres  sont montés au créneau ,  pour nous annoncer triomphalement qu’il n’y a désormais plus de Sénat et que notre drapeau légal, devenu un chiffon aux dires de l’un d’eux, va incessamment être « embelli »  de deux bandes rouges probablement    inspirées de celles de la même couleur qui entouraient autrefois, sur  fond  vert,  la médaille des goumiers spahis des unités coloniales  d’Afrique du nord.

 C’est à travers ces deux  bandes  rouges  que MOAA, qui s’est récemment découvert une curieuse  et irrésistible vocation  à sublimer la  résistance nationale, tient à marquer  son attachement  et,  par effraction ,  le nôtre,  à l’histoire de notre pays et de nos martyrs .

Sauf que l’ ironie  du sort a voulu que ce soit l’un de ces deux  ministres  chargés de nous expliquer la nouvelle loi anticonstitutionnelle et  dont la compétence   en la matière est reconnue, qui  nous enseignait il y a quelques semaines, à la  télévision et devant le parlement, que le recours au referendum ne pouvait être envisagé dans le cas précis  des  amendements constitutionnels, qu’avec l’accord des 2/3 des membres de  chacune des deux chambres ; l’Assemblée Nationale et le  Sénat.

A ce sujet, monsieur le ministre  nous reste redevable  et à l’histoire, d’une petite explication.

Chers amis,

Encore une fois, par la force, le président MOAA  nous place devant un  nouveau fait accompli,  par la transgression  simultanée  de notre constitution, de nos symboles et de nos institutions majeures. Je  n’ai effectivement pas besoin de vous dire qu’il y a péril en la demeure,  ni que,  seule,  votre unité sans faille, mise  au service d’une action politique concertée,  peut autoriser l’espoir d’une prochaine délivrance de notre pays de l’emprise despotique de ce pouvoir. Une telle approche suppose l’adhésion de tous à une nouvelle plateforme politique qui fixe un  programme   commun prioritaire,  à définir en commun accord, sur la base des principes de droit,  d’égalité, de liberté, de démocratie  et de justice que nous voulons pour notre pays. Cette option  exige aussi,  pour être crédible ,  l’acceptation préalable, par tous,  de la mise en veilleuse,  jusqu’à nouvel ordre , de tous les points de divergences des   agendas spécifiques de chacune  des formations politiques et autres mouvements  et associations qui composent votre coordination actuelle .

A cet égard,  il me souvient qu’une  ébauche de cette plateforme,  à compléter, certainement,  existe déjà dans la charte du FNDU. Il suffirait  de l’adapter au contexte politique actuel pour en faire  votre feuille de route pour cette étape cruciale.  C’est à ce prix, que vous pourrez relever ce nouveau défi,  que vous aurez compris et que vous pourrez transformer en future victoire, le message  que par leur refus courageux  et massif des propositions du dernier referendum, nos concitoyens vous  ont adressé,  le  5 août dernier.

 Cette feuille de route devra, bien évidemment, être assortie d’un plan de mise en œuvre impliquant l’accumulation des forces nécessaires à la victoire de notre  peuple   dans sa lutte contre l’oppression pour la démocratie, la justice, l’unité nationale et la prospérité inclusive.

Il s’agirait en termes  plus clairs, pour cesser d’être  le dindon de la   farce,   face à l’extrême gravité de la situation créée par ce nouveau forcing de MOAA qui  a réussi tout au long des neuf dernières années à asseoir son omnipotence  sur vos  divisions, plus  que de travailler à la réalisation de vos  agendas personnels  respectifs, de vous investir  essentiellement pour ne pas dire exclusivement  dans l’effort collectif visant à produire l’indispensable changement salvateur pour notre pays .

 Quitte, une fois le péril  de l’Etat hors la loi  écarté,  à remettre sur le métier les   programmes  de vos revendications  et de vos  préoccupations  spécifiques.

En un mot, plus qu’une opposition démocratique qu’il n’a jamais  respectée mais au contraire constamment marginalisée et  méprisée, c’est une véritable   résistance nationale contre l’oppression qu’il faut aujourd’hui dresser contre  ce    pouvoir dictatorial  et   son  agenda  machiavélique.

Faute de quoi il faut débarrasser  le  plancher  et le macadam  pour  qu’une relève  moins timorée puisse s’approprier rapidement la scène politique  qui  a , elle aussi ,  horreur du vide. Vous aurez, ce faisant, au moins   cessé  de jouer le rôle absurde et parfois humiliant  de  faire valoir d’un système  dont l’ existence des opposants et le droit qu’il leur accorde de  respirer,  y compris la lacrymogène,  constituent  la première  carte   qu’il exhibe à  nos  partenaires , pour prouver   le caractère démocratiquement achevé   de sa gouvernance .