Secrétariat Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie: Quelles chances pour Buyoya ?

10 September, 2014 - 03:23

Haut-représentant de l'Union africaine pour le Mali et le Sahel (Misahel), Pierre Buyoya est aussi le candidat favori au secrétariat général de la Francophonie. Aux lendemains de la remise du ''Rapport Attali'' à la présidence française dont la réserve manœuvrière alimente les rumeurs d'une candidature souterraine, l'ex-président du Burundi entame une tournée occidentale pour lancer une campagne dans la lignée de ses prédécesseurs qui avaient fait de l'organisation une puissance politique internationale.

'' Francophonie, Francophilie...''

Considérant que depuis le Sommet de Hanoï (1997), la francophonie est devenue une puissance politique, culturelle et pacifique, Pierre Buyoya inscrit sa candidature dans la lignée de ses missions de médiateur pour la francophonie dans l'espace africain et francophone : ''mon ambition est de consolider et développer les acquis politiques de la francophonie sous la direction de Boutros Ghali et Abdou Diouf. Aujourd'hui, l'organisation doit cesser d'être un club de chefs d'Etat pour devenir une assemblée des peuples en s'ouvrant à la jeunesse et en s'adaptant à la mondialisation. Depuis une décennie, je sers la francophonie politique dans toutes ses missions majeures au service de la paix, la démocratise, l'éducation et la défense des droits de l'homme. Tout en innovant dans le développement économique et durable ''. Intitulé '' Francophonie et Francophilie : moteurs de croissance durable'', le rapport de Jacques Attali décline autant de propositions que de pays membres autour de sept axes majeurs allant du tourisme au numérique en passant par le développement durable. Boudé par la presse africaine, le patron de 'Planète Finance'' est suspecté d'alimenter une stratégie française en faveur du retour au leadership postcolonial : ''l'objectif ultime, c’est de créer une union francophone qui donnera à la France un levier d’influence et aux pays francophones un moyen d’agir ensemble tout à fait considérable...'' Au terme d'une mission lancée en avril dernier comme la candidature de l'ex-président burundais, certains commentateurs dénoncent une offensive élyséenne qui nourrit les rumeurs de crise au Sommet de Dakar en novembre prochain.
 

Basse cour postcoloniale

Si le candidat Buyoya salue les conclusions d'un rapport qui conforte sa vision d'une ''union francophone qui devient un acteur politique et économique important dans le monde''ses soutiens africains redoutent un énième revirement-surprise de l'Elysée : ''la francophonie a trop souffert de son image de basse cour post-coloniale. Après avoir imposé son candidat aux États  africains, la France avait sauvé le sommet historique de Hanoï en s'engageant à laisser le choix du secrétaire général aux chefs d'Etat africains. Serait-ce le cas avec la gauche française qui n'a jamais rien compris à l'Afrique qui héberge l'immense majorité des francophones''. En effet, l'expert français et son commanditaire élyséen insistent sur la doxa économique diffusée par la candidate canadienne sur le mode de l'africain qui tarderait à entrer dans l'histoire : ''il y a un souci de voir l'organisation avancer sous une impulsion moderne pour en faire un espace de stratégies économiques pour tous ces pays africains qui sont nombreux à être sur le tarmac de l'émergence.'' Pourtant le rapport ne va pas aussi loin que l'ex-gouverneure générale de la couronne britannique, Michaëlle Jean clame qu'elle voudrait passer de ''la Francophonie politique'' à ''une francophonie économique''. En tout cas, le Mali vient de retirer la candidature de son ex-président au lendemain de l'offensive médiatique de Pierre Buyoya. Un pas supplémentaire vers un candidat unique pour le continent africain qui pourrait dissuader Marianne d'ourdir ou adouber une candidature souterraine. Au risque de réveiller les fantômes de Hanoï, l'Elysée et Matignon voudraient-ils ajouter une rébellion d'Etats francophones aux frondes intérieures des parlementaires et ministres de leur majorité écolo-socialiste..?

 

Cheikh Touré

 

 

 

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Pierre Buyoya : Autoportrait d'un enfant africain !

Impossible de portraiturer Pierre Buyoya sans relativiser quelques préjugés établis sur les gouvernants africains. Après une double accession pacifique au pouvoir dans des contextes de crises aigües, l'ex-président burundais avait rendu son tablier présidentiel au terme d'un processus démocratique et des accords de paix qu'il avait initiés et respectés. Depuis l'homme s'illustre en médiateur dans toutes les crises et conflits qui traversent l'UA et l'OIF.

Petit Pierre devint grand...

Soumis à l'auto-confrontation entre le chef d'Etat-candidat au leadership international et le petit enfant africain des faubourgs de Bujumbura, le président Buyoya se prête à l'exercice avec la discipline d'un homme de dialogue qui se veut rompu et ouvert aux critiques : '' l'enfant, c'est le monde et tous ceux qui mènent le monde furent un jour des enfants. L'enfant, c'est aussi l'avenir et l'espoir du monde. Protéger l'enfance, c'est protéger le monde et l'avenir''. A côté de sa fondation pour la protection de l'enfance et la formation des jeunes, il évoque le rôle déterminant de l'enfance dans son cheminement personnel : ''pour être grand, il faut avoir été petit. Si le petit Pierre ne prenait pas la parole, il y a de fortes chances que le grand Pierre n'existerait pas. Si l'on considère mon parcours depuis les collines du Burundi, l'école, l'armée, la politique et mes différentes responsabilités nationales et internationales, il est bien évident qu'il y a une suite de grandes leçons de vie qui ramènent souvent aux fondamentaux qui font ce que vous êtes et le milieu où vous avez grandi. Ces choses qui font votre grandeur d'un jour ne sont pas suspendues en l'air...'' 

Démocratisation du Burundi
Autrement dit, les fondamentaux du petit Pierre ont forgé les succès adultes de l'homme d'Etat. A commencer par sa prise de pouvoir dans un contexte de profonde crise entre le régime de son oncle et la puissante église catholique de son pays déjà miné par les inextinguibles hostilités interethniques entre Hutus et Tutsis : ''Encore une fois, je crois qu'il faut revenir à mes fondamentaux : j'ai eu la chance d'être parmi les burundais les mieux éduqués. Je suis arrivé en politique en 1987 parce que j'étais parmi les officiers les plus formés dans les meilleures académies occidentales. Par la suite j'ai profondément réfléchi sur le piège où nous étions jusqu'à bâtir une certaine crédibilité et une certaine autorité dans l'armée et la classe politique''. Jusqu'à son abandon du pouvoir au terme d'un processus de démocratisation qu'il avait conclu par la reconnaissance de sa défaite électorale et la transmission démocratique du pouvoir à son adversaire (1987-93) : une première dans l'histoire du continent.

Paix et réconciliation nationales
Après l'assassinat de son successeur dans un contexte de guerre civile, Pierre Buyoya revint au pouvoir pour mener le dialogue et la réconciliation nationale qui permirent la signature des ''Accords d'Arusha'' qu'il avait initiés et respectés (1996-2003). Il dut résister aux extrémistes de son pays et aux médiateurs de renom. De nouveau, il cède la place à son vice-président : ''on a eu tendance à dire que la paix au Burundi, c'est l'œuvre de Julius Nyerere et Nelson Mandela. Il est vrai que ces grandes personnalités ont joué un rôle mais elles auraient pu être d'aucun secours si les burundais avaient fait la sourde oreille. Si le petit Pierre en particulier avait fait la sourde oreille car il avait la clé de la paix à l'époque. Peut-être aussi que c'est grâce à ma façon d'aborder les choses car l'homme fort n'est pas celui qui est toujours prêt à sortir les canons. Il fallait aussi l'autorité nécessaire qui me permit d'être respecté par Nyerere et Mandela. Dans les conditions difficiles, les gens m'ont suivi dans des arrangements politiques compliqués. Mais je redis que ce sont les burundais qui firent l'essentiel pour la paix. Pas seulement moi mais aussi mes partenaires burundais.''

Ambition légitime de sage international
Mais dans le cadre de sa candidature à la tête de l'OIF, il devra rassembler les chefs d'Etat africains comme il avait réunifié les frères ennemis de son pays avant de devenir le médiateur et sage africain dont la Francophonie et l'Union africaine ont sollicité le concours dans tous les conflits du continent (2003-2014) : ''A ce tire de sage africain, je ne suis pas le seul. L'Afrique est un vaste continent de 54 pays où il y a une diversité extraordinaire. Il y a des pays qui sont bien partis dans la stabilité et la paix des institutions où les chefs d'Etat sont des jeunes modernes et très rompus à la gouvernance moderne. D'autres pays sont coincés dans les vieilles routines. Loin de la vision européenne d'une Afrique où rien ne va bien et partout c'est la guerre et la famine, le continent continuera d'évoluer dans des conditions différenciées. Mais je dis aux chefs d’Etat africains qu'au regard de mon âge, mon parcours et mon bilan au Burundi, en Afrique et au service de la francophonie, j'ai aussi une ambition légitime de diriger l'OIF. Ce serait aussi une opportunité pour moi de continuer à service et mettre mon expérience au service du plus grand nombre d'humains car la Francophonie est une organisation qui existe sur tous les continents''.

C.T.