Autour d'un thé

14 December, 2017 - 00:43

« L’argent n’est pas un nourrisson de la haine », dit un adage très populaire de chez les Nous Z’autres, comme aime à nous nommer mon amie la Derwichette. Qui n’aime pas l’argent ? Le nerf de la guerre. Finalement, c’est pour l’argent que tout se fait. Que tout se dit. Que tout se passe. Tout est question d’argent. Sans argent, rien ne va. Rien ne peut même aller. Avec l’argent, on peut aller à Paris avec Madame. Bras dessus. Bras dessous. Vagabonder sur les Champs-Élysées. Visiter les beaux appartements du Seizième. L’argent peut être blanc,  noir, jaune ou rouge. Peu importe, l’essentiel est qu’il ne sent pas. Sa qualité est d’être sans odeur.  Donc facilement dissimulable, sous une belle melehfa ou un joli manteau. Surtout quand les tout petits billets multicolores sortent, comme l’a promis le gouverneur de la rosée, avec un petit sourire, quand même, comme pour dire que ce n’est pas trop sérieux. Ok. Pendant qu’on y est, rappelons que le gouverneur a déclaré devant témoins, plus de journalistes que de Jéhovah, que la nouvelle monnaie ne va ni augmenter ni diminuer. Juste un zéro en moins. Ni plus. Ni moins. Rien ne va changer. Alors, puisque rien ne change, pourquoi investir tout cet argent ? Payer une société canadienne à produire une nouvelle monnaie qui ne changera rien à rien ? Le panier de la ménagère restera le panier de la ménagère. Le salaire du soldat restera le salaire du soldat. Les indemnités du général resteront les indemnités du général. Les frais des voyages présidentiels et de Madame la Première Dame resteront les frais de voyages présidentiels et de la Première Dame. Juste que ce sera en très petites coupures, pour que les poches puissent en prendre suffisamment. Et que les voleurs ne puissent les dérober facilement. Belle démonstration du gouverneur de la BCM : Juste que je mets tout mon argent, comme ça, dans ma poche et voilà. Selon le gouverneur, dix permettront d’avoir ce que cent permettaient et ainsi de suite. Exactement ce que ma voisine vendeuse de légumes m’a expliqué, dès le premier jour. Exactement ce que le chauffeur de taxi relatait, à ses passagers. Exactement ce que le boucher du coin bonimentait, à ses clients. Exactement ce que les vendeurs de jujube, de fripes, de poisson, de mil, de niébé et de charbon se racontaient les uns aux autres. Un zéro en moins et rien d’autre. Expertise contre expertise. BCM contre citoyens lambda. Cette nouvelle monnaie est à ajouter aux nombreuses réalisations de Président-Refondateur. La monnaie. Le drapeau. L’hymne national. C’est quoi que de payer un verre de café à seize millions d’unités ? Le prochain référendum populiste ou populaire demandera, aux Mauritaniens, de valider une nouvelle devise et une nouvelle capitale. Voyez-vous comme c’est facile, disait quelqu’un, d’être gentil avec l’argent des autres. C’est même très facile d’être très gentil avec l’argent public. Deux cent mille par ci. Un million par là. Trois millions là-bas. Trente-trois millions quelque part ailleurs. L’argent rattrape. Ça fait même filer, tout droit, vers la disgrâce, voire la prison. Sauf que c’est selon que vous soyez puissant ou misérable. La gabegie est interdite en Mauritanie nouvelle. Tu peux te retrouver en prison et perdre ton poste pour rien. Tu peux ne pas aller en prison ni perdre ton poste pour tout. Tu peux perdre ton poste et aller en prison pour plus de cent millions. Tu peux aller en prison et perdre ton poste pour juste quelques centaines de mille. Tu peux faire tomber le ciel sur la terre, sans rien. Tu peux te faire couper la tête, pour rien. Je ne sais pas ce qu’une délégation de la jeunesse et des sports fabrique, avec des sacs d’arachide ou de farine. Attendez, vous allez comprendre : c’était il ya quelques années, un délégué régional de la jeunesse présentait, aux inspecteurs, des factures de farine, d’arachides et de gomme arabique. Aujourd’hui, boubous ezbi, iphones, peaux de chèvre et sacs de charbon, pour justifier la liquidation de l’argent d’un établissement de radiodiffusion. Rien de nouveau sous le soleil… C’est quoi donc, cette Mauritanie nouvelle ? Salut. 

Sneiba El Kory