Deuxième lettre à Michel Onfray, philosophe français (cinquième partie) Par AHMEDOU Ould MOUSTAPHA

14 December, 2017 - 00:52

L’expansion de la planète et la rotation orbitale du soleil et de la lune :

 

« Le ciel, Nous l’avons édifié de main de maître et en vérité Nous l’étendons » (chap 51/ V 47). Pour les scientifiques, c’est une évidence que notre planète est en expansion continuelle.  « Et Il (Allah) [1] est Celui qui a créé la nuit et le jour.  Et le soleil et la lune voguent chacun dans une orbite (Felak). Ni au soleil il ne conviendrait d’attraper la lune, ni la lune ne pourrait dépasser le jour… » (Chap 36/ V 40).

On sait que le mot arabe Felak se dit de quelque chose qui a la propriété de tourner sous une forme de rondelle, ce qui s’applique effectivement à une orbite ; or la science décrit exactement le même phénomène concernant ces deux astres.

Comment alors ne pas s’étonner de ces versets qui annonçaient clairement ce que les savants n’auront découvert que plus de dix siècles plus tard ? 

Cela étant, doit-on penser que ces savants n’ont fait que se référer au modèle de création  de l’univers déjà décrit par le Coran, en lui donnant adéquatement le nom de Big bang pour l’expliquer?  

En réalité, ils venaient juste de découvrir une vérité divine les concernant, annoncée au septième siècle dans le verset suivant et portée alors par un Prophète illettré : « Nous leur ferons si bien apparaître Nos Signes (Nos Preuves) dans l’univers et en eux-mêmes qu’ils sauront bien un jour que ceci (le Coran) est la vérité. Ne leur suffit-il donc pas de savoir qu’Allah  est  témoin de toute chose pour confirmer ton message ? » (Chap 41/ V 53).

Lisons encore ce verset 5 (ch 10) de la Sourate de Younus  : « C’est Lui (Allah) qui fit du soleil une clarté et de la lune une lumière. Il en a rigoureusement fixé les phases pour vous permettre de dénombrer les années et de calculer le temps. Allah n’a créé cela que dans un but sérieux. Allah expose ses Signes à ceux qui savent ». Or qui sont donc ‘’ceux qui savent’’  (ou ‘’les gens doués d’intelligence’’ dans d’autres versets)  sinon ceux qui s’y connaissent, les savants ?

C’est le lieu de rappeler qu’au septième siècle, le niveau scientifique dans le monde entier était à plus de mille ans de retard, donc très loin du niveau actuel, pour être en mesure d’établir que le soleil est une masse incandescente et source de clarté et que la lune est un astre mort ne jouant qu’un rôle de réflecteur.

On reste tout simplement pantois et stupéfait devant cette figure établie aujourd’hui par la science et qui est admirablement conforme à cet autre verset de la Sourate Yâ Sîn : « A la lune Nous avons assigné des phases successives, jusqu’à ce qu’elle devienne semblable à la palme desséchée » (c’est-à-dire morte).

Ce n’est pas non plus à cette époque que l’on pouvait connaître le rôle de l’astronomie dans la naissance des mathématiques : « … le soleil et la lune. Il en a rigoureusement fixé les phases pour vous permettre de dénombrer les années et calculer le temps ». 

C’est dire combien le contenu du Coran est supérieur à la connaissance humaine, surtout quand il s’adresse aux hommes de science, ‘’ceux qui savent’’, démontrant ainsi qu’il est sans commune mesure avec les notions de raison et rationalisme, puisqu’il les transcende, il les dépasse.

Beaucoup d’auteurs, dont plusieurs savants occidentaux de grande renommée, ainsi que bon nombre de spécialistes et prédicateurs musulmans, insistent en effet sur la parfaite conformité de la position du Coran avec l’approche scientifique sur tous les sujets qu’il évoque, mais il faut le redire : la Parole divine n’a nul besoin de recourir à l’appui d’hypothèses de nature changeante ou de preuves scientifiques pour donner crédit à des vérités d’ordre éternel. D’ailleurs, dans le Coran, les poètes et les savants ou ‘’ceux qui savent’’ sont défiés de produire quelque chose de semblable ou d’y déceler une seule incohérence, et ils n’ont jamais pu relever ce défi jusqu’à présent.         

Sur la forme, on trouvera difficilement meilleur admirateur que « le plus illustre des anglais après Shakespeare », l’historien et essayiste Thomas Carlyle qui a écrit, au sujet du Message coranique porté par le Prophète de l’Islam : » Cette parole est une voix qui surgit au cœur même de la nature. Les hommes l’écoutent et doivent l’écouter, en s’y ouvrant plus qu’à toute autre chose, car tout le reste n’est que du vent en comparaison ».

Sur le fond, les vérités scientifiques qu’il a révélées, au septième siècle, sont aujourd’hui si inattaquables que l’éminent philosophe et sociologue Spencer Hubert, un autre anglais, fut amené à poser cette question et à y répondre lui-même : « Les savants du monde, réunis, peuvent-ils déceler une seule erreur dans le Coran ? Ils ne pourront rien y trouver de faux, même en se référent à toutes les découvertes scientifiques (…). Chaque nouvelle donnée de la science, recèle une confirmation manifeste de ce que le Coran a déjà annoncé ».

Il s’agit pourtant de plusieurs centaines de versets évoquant des phénomènes qui embrassent tous les domaines de la science. Et c’est seulement au vingtième siècle que les savants ont pu en découvrir une partie qu’ils ont jugée « rigoureusement exacte » ; ils  poursuivent toujours leurs recherches, inlassablement et minutieusement, pour expliquer d’autres phénomènes révélés et faisant l’objet de mystères qui n’ont pu être percés jusqu’à ce jour.

Tout simplement parce qu’au delà de sa prouesse littéraire inimitable, ce Livre, un chef d’œuvre unique en son genre, ne pouvait émaner d’un homme, quels que fussent son génie et ses connaissances, car la science qu’il contient dépasse le savoir humain ; c’est un condensé de vérités contre lequel viennent buter toutes les fausses certitudes du monde.

Son caractère scientifique et donc universel fait qu’il ne s’adresse pas uniquement à la communauté musulmane, contrairement aux précédents Livres sacrés qui n’avaient pas son statut de dernière prophétie, mais à l’humanité tout entière qui a le privilège de la raison. Son centre d’intérêt est donc l’homme, cet être conscient et doué d’intelligence, connu pour être à la fois rebelle devant l’autorité, celle de son Créateur surtout, violent avec ses semblables et en même temps faible devant une force qui lui est supérieure et tout tremblant à l’idée de puissances qui n’existent que dans son imagination.  « Une fois comblé de nos faveurs, l’homme, indifférent, se détache de Nous. Un malheur l’effleure-t-il et le voila qui désespère » (Le Voyage Nocturne, V 83).

C’est partant de cette faiblesse psychologique de l’être humain que l’on découvre combien une lecture attentive et réfléchie du  coran, qui  frappe d’exemples, insuffle une vision claire sur le sens de la vie, dissipe les cotés sombres de l’homme et illumine sa conscience. Le récit

Coranique n’a pas en effet pour but de meubler la mémoire d’allégories, mais d’élargir l’information historique, d’instruire sur l’évolution et les perspectives de l’homme, d’accroitre ses possibilités de création et de contrôle en vue de bâtir sa foi sur un fondement rationnel…

Mais pour rester sur notre idée de départ, Il faut retenir de ce qui précède que l’éminent théologien Ibn Rushd était allé plus loin que ses prédécesseurs dans le domaine de la jurisprudence, en élaborant ses méthodes démonstratives relatives aux dogmes religieux ; ce qui lui valut d’ailleurs d’être considéré à l’époque comme subversif, aussi bien par les autorités musulmanes que par les autorités de la chrétienneté, à une époque où celles-ci étaient encore admiratives devant la culture maure d’Andalousie, même si elles s’interdisaient de l’avouer en public.

 Ce fut à la fin de sa carrière de juge en chef de Séville et de Cordoba, entre 1169 et 1182, à l’issue de son expérience de ministre (wezir) et médecin de l’Emir Abu Yakoub Youssoufi à Marrakech, en remplacement de son ami le grand théologien Aboubacar Ibn Tufayl (un autre Ach’arite). C’est en effet peut de temps après son retour  de Marrakech, ayant été nommé juge en chef de Séville une seconde fois, qu’il publia en 1195 (au lieu de 1179 selon une autre source) un ouvrage  au titre polémique de : Tahafout At’Tahafout (Incohérence de L’incohérence) dans lequel il réfuta une à une  les idées que le grand maître théosophe Abou Hamid Al Ghazali avait formulées dans son livre intitulé : Tahafout al Falasifa (L’incohérence des philosophes).

Ibn Rushd  en a donc fait les frais, puisque l’anathème fut prononcé contre son ouvrage et lui-même exilé durant deux ans dans une petite agglomération (Lucena) près de sa ville natale, avant d’être réhabilité comme juge en chef de Séville à nouveau, juste une année avant son décès en 1198.

Il faut tout de même souligner que la pensée et les écrits d’Ibn Rushd n’ont véritablement rayonné et connu un large succès qu’après sa mort, aussi bien en Occident qu’en Orient.  Mais est-ce vraiment étonnant, vu que « tout bon raisonnement offense[2] » et qu’il ne gagne

qu’a postériori ?

Pourtant, Al Ghazali ne faisait pas l’unanimité lui non plus. Et d’adversaires, il en comptait beaucoup ! Ce fut aussi le cas de Muhyiddine Ibn Arabi – né à Murcie en Andalousie et mort à Damas en 1240 – qui, à un certain moment, passait pour être largement influencé par Ibn Rushd. Il est ainsi considéré comme « un des plus grands théosophes visionnaires de tous les temps »[3].

Cela dit, pour beaucoup d’Oulémas et d’érudits, aussi bien contemporains que médiévaux, y compris d’ailleurs le grand jurisconsulte traditionaliste Ibn Tamiyya (mort en prison à Damas en 1328) – en dépit de ce que d’aucuns pensent de lui, comme son intolérance à l’égard de ses adversaires de pensée, surtout vis à vis de cette école théosophique dont il fut l’un des plus grand pourfendeur - , la religion n’a de pires ennemis que ceux parmi ses adeptes qui prônent une seule ‘’voie’’ possible pour tous les croyants, la leur.

Et l’une des grandes leçons d’Ibn Rushd est : « une doctrine théologique dont le but proclamé est de  combattre les ennemis de la religion  n’a qu’une seule fonction : produire des ennemis de la religion ».

On peut donc en conclure que toute doctrine, religieuse ou profane, qui s’emploie à imposer sa suprématie, non par la raison mais par la contrainte, ne peut engendrer que rejet, haine et violence…

 « Par la sagesse et la bonne exhortation appelle les gens au sentier de Ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon » (L’Abeille, verset 125).

N’est-ce pas là exprimée l’essence même de la tolérance et du respect de l’autre, quelles que soient sa religion, ses croyances ou ses opinions ?

 

[1] Contrairement à d’autres langues, la langue arabe possède cette faculté très souple qui permet de passer de la première personne du singulier à la troisième sans changement de sujet.  Ce qui explique qu’on peut lire  dans certains versets coraniques : « C’est Lui qui »  ou encore « IL est  Celui » sans imaginer un seul instant que le récit avait changé de narrateur.

2 Stendal

3 Henri Corbin, un des plus grands islamologues d’Occident

Nouakchott, le 16 – 1O - 2017

AHMEDOU OULD MOUSTAPHA

 

[1] Contrairement à d’autres langues, la langue arabe possède cette faculté très souple qui permet de passer de la première personne du singulier à la troisième sans changement de sujet.  Ce qui explique qu’on peut lire  dans certains versets coraniques : « C’est Lui qui »  ou encore « IL est  Celui » sans imaginer un seul instant que le récit avait changé de narrateur.

[2]  Stendal

[3]  Henri Corbin, un des plus grands islamologues d’Occident