Le syndrome de sécession: une menace pour la paix

20 September, 2014 - 20:01

La plus vieille démocratie du monde, là où les concepts  politiques de «gauche» et «droite» ont été  empiriquement institués, vient de subir une tentative de sécession, pacifique certes, mais sécession tout de même.  En effet, les Ecossais ont recouru aux urnes pour départager les camps de ceux qui tenaient  à ce que  leur région accède à la souveraineté internationale et ceux qui  préféraient maintenir l’Ecosse au sein du royaume de Grande Bretagne. Le référendum du vendredi dernier  a permis, après que  la  classe politique anglaise, toutes tendances confondues,  ait perdu son flegme  «so british!» à défendre le maintien de l’Ecosse dans le giron royale anglais,  d’arracher  un score de 55,30% en faveur du « non » à la sécession. Des pays  européens ont, de par le passé, été scindés  en deux ou plusieurs états indépendants (Tchécoslovaquie,  Yougoslavie), d’autres, comme l’Ukraine, connaissent des soubresauts susceptibles d’aboutir à une scission définitive.  Mais tous ces cas de figure ont, en commun,  la particularité de se dérouler à l’Est de ce qu’il était convenu d’appeler le «rideau de fer ». En réalité, il s’agissait,  jusqu’ici, des  «répliques» de l’effondrement  du «Berliner Mauer», le 9 Novembre 1989. Les pays membres de l’OTAN ont toujours réussi solidairement à déjouer les tentatives de sécession au sein de leur espace géographique, et ce en dépit de vives tensions politiques et parfois armées  dans des régions  comme l’Irlande du nord, le Pays basque, la Flandre,  la Catalogne, la Padanie …etc.  La boite de Pandore ouverte par les Ecossais risque fort de changer radicalement la donne, à travers une contagion sécessionniste en Europe occidentale,  potentiellement négative pour la paix mondiale.  En effet, l’affaiblissement économique inéluctable des puissances européennes remettra en cause le fragile équilibre actuel du monde; si, de surcroit, ces pays doivent faire face à des tensions politiques domestiques, la paix  mondiale  n’en sera que plus  menacée.

La raison profonde de la rupture du «contrat social» dans des  pays occidentaux, est de nature socio-économique; les services d’assistance universelle en matières de santé, d’emploi et de vieillesse,  sont  devenus  «insupportables» pour les finances publiques, dans la majorité des pays occidentaux. La «Sécu», socle de la stabilité sociale en Occident,  donne désormais  des sueurs froides aux décideurs politiques, en raison de ses déficits abyssaux. Le «glissement» économique mondial,  en faveur de l’Asie du Sud-est,   et le vieillissement de la population, constituent des tendances difficiles à juguler. De nos jours,  le libéralisme économique, cher à …l’Ecossais Adam Smith,  prospère prioritairement  au Levant.  Quand la « Ligue du Nord » italienne s’insurge «contre la Rome voleuse», il est facile de comprendre la dynamique sécessionniste en Europe occidentale. Les régions les plus riches veulent se détacher de l’Etat central, pour échapper  à la solidarité  que cet Etat impose, à travers les impôts et la liberté de circulation,  en faveur des régions les moins bien  loties sur le plan économique.  C’est le réveil des égoïsmes locaux;   désormais la source de la peur n’est  plus  circonscrite aux fantasmes  liés à  «l’invasion» des immigrés venus du Sud, mais inclut  désormais  les faits et gestes du voisin immédiat, du proche.   C’est une évolution lourde de conséquence, les scores de l’extrême droite européenne  aux différents scrutins électoraux en témoignent et l’Histoire est là pour nous le rappeler.  

En Afrique et dans le monde arabe, la remise en cause du sacro-saint principe d’intangibilité des frontières issues de la colonisation, pourrait, comme au Soudan, disséminer davantage les foyers de conflit, au lieu de les résorber. Les lignes de fracture religieuses ou ethniques, régulièrement instrumentalisées  par des activistes malhonnêtes,  dans le cadre de conflits éminemment politiques et donc pouvant être pacifiquement traités comme tels, peuvent facilement être remplacées par les clivages tribaux, voire familiaux, une fois la géographie politique revisitée… L’onde de choc sécessionniste européenne n’épargnera ni l’Afrique, ni le monde arabe, pour des raisons historiques et de proximité géographique. Le spectacle  pitoyable en Libye donne un avant-goût de ce qui pourrait advenir de pays dont la classe politique n’aurait pas pris, à temps, la mesure des risques encourus.

En Mauritanie, le bilan honorable du président Aziz, en matières de concorde nationale et de lutte contre l’insécurité, dans une région sahélo-saharienne troublée, mérite d’être soutenu et défendu, par les hommes épris de paix, toutes obédiences politiques confondues. Grâce à ce bilan, nous sommes, aujourd’hui, libres de nous exprimer,  de manifester et de nous organiser; il nous manque, grosso modo, un zest de responsabilité et de civisme, pour nous auto-discipliner individuellement et collectivement, afin d’éviter que les libertés  nouvellement acquises ne nuisent à notre unité nationale. La solution réside dans l’élargissement du champ des libertés et le renforcement  concomitant de notre conscience nationale.

Même si les frontières du Royaume uni sont restées intactes, le scrutin du vendredi dernier à Glasgow, impactera durablement notre monde, à quelque échelle qu’on le considère, en positif si nous nous mobilisons, dès à présent,  contre le pire.

 

Dr Sidi Ould Ahmed