Autour d’un thé : Cartes d’identité

19 April, 2018 - 03:36

Au temps de la carte d’identité jaune – Il ya longtemps – ce n’était pas difficile de devenir mauritanien. Les falsificateurs sans scrupule pullulaient. Jonchaient les rues. Mon français est libre, moi, je ne fais pas dans les règles sacrosaintes et figées de la grammaire traditionnelle. Sujet, verbe, complément. Si le sens est compris, je m’en fiche des mots et des expressions. Donc, au temps où, pour avoir une carte d’identité nationale, il fallait juste payer cinq mille à dix mille, ça dépendait des réseaux. Ceux de Sebka, d’El Mina et de Riyad nationalisaient, surtout, les Sénégalais, les Béninois, les Togolais, les Centrafricains et autres Ivoiriens, Ghanéens, Burundais, Rwandais, Centrafricains ou Congolais… Ceux du Ksar, de Toujounine et d’Arafat naturalisaient les Sahraouis, les Azawadéens, les Touaregs, les Irakiens, les Libanais, les Marocains et autres Soudanais ou Erythréens… Et puis il ya eu la carte d’identité de Maouiya. Celle qui n’a pu prémunir ni contre la fraude électorale ni contre la naturalisation de contrepartie. Au fait, être mauritanien ou ne pas l’être, c’est quoi, la question ? C’était facile d’être étranger à dix heures et de devenir mauritanien à midi. La carte d’identité, ça sert à quoi ? Surtout quand tu n’as pas de compte en banque, qu’il n’ya ni élections ni campagnes d’adhésion…Dire que c’est toi, tes nom, prénom et date de naissance ? Mais ça, tu le connais mieux que quiconque ! Quand on met cinquante cartes d’identité ensemble, comme ça, empaquetées, bien ficelées les unes sur les autres, ça fait un bureau de vote ou une unité de base composite. Des gens de là-bas, des autres de très là-bas et d’autres encore de très très là-bas. Puis l’on déclare que ce sont tous des gens de l’UPR. Alors que les chasseurs de cartes d’identité savent pertinemment que plusieurs sont de Tawassoul, d’autres du RFD, de l’UFP, d’IRA ou de Touche Pas à Ma Nationalité. Certains de Gao, de Rabouni, de Smara, de Tombouctou ou de Casamance. Mais, bon, mon général, mon ministre, mon directeur ou mon troisième bureau a besoin d’une « assemblée » de cartes d’identité. Pour tricher, tromper, simuler. Si tu vois les gens borgnes, « casse dans ton œil », comme le préconise la sagesse populaire. Et puis, il faut savoir être raisonnable. Faire la part des choses. C’est une affaire de partage, ne pas être en reste. « Ne vous lancez pas, de vous-même, dans l’aventure » – vers la mort –tu ne rassembles pas les cartes d’identité pour le parti, tu es viré, hein ! C’est vite fait, c’est la règle du jeu. Tu n’es directeur-adjoint du port de Nouakchott ni pour tes beaux yeux ni pour tes diplômes, si d’aventure tu en as, ni pour rien d’autre que de servir, d’abord, et te servir, ensuite. Surtout pas de principe, ni courage, ni moralité. Il faut savoir jongler, sinon, tu prends la porte ! Tu n’es pas indispensable : la rue est pleine de gens qui ne veulent que mentir, applaudir, danser, chanter, boire et manger. Personne ne sera plus là, comme ça, bien assis dans les strapontins, s’il n’est pas capable de se montrer fort en magouilles, dans la perspective de ce qui vient après. C’est dans les moments difficiles qu’on reconnaît les vrais amis. Deux que je n’oublierai jamais : mon allié et mon ennemi/adversaire. « Celui qui m’a aidé et celui qui a aidé contre moi ». Celui qui m’a permis de collecter le maximum de cartes d’identité et celui qui ne m’a pas aidé à en avoir plein les poches. Finalement, la carte d’identité jaune des années quatre-vingt-dix, celle de Maouiya des années deux mille à deux mille cinq et celle d’Aziz autour de laquelle se sont déployées tant de grosses propagandes : C’est pareil. Falsifiables. Achetables. Vendables. Transférables de là à là-bas et même à plus loin, autant qu’on voudra. Comment qu’on va faire, maintenant, pour distinguer un UPR/RFD, un UPR/UFP et UPR/UPR, dans les comités de base ? Touche surtout pas à ma carte d’identité nationale ! Salut.

Sneiba El Kory