Autour d'un thé: Hyène nationale

7 June, 2018 - 03:51

Je n’ai que très rarement envie de revenir sur des choses peu ou prou importantes. Mais chaque fois que je me décide à parler de sujets que le sont beaucoup, des gens, des propos, des gestes et des attitudes m’obligent à revenir, encore, me rabaisser à des choses futiles. C’est un vrai problème, en cette Mauritanie. Hier soir, je regardais un feuilleton populaire qui m’a fait, au moins, rire un peu. Un « pé » seulement, comme disent nos amis de là-bas. Oui, un pé seulement. « Ton père n’est pas là ? », interrogeait un des acteurs, « Ton mère n’est pas là ? » Impossible, cependant, de trop rire,  puisque Ramadan est encore là : fête en plein « pauvreté du mois » présage de grosses catastrophes familiales, variant entre fortes zones de perturbations à divorces sans appel. J’ai pourtant encore ri, un peu plus, l’autre soir, en écoutant le ministre des Finances refuser de retirer un mot déplacé, à l’encontre d’un député. « Ces élus passent trop de temps à attaquer le Président ! », s’est-il justifié. Comme quoi les Mauritaniens sont très forts. Jamais je n’aurais imaginé l’entendre avancer une telle explication. Chapeau, Excellence ! Et de pouffer, encore plus, quand le distingué économiste nous a gratifié de ce qu’avant lui, il y avait vers quatre cent milliards qui partaient dans les poches des serouals et des djellabas, sans que personne ne le sache. Absolument rien à voir avec les quelques  modiques millions d’aujourd’hui, inégalement répartis entre des fonctionnaires et leurs chefs qui en prennent la part du lion. Messieurs les députés honorables, il y a des décrets qui légalisent tout cet argent ! C’est un peu comme cette histoire de « ceux qui écrivent sont d’eux et ceux qui comptent sont encore d’eux ». Le ministère de l’Économie et des finances illustre parfaitement l’adage populaire : « Qui se charge de quelque chose en goûte ». Les fameux chefs et leurs parts. Les affaires de caisse noire. Des 4% et autres fonds communs. Un peu comme la hyène qui voulait concilier « essetra we thalguim », un peu comme garder le beurre et l’argent du beurre. Un jour, dit-on, ladite hyène voulut se montrer juste et partageuse. Et de convier quelques amis à tenter de gagner une part d’un butin qu’elle venait d’acquérir. Une procédure toute simple : la moitié lui revenait de droit : normal, c’est elle qui l’avait chassé. Le quart représentait son avantage. Un peu comme une indemnité. Une part de chef, quoi. Quant au quart restant, il reviendra, explique-t-elle, au premier qui dira « Il est à moi ». Et de faire remarquer, dans la foulée, que c’était elle, justement, qui venait de dire, en premier : « Il est à moi ». Voilà comment notre hyène nationale garda le tout pour elle, en ayant, quand même, essayé d’en faire profiter les autres. Imaginez un peu si les directions des Douanes, des Impôts, du Budget et du Trésor n’existaient pas. S’il n’y avait pas de ministère de l’Économie et des finances. Pas eu cette bénie Rectification, voici dix ans. Si le ministre n’avait pas suivi cette politique de rigueur fiscale. S’il avait continué à dégrever à tout va : les milliards allaient partir dans son caftan, comme s’y employaient ses prédécesseurs. Vous voulez que ces pauvres gens, qui amassent tout cet argent, s’en aillent comme ça ? Sans rien ? Sans avantages ? Sans indemnités ? Sans parts de chef ? Les députés et les sénateurs (qu’Allah ait leurs âmes) ne produisent pas l’argent. Ils ne font que parler. Or « kelem kelem », ce n’est pas bon. Certains te disent : « les pauvres médecins, les pauvres instituteurs, les pauvres professeurs, les pauvres ceci, les pauvres cela… ». Hé, la pauvreté n’est pas exclusive ! Pauvre ministre des Finances. Pauvres fonctionnaires du ministère de l’Économie et des finances. Pauvres ministres. Pauvres députés. Pauvres médecins. Pauvres enseignants. Pauvres jeunes. Pauvres femmes. Pauvres mendiants. Pauvres hommes d’affaires. Pauvres hommes politiques. Pauvres journalistes. Pauvres agents des forces armées et de sécurité.  Pauvre Président. Pauvre Mauritanie… Salut.    

Sneiba El Kory