Autour d'un thé: La langue de Molière

12 July, 2018 - 01:50

La belle langue française. Celle que d’aucuns appellent communément la Langue de Molière. Pas forcément celle des militaires ou des mécaniciens. Ou du français de France. Le français des Gnaks. Le français des Pieds-noirs. Le français des Tirailleurs. La gamelle. Le ceinturon. Garde-à-vous et repos. Réclamation. Arrêt de rigueur. Radiation. T’es dégradé. La jante sport. Crique manivelle. Capot et pneu arrière. Bonsoi, comment tu va ô ! Toi engazé militaire ! Bande de salauds. Tu vas voiimbéci ! Combien de présidents jactent-ils bien le français ? Et c’est quoi ça, ne pas bien le parler ? L’essentiel, c’est dire ce qu’on pense. Comprenne qui voudra ou qui pourra. Par exemple, lorsque le président dit, sur France 24, que M’Khaitir est « partiellement » libre. C’est on ne peut plus clair, quand même. La justice a dit quelque chose comme ça, mais le bloggeur est devenu un autre ça, parce que ça doit encore rester quelque temps en prison, pour la paix et la stabilité. Quoi de plus clair, dit comme ça, en bon français ? C’est exactement comme ces gens à plus de quatre ou cinq mille kilomètres carrés de nous. Ce n’est pas si loin que ça, Excellence, des milliers de kilomètres carrés. C’est comme une grande surface d’une de ces concessions rurales au long des routes nationales. Oui, je sais, c’est un lapsus. Mais c’en est un gros, tout de même. Et puis des gens qui n’ont même pas toutes les données du problème, jusqu’à nous donner des injonctions frisant le ridicule. C’est à peine s’ils savent, ces gens-là, que le sénateur dont ils parlent est un opposant mauritanien. Rien d’autre. Alors, de là-bas si loin, à plus de quatre à cinq mille kilomètres carrés, vous réclamez sa libération ? Nous sommes un pays souverain qui a sa justice indépendante et ses comptes à régler. Nous tenons à laver notre linge sale en famille. Esclavage en Libye ? Qui vous dit que ces choses sont avérées ? Ce n’est pas la responsabilité des Libyens ! Qui a détruit leur pays ? Allez, répondez, monsieur le journaliste ! Qui a légitimé les coups d’État ? Qui a couvert les présidents prédateurs ? Les torpilleurs de Constitution ? Les génocidaires ? Qui a parrainé les paradis fiscaux ? Qui a encouragé les tripatouilleurs des lois fondamentales ? Qui résonnent en termes d’intérêts ? Et puis l’ONU ne refuse-t-elle pas de nous donner de l’argent, pour lutter contre le terrorisme, alors qu’elle le donne pour moins que ça ? C’est dit en bon français. Même le journaliste le reconnaît: « ça, au moins, c’est clair ». Bon « à l’échelon international ». Les échelons, c’est vraiment très militaire. Premier ou deuxième. Troisième ou quatrième. C’est un gendarme de deuxième échelon. Au grand malheur de certains…opposants, bien sûr, qui voulaient faire, de ce troisième mandat, un nuage. Il a été balayé. Pas par le vent venu d’Occident, hein, mais par ma volonté de ne pas violer la Constitution de mon pays. Dont acte. Sans commentaires. Qui a dit qu’il n’a rien compris ? Pourtant, c’est du français, si tant est qu’il s’agisse d’arranger des mots, à tort et à travers, pour dire n’importe quoi. Ce qui se conçoit bien, disait Boileau, s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. Ou quelque chose comme ça. Maintenant le tout nouveau palais des congrès est là-bas, majestueusement bien assis, avec tout son équipement. Quelqu’un de la majorité m’en a convaincu, avec un raisonnement raisonnable : « Regarde, les quatorze milliards dont parlent les aigris et les mauvaises langues, ce n’est rien, un palais, ça reste à sa place. Il ne va pas bouger. Aziz va quitter la sienne, bientôt lui, dans quelques mois, et il ne l’emporte pas avec lui. C’est quelque chose pour la Mauritanie. Il faut seulement prier pour que le prochain sommet du G8 –pas les gens de l’opposition, dé ! : les grands de ce monde – s’organise ici, chez nous. Comme ça, notre très joli palais va reprendre du service. Le monde va encore parler de nous, comme au temps de nos deux désormais anciens sommets de la Ligue arabe et de l’Union africaine ». Bon, alors, vive Aziz ! Vive le troisième mandat ! À bas la Constitution !

Salut.

Sneiba El Kory