Le PSI de la PREFIMEDIM : un programme pionnier de développement durable ?

13 July, 2018 - 00:47

Le développement durable n’est pas une science exacte. S’il peut être méthodique – le doit, pour  être  lisible  et  rectifiable  –  il  est  d’autant  plus  soumis  au  tâtonnement  expérimental  qu’il travaille sur le vivant. La part impondérable de risques et d’incertitudes oblige à placer l’approche systémique  et  la  communication  transversale  en  phares  de  l’action.  Depuis  le  début  des  années 2000, divers financements, variablement coordonnés, au niveau international, par les Objectifs du Millénaire du Développement (OMD), recyclés, depuis 2015, en Objectifs du Développement Durable (ODD),  soutiennent  la  floraison,  en  Mauritanie,  d’un  nombre  croissant  d’initiatives  plus  ou  moins bien  adaptées,  plus  ou  moins  opportunistes ;  plus  ou  moins  durables,  donc.  Des  questions  de cohérence  et  de  cohésion  se  posent.  Centrales  dans  la  conception  interne  de  tout  projet,  elles tendent  à  le  modifier,  dans  ses  rapports  externes, au  fur  et  à  mesure  de  son  développement.  La communication devient vitale.

 

Officiellement    fondé  en  2007,  le  projet  « PRoduits  d’Excellence  d’une  FIlière  de  plantes MEDIcinales en Mauritanie » (PREFIMEDIM) entend réunir, du plus court au plus long terme, tous les acteurs potentiels d’une exploitation réfléchie et durable du biotope médicinal en Mauritanie. Des intérêts très divers, notamment entre les producteurs-cueilleurs, en zones rurales, et les vendeurs de médicaments, en zones urbaines, ont à négocier un modus vivendi mutuellement profitable, en tous les  cas  respectueux  de  la  précieuse  matière  première :  les  végétaux,  en  l’occurrence ;  et  de  ses bénéficiaires finaux : hommes et animaux en besoin de santé. A ces soucis fondamentaux, s’adjoint celui de la durabilité : des infrastructures et équipements susceptibles de produire plus-values, d’une part, impliquant gestion du foncier et des amortissements ; et des ressources humaines, d’autre part, impliquant formations et investissement conséquent de la jeunesse.

 

Un  Programme  Stratégique  Initial  (PSI)  a  été  établi,  entre  2008  et  2011,  dans  une concertation assez réduite, beaucoup trop d’adhérents  restant limités à leur propre intérêt – le plus souvent à court terme – et très peu d’entre eux percevant la globalité de la filière, encore moins la nécessaire  logique  de  sa  construction.  Le  consensus  retenu  fut,  cependant,    de  s’en  tenir  à  ce processus  fondamental  et  de  prévoir,  au  cours  de  son  éventuelle  réalisation,  une  phase suffisamment  longue  de  discussions  des  résultats,  entre  tous  ses  acteurs,  afin  d’élaborer  le programme stratégique suivant dans un cadre participatif de plus en plus élargi. Présenté, en 2012, lors  d’une  table-ronde  des  bailleurs  potentiels,  le  PSI  trouve  son  financement  de  base  en  2016, auprès de l’UE (499 525 €, soit 52% du total). Il démarre, l’année suivante, avec bientôt l’appui d’un second  bailleur,  le  GEF-SGP  du  PNUD  (150 000 $,  soit  12,4%).  Diverses  pistes  sont  actuellement explorées pour compléter le quasi-tiers manquant (330 000 €) avant Mars 2019.

 

Le terrain, support de l’action

Parlant de construire une filière, le PSI doit, à l’évidence, poser d’abord des fondations. C’est-à-dire, travailler en amont, au plus local : ses premiers acteurs sont le biotope phyto-médicinal et les populations rurales appelées à l’exploiter. C’est dans la mesure où cette relation existe ou est en mesure d’exister que des facilitateurs-régulateurs sont à même de la soutenir : facilitateurs, du côté de la Société civile et des PTF ; régulateurs, du côté de l’État. Trois types d’actions sont ainsi amenées à  s’harmoniser : le social, le  technique,  le  réglementaire.  Si  les  deux  premiers  sont  facilement interchangeables,  dans  leur  ordre  d’intervention,  le  troisième  doit  toujours  avoir  la  sagesse d’intervenir plutôt en aval de ceux-là : la loi naît de l’expérimentation et non pas le contraire. Encore faut-il que les responsables de celle-là puissent avoir un œil constant sur les tâtonnements de celle-ci, afin d’en mesurer convenablement les risques. 

 

AGR :  Activité  Génératrice  de  Revenus.  Le  concept  est  connu  et  couvre,  d’une  manière générale,  le  secteur  privé ;  notamment  au  plus  local,  sous  sa  forme  la  plus  basique.  Son développement, au cours des deux dernières décennies, a mis en évidence la nécessité de mettre en place,  en  aval,  des  structures  plus  communautaires,  regroupant  des  activités  fédératrices  de plusieurs AGR (boutiques communautaires, par exemple). Leur objet est d’apporter un plus aux AGR, jamais de rentrer en compétition avec elles. Le PSI a choisi de donner, à ce type de structures, un nom  spécifique :  Activité  Génératrice  de  Revenus  Communautaires  (AGRC) ;  avec  obligation statutaire  de  dévouer  ses  bénéfices  nets  à  une  association  locale  à  but  non  lucratif,  consacré  au développement durable de l’agriculture bio, l’agroforesterie et les plantes médicinales, regroupant, notamment,  les  AGR  impliquées  (producteurs  et/ou  cueilleurs  de  plantes).  Notons  que  cette association  peut  être  membre  ou  fraction  autonome  d’une  Association  de  Développement Communautaire local ou d’une Association de Gestion Locale Communautaire : elle est partie d’un tout  qui  doit  s’efforcer  d’organiser  une  synergie  interne  et  externe ;  autonome,  à  terme  du  PSI ;

notamment avec les PTF et les autorités administratives.

 

Les  AGRC  gèrent  les  infrastructures  et  les  équipements  nécessaires  à  la  fabrication  de produits valorisant ceux des AGR – une sorte de secteur secondaire de l’économie locale, en somme – avec des obligations, statutaires encore, d’assurer prioritairement, dans leurs charges d’exploitation, l’amortissement de ce capital fixé. Infrastructures et équipements impliquent situation foncière et les bailleurs ne consentent, avec raison, à financer ceux-là qu’une fois assuré le caractère durablement communautaire de celle-ci. Acquis, dans le cadre public (jusqu’à éventuelle privation), ce caractère a la  fréquente  lourdeur  d’entraîner  toute  une  machinerie  administrative  grevant  lourdement  le budget.  On  peut,  certes,  concevoir  des  AGRC  de  type  économie  mixte  où  l’État,  propriétaire  du foncier,  n’est  qu’un  membre,  parmi  d’autres,  du  Conseil  d’Administration  (CA),  laissant  la  gestion effective    à  un  tiers  local,  comme  l’association  à  but  non-lucratif  susdite,  par  exemple.  Mais  ce caractère communautaire du foncier peut être également assuré par n’importe quel propriétaire, via Immobilisation Pérenne de la Propriété (IPP) de la parcelle impliquée. C’est ce procédé, facilement mis en œuvre et particulièrement sécurisant,  que le PSI met en avant.

  

Universellement  connu,  dans  les  sociétés  musulmanes,  sous  l’appellation  « waqf » (immobilisation, en français), l’IPP consacre le droit de tout propriétaire, public ou privé, personne physique  ou  morale  –  en  tout  cas,  légal  –  d’un  bien  précisément  défini,  à  en  déclarer  la  valeur perpétuellement  incessible  et  inaliénable,  qui  devra  être  gérée,  selon  les  modalités  expressément notifiées dans l’acte fondateur de l’IPP, au profit d’une œuvre communautaire de son choix. Tout rajout au fonds en suit systématiquement le statut et c’est la valeur ainsi augmentée qui devient le capital  à  perpétuer :  l’IPP  est  donc  un  système  d’accumulation  de  valeurs  au  service  d’une communauté. Un CA supervise la gestion. Dans le cadre du PSI mis en œuvre par la PREFIMEDIM, chacun  de  ces  CA  est  invariablement  composé  de  cinq  membres.  Deux  sont  inamovibles : le propriétaire du foncier (ou son représentant) et le bailleur des équipements (ou son représentant) ; et forment la  « minorité de contrôle » qui choisit l’association locale à but non-lucratif destinataire des  bénéfices  nets.  Désignés  par  cette  association,  les  trois  autres  membres  du  CA  forment  la « majorité  agissante »,  libre  donc  de ses  mouvements,  à  condition  de  bonne gestion,  vérifiable, à tout instant, sur audit indépendant commandé par la minorité de contrôle.

 

L’État facilitateur

Sept sites, répartis sur cinq régions, ont été ainsi retenus, suite à l’engagement volontaire de leurs populations à participer au PSI. Dans trois cas sur sept, ce sont des structures communautaires (village, jama’a, coopérative) qui ont délimités et mis en IPP le terrain dévolu aux activités de leur AGRC.  Dans  les  quatre  autres,  ce  sont  des  particuliers  qui  ont  tous  ce  point  commun  d’être unanimement reconnus, par la population locale, comme les exploitants de si longue date du terrain en  question  que  nul  ne  s’aviserait  de  leur  en  contester  la  propriété.  Mais  les  documents  officiels manquent, parfois. L’État doit donc maintenant entrer en scène pour valider rapidement la propriété du sol et consolider ainsi le processus de communautarisation de son usufruit, via l’IPP. Ce faisant, l’association  prend  langue  avec  l’administration  décentralisée :  c’est  le  début  du  processus  de partenariat État-SOC par la base, au plus près des gens, à leur demande. En plusieurs cas, ce dialogue est déjà largement en cours, parfois depuis des années, grâce au travail  d’ONG  nationales.  Quatre  d’entre  elles  sont  d’ailleurs  partenaires  du  PSI,  avec  mission d’assurer, pendant deux ans, l’incubation de l’autonomie (renforcement des capacités) de l’une ou l’autre  des  sept  associations  locales  appelées  à  gérer  leur  AGRC  respective.  Un  appui particulièrement efficace, on le voit notamment à Samba Kandji (commune de Gouraye, Guidimakha) où  les  investissements  de l’ONG  ADIG,  appuyés,  depuis  2002,  par  la  coopération  allemande,  dans l’établissement et le suivi de l’Association de Gestion Locale Communautaire (AGLC) de Moudji-Sud, un des fleurons du Pro-GRN de la GIZ, ont tissé de puissants comportements coopératifs, entre les divers  services  déconcentrés  de  l’État  (commune,  moughataa,  wilaya)  et  la  Société  civile  locale. Ailleurs, ce peut être moins évident. Raison de plus de mettre les bouchées doubles, en instaurant, sans  tarder,  une  dynamique  de  convivialité  maximale.  Dans  quelle  mesure  des  actions  en  aval,  à Nouakchott, au niveau national, sont-elles à même de la booster ? 

 

L’interrogation se pose surtout lorsque l’action visée est à l’initiative de la Société civile. Elle acquiert une acuité singulière dans l’établissement d’AGRC dont le but économique se partage en deux fonctions essentielles : en un, offrir des débouchés et/ou plus-values aux AGR locales ; en deux, doter  la  Société  civile  locale  en  revenus  réguliers,  lui  permettant  d’assurer  ses  plus  basiques fonctions  écologiques  et  sociales.  Il  y  a  plusieurs  niveaux  d’actions, toutes utiles,  certaines nécessaires. Si leur ordre de priorité et d’urgence varie en fonction des enjeux écologiques et sociaux de l’AGRC, la définition de son cadre règlementaire est une exigence d’autant plus impérative.

 

Le  PSI  de  la  PREFIMEDIM  est,  à  cet  égard,  particulièrement  significatif.  Comme  on  l’a  dit tantôt, la gestion des plantes médicinales réunit deux préoccupations essentielles : la protection – exploitation  durable  –  de  l’environnement  et  celle  de  la  santé  des  gens.  Si  la  première  paraît localement  assez  abordable  –  la  réussite  du  ProGRN  en  témoigne  –  la  seconde  fait  appel  à  des compétences plus difficilement accessibles, en brousse : combien de charlatans, dans tout le pays, pour combien de tradipraticiens réellement savants ? Il y a donc nécessité de cadrer un marché où le paramètre de la toxicité, certes variable, est incontournable.   

 

On a abordé cette question en limitant, tout d’abord et expressément, la vente des Plantes Médicinales (PM), au niveau des AGRC du PSI, aux seuls professionnels et institutionnels membres d’une  structure  agréée  par  L’État  mauritanien  :  centre  de  santé,  association  professionnelle  de tradithérapeutes, ordre de médecins et de docteurs vétérinaires, institutions onusiennes et autres organismes internationaux spécialisés, comme le Croissant ou la Croix rouge… On a même renforcé cette  limitation,  en  n’accordant  le  label  PREFIMEDIM  qu’à  des  plantes  et  produits  vérifiés,  à Nouakchott, par une AGRC centralisant toutes les expéditions en provenance des AGRC locales. Cette AGRC, dénommée « Centre de Commercialisation Communautaire de Plantes et produits Médicinaux (3CPM),  est  le  nœud  vital  du  système  PREFIMEDIM.  C’est  précisément  à  partir  de  là  que  l’État mauritanien est appelé à construire son action régulatrice. 

 

La pharmacovigilance au cœur de la filière

En  lui  demandant  de  mettre  en  IPP  un  peu  moins  d’un  hectare  de  foncier  viabilisé,  en banlieue de Nouakchott, où vont être bâtis les locaux de la PREFIMEDIM et du 3CPM, l’association place en effet l’État, propriétaire du fonds, en membre inamovible du CA de l’AGRC, formant, avec le représentant  du  bailleur,  la  minorité  de  contrôle  sur  la  gestion  de  l’IPP.  Nous  avons  proposé,  en divers documents en cours d’examen au Ministère des Finances et à la Direction de l’Urbanisme, que cette représentation de l’État soit confiée à la Direction de la Pharmacie et des Laboratoires (DPL), organisme public le plus approprié, semble-t-il, pour suivre les activités de commercialisation d’une filière de plantes médicinales.   

 

 AGRC  au  bénéfice  de  l’association  PREFIMEDIM  qui  en  assure  la  conduite  –  elle  est majoritaire au CA de celle-là – sous surveillance de la minorité de contrôle susdite, le 3CPM est donc également  un  administrateur  de  biens  communautaires.  Nous  plaidons,  auprès  du  Ministère  des Finances, pour que cette conjonction place systématiquement une AGRC en statut d’utilité publique, exonéré d’impôts. Je dis bien l’AGRC et non pas l’association qui la gère. Celle-ci peut se révéler, en cette tâche, objectivement défaillante et la minorité de contrôle aura alors à la remplacer par une autre structure à but non-lucratif également dédiée à l’exploitation durable des plantes médicinales. Il faut donc bien distinguer les deux structures. Le CA où siège l’État n’a pas à intervenir dans les activités de l’association, notamment dans son utilisation des ressources allouées par l’AGRC, mais seulement à veiller à la bonne gestion de celle-ci par celle-là. 

 

En  l’occurrence  du  3CPM,  on  voit  immédiatement  en  quoi  l’aide  de  la  DPL  peut  être précieuse, dans la détermination progressive des meilleures règles de commercialisation des plantes et produits médicinaux, qui seront rapidement répercutées, via la PREFIMEDIM, au niveau le plus local, tandis que le processus administratif, le long des circuits du Ministère de la Santé, suivra son cours spécifique, à son rythme. La notion de flux d’informations ici sous-tendue est capitale. Ce n’est qu’une  fois  intégrée  la  réalité  de  la  diversité  de  ces  flux  qu’une  régulation  efficace  de  la  filière devient possible. 

 

 

 

L’IPP, service tous azimuts

Les Canadiens ont beaucoup exploré cet aspect en développant leurs « tables-filières » où tous  les  partenaires  potentiels  d’une  filière  quelconque  –  du  producteur  au  consommateur,  en passant,  non  seulement,  par  tous  les  intermédiaires  mais,  aussi,  tous  ceux  qui  en  subissent  les impacts collatéraux – sont amenés à en discuter périodiquement, du plus local au plus global. S’il n’est pas question, en un si bref dossier, de détailler cette organisation, notons simplement ce que le concept IPP peut lui apporter de cohésion. Nous avons dit, tantôt, que le 3CPM, AGRC fournisseur, à Nouakchott,  de  plantes  et  produits  médicinaux  aux  seuls  professionnels  et  institutionnels,  est l’organe  gestionnaire  d’un  terrain  d’un  hectare  mis  en  IPP  par  l’État  mauritanien.  Le  caractère désormais  incessible  et  inaliénable  du  bien  ainsi  constitué  –  et  de  tous  ces  rajouts,  notamment immobiliers et, éventuellement, mobiliers –  ouvre de très grandes perspectives, non seulement nous l’avons vu, pour le secteur associatif mais, aussi, pour le secteur privé susceptible de tirer profit de la filière.

 

L’exemple  suivant  suffira  à  s’en  convaincre.  Soit  une  société  anonyme  dévolue  à  la fabrication  et  à  la  vente  grand  public  de  médicaments  à  base  de  plantes.  Tout  naturellement intéressée aux produits mis en vente par le 3CPM, elle a tout intérêt à installer son usine au plus près de celui-ci. Le plus coûtant, en telle proposition, est la construction et l’équipement de l’usine. Mais il n’est pas nécessaire que cette fixation du capital soit à la charge de ladite société qui peut fort bien se  contenter  d’en  supporter  la  location,  si  le  bien  ainsi  constitué  est  assuré  d’incessibilité  et d’inaliénabilité, qualités fondamentales, au demeurant, de l’IPP.  Ladite société présente alors, au CA  du  3CPM,  un  plan  chiffré  de  ses  nécessités  immobilières  et  mobilières,  intégrant  le  coût  de  leurs amortissements. Agréé, ce plan est présenté aux bailleurs de l’IPP. Un montant objectif de location est  négocié,  à  partir  d’un  plancher  fondamental  –  le  coût  annuel  des  frais  d’entretien (amortissements)  du  capital  ainsi  ajouté  à  l’IPP,  intangible  priorité,  rappelons-le,  du  concept  –  en pourcentage sur les bénéfices nets attendus de l’usine. 

 

On voit ainsi comment peuvent se retrouver réunies, sur à peine un hectare et en relation étroite avec la DPL, un certain nombre d’activités particulièrement sensibles du secteur de la santé. Des associations professionnelles, comme l’Association des PHARmaciens de Mauritanie (APHARM), l’Association  des  Tradipraticiens  de  Mauritanie  (ATM),  l’Ordre  des  Médecins,  l’Ordre  National  des Docteurs  Vétérinaires  (ONDV),  voire  des  sociétés  publiques  ou  parapubliques  impliquées  dans  le domaine, peuvent être amenées, elles aussi, à présenter un dossier d’installation sur l’IPP 3CPM : un hectare, ce n’est pas peu ; et peuvent facilement se retrouver à la PREFIMEDIM qui y tient siège. La table-filière,  au  niveau  national,  se  met  peu  à  peu  en  place…  Notons  également  que  tous  ces partenaires  potentiels,  personnes  physiques  ou  morales,  sont  évidemment  invités  à  entrer  dans l’association PREFIMEDIM qui prévoit d’organiser, dans le cadre de son PSI, des débats approfondis entre tous ses membres, pendant dix-huit mois, à partir d’Octobre 2019.

 

Une boucle pérenne entre le local et le global

L’entrée  à  la  PREFIMEDIM  nécessite  l’implication  dans  un  de  ses  six  secteurs  d’activité  : production-récoltes,  commercialisation,  recherche,  biodiversité,  formations,  information.  Au  cours des débats susdits, chaque secteur aura à concevoir un plan quinquennal d’actions (PST5-G1, 2021-2025)  qui  fera  suite  à  l’actuel  PSI  (2017-2021).  Après  synthèse  des  six  secteurs,  le  PST5-G1  sera présenté aux bailleurs, lors de la grande Quinzaine de coms, à Nouakchott, appelée à clôturer le PSI, au  cours  du  premier  trimestre  2021.  Sans  entrer  dans  les  détails  de  l’organisation  interne  de  la PREFIMEDIM, disons simplement qu’elle est basée sur l’autonomie coopérative où chaque secteur est  amené  à  gérer,  trimestriellement,  son  propre  budget.  La  remarque  est particulièrement pertinente  pour  le  secteur  «  production-récoltes  »  où  chacun  des  sept  sites  du  PSI  sont obligatoirement  représentés,  via  leur  association  respective,  et  leur  collectif  (dont  le  nombre  de membres  est  évidemment  appelé  à  augmenter,  au  fil  des  programmes  stratégiques  successifs), détient, obligatoirement, une majorité décisive, dans les débats  de leur secteur : le point de vue des producteurs-cueilleurs est une donnée incontournable de l’association PREFIMEDIM. D’autant plus incontournable, d’ailleurs, que chacun des sites va entamer, en même temps que celle-ci, les études de  son  propre  programme  stratégique  quinquennal  (PST5-L1),  avec  l’appui  de  l’Association Mauritanienne de Suivi-Évaluation (AMSE) – partenaire du PSI – et le présentera aux bailleurs, lors d’une journée spécifiquement dédiée au local, au cours de ladite Quinzaine de coms à Nouakchott. Et ainsi de suite, de PST en PST…

 

Centré sur la réalisation concrète de la filière, le PSI réunit de nombreux autres éléments de discussion objective. L’État, membre inamovible de l’AGRC centrale – le 3CPM à Nouakchott – qui assure  le  fonctionnement  basique  de  l’association,  y  installe  notamment  le  regard  du  ministère chargé de la santé publique. Mais il peut être également présent à l’intérieur même de l’association, en  y  déléguant,  en  tel  ou  tel  secteur,  tel  ou  tel  représentant  de  ses  divers  autres départements variablement intéressés par la filière : environnement, éducation, agriculture, élevage, commerce,  finances,  etc.   La  réunion,  chaque trimestre,  du  CA  de  la PREFIMEDIM, autour  de  son Bureau  Directeur  (BD),  et  la  publication,  en  suivant,  sur  www.prefimedim.com,  des  rapports  de chaque secteur et de celui du BD, génèrent un d’autant plus puissant brassage d’informations, entre le local et le global, que les trois composantes essentielles du développement durable : l’État, les PTF et la Société civile, tant locale que nationale ; en sont parties prenantes, actives, à partir de réalités concrètes, objectivement discutables.

 

Deux processus inverses d’intervention vont ainsi à la rencontre : celui, classique, émanant du dialogue État-PTF, variablement bien compris et accepté par la Société civile ; celui, relativement inédit,  joignant  la  Société  civile  et  les  PTF,  variablement  compris  et  accepté  par  l’État ;  et  cette rencontre anime la seule dynamique absolument indispensable au développement durable : la ferme connexion  entre  l’État  et  la  Société  civile,  distinguant,  nettement,  les  activités  à  but  non-lucratif, prioritairement soucieuse de durabilité, des activités à but lucratif, prioritairement préoccupées de rentabilité. L’originalité du projet PREFIMEDIM tient à ce que ces deux types d’activités, trop souvent vécues  en  antinomie,  sont  maintenant  pensées  en  symbiose,  à  partir  d’un  principe  simple :  un système  n’est  durable  qu’en  ce  qu’il  est  rentable  et  rentable  qu’en  ce  qu’il  est  durable.  C’est  ce qu’entend révéler le schéma suivant.

 

 

Un modèle modulable et aisément inclusif

Matrice de la filière, le PSI  n’a pu démarrer que par la mise en branle du tandem PTF-OSC nationale  (UE-PREFIMEDIM,  en  l’occurrence),  avec  pour  mission  première  de  former  les  couples « OSC locales- AGRC locales », avant de mobiliser l’État dans l’établissement de l’AGRC globale (le 3CPM).  Études  botaniques  au  plus  local,  en  amont ;  formations  techniques  et  administratives,  au niveau des AGRC ; Observatoire Permanent du Marché de Plantes et produits Médicinaux (OPMPM), en  aval,  à  Nouakchott ;  complètent  le  processus  fondateur.  Suivent,  dans  un  second  temps,  les programmes sociaux, en chacun des sept sites : programme pédagogique, engageant les élèves de l’enseignement  profane  (primaire,  collège,  lycée)  et  sacré  (mahadra)  à  la  découverte  et  à l’exploitation  durable  de  leur  biotope,  un  programme  suivi  et  évalué  par  les  ministères  de l’Éducation et de l’Enseignement originel ; programme agrobio, formant les femmes maraîchères aux techniques fondamentales de l’agriculture biologique et à la culture de diverses PM, suivi et évalué par  le ministère  de  l’Agriculture ;  Santé-PM et PM-Vétérinaire,  initiant  un  processus  de  soins,  aux hommes et au bétail, suivi et évalué par les ministères de la Santé et de l’Élevage ; Répertoire et

Redéploiement  de  la  Biodiversité  Médicinale  en  Mauritanie  (2RB2M),  enfin,  mobilisant  toute  la population  à  la  comptabilisation  et  à  l’enrichissement  de  leur  capital  phytomédicinal  local,  avec l’appui de scientifiques de l’ENES et de la Faculté des sciences, suivi et évalué par le ministère de l’Environnement  qui  devrait  probablement  le  prendre  sous  sa  gouverne –  à  terme  du  PSI,  nous l’espérons – afin de lui donner sa pleine dimension nationale.

 

La  filière  de  plantes  médicinales  n’en  reste  pas  moins  un  petit  marché  en  Mauritanie, actuellement limité, au niveau national, à quelques dizaines de tonnes par an, alors que la capacité productive raisonnable – c’est-à-dire, respectueuse de la ressource – est dix à vingt fois supérieure à la demande. Si l’on veut maintenir des prix garantissant la traçabilité et la qualité des produits, tout au long de la chaîne – production, cueillette, séchage, conditionnement, contrôle qualitatif - il faut donc  faire  preuve  de  prudence,  dans  l’ouverture  de  nouveaux  sites  associées  à  la  filière,  toujours adaptée  à  l’évolution  du  marché  en  aval.  Les  possibilités  en  ce  sens  sont  grandes :  fabrication  de médicaments  et  cosmétiques,  huiles  rares,  semences  dynamisées,  au    niveau  des  produits,  et,  au niveau  commercial,  compétitivité  croissante  à  l’international.  Une  compétitivité,  notons-le  en passant, qui exige un souci constant de qualité, conditionnée, comme nous venons de le rappeler, par la fermeté des prix le long de la chaîne… Remplaçons maintenant PM par miel bio ou quelconque autre produit de l’exploitation du biotope. Le schéma reste opérationnel. En ce qui concerne le miel, par exemple, la qualité du produit dépend beaucoup de celle des équipements de la miellerie qui doit pouvoir extraire, à froid, dans les meilleures  conditions  d’hygiène  possible  (pureté  de  l’eau,  locaux  hors  poussière,  nettoyage méticuleux des surfaces  de travail et des outils, etc.), la substance précieuse, en en préservant au mieux  toutes  les  vertus.  On  voit  immédiatement  l’intérêt  à  bâtir  cette  miellerie  sur  terrain  IPP, protégeant ainsi son capital fixe, éventuellement financé par un PTF institutionnel de la Mauritanie, dans un cadre AGRC ou privé (et, en ce dernier cas, seulement locataire des lieux, comme expliqué tantôt).  Le procédé est souple et admet de nombreuses variantes.

 

Un rapport gagnant-gagnant pour toutes les parties

En  tout  cela,  l’État  n’est,  a  priori,  jamais  sollicité  financièrement.  Il  est  même  amené  à recevoir  des  revenus  du  système,  sitôt  que  les  AGR  atteignent  un  niveau  suffisant  de  bénéfices. Gorgé  d’informations  en  provenance  de  tous  les  acteurs,  à  quelque  niveau  de  la  filière,  le  voilà maintenant  d’autant  mieux  à  même  d’affiner,  à  moindre  coût,  des  plans  globaux  d’intervention précisément  adaptée,  avec  les  PTF.  Notamment  dans  le  choix  des  lieux  à  placer  en  IPP,  son  seul apport  concret  au  système,  a  priori,  avant  de  moduler  de  pertinentes    directives  réglementaires (décrets, lois, circulaires, etc.), en aval des diverses expérimentations de la Société civile.  Assurée de revenus réguliers, grâce à l’activité des AGRC exonérées d’impôts, la Société civile à buts non-lucratif se stabilise et remplit efficacement son rôle de relais permanent, entre le global et le local, dans l’établissement du développement durable. Mieux connu, le biotope est non seulement mieux exploité mais mieux protégé ; enrichi, même ; par  ceux-là mêmes qui y vivent en permanence et  en  tirent  un  réel  profit.  Protégées  par  l’IPP,  les  AGRC  fabriquent  un  solide  réservoir  de capitalisation équipementière et technique, développant le secteur  secondaire local et national, avec de réelles et rapides retombées  sur les gens ; et sur le secteur tertiaire, bien sûr, notablement pourvu en nouveaux produits de qualité suffisamment garantie pour participer au commerce mondial.

 

Un rapport gagnant-gagnant pour toutes les parties ? Il faudra bien entendre le filigrane : une telle  approche,  systémique  en  son  ensemble,  est  de  nature  à  porter  préjudice  à  l’organisation fragmentée et sectorielle de l’économie. De gros intérêts, attachés – pour ne pas dire garrottés – à une  gestion  quantitative  du  développement,  devraient  souffrir  de  l’essor  des  nouveaux  modèles holistiques dont celui de la PREFIMEDIM n’est qu’un exemple, parmi d’autres. Guerre, donc, encore et  toujours,  du  pot  de  fer  contre  le  pot  de  terre ?  Des  paramètres  émergents  –  détérioration écologique  de  la  planète,  conséquences  sociales  des  crises  financières,  en  particulier  –  plaident cependant pour des négociations. Les grands de ce monde sauront-elles les préférer au traditionnel « On casse tout et l’on recommence » ? Mais le risque, grandissime aujourd’hui, de la conclusion de l’« On casse tout » par un funèbre « Game over » laissent-ils même le choix ?

 Ian Mansour de Grange