Les écoles privées Noujoum : Le défi de l’excellence

19 July, 2018 - 10:19

Cela fait juste une année que les écoles privées Noujoum (préscolaire, primaire et secondaire) se sont mises au travail,« quasiment à partir de rien », comme a tenu à nous le préciser leur président de Conseil d’administration, Mohamed El Mokhtar Ahmed Rabani. L’établissement  renaissait des cendres de Bourj El Ilm, une école turque que l’État mauritanien avait décidé de fermer, en lui retirant le récépissé, pour des considérations politiques ici hors de propos. Il s’agissait de  ne pas laisser tomber à l’eau un amoncellement d’expériences et de pratiques pédagogiques réalisé par Bourj El Ilm. Septembre 2017, le ministre de l’Éducation convoque des représentants du bureau des parents d’élèves pour leur notifier la décision officielle de procéder à la fermeture de l’école. Mohamed El Mokhtar Ahmed Rabani, alors président de ce collectif, et quelques autres proposent au ministre de continuer la mission. À moins d’un mois du démarrage de l’année scolaire, ils n’ont alors que la volonté et la détermination de ne pas baisser les bras, face à un si grand défi, pour éviter le renvoi dans la rue de centaines, voire milliers d’élèves et la mise au chômage de plusieurs dizaines d’instituteurs, professeurs et administrateurs. Si, à l’instar de ce que  disait Valery Giscard d’Estaing de la France qui « n’a pas de pétrole, mais des idées », ceux qui se sont proposé à sauver cette école se sont creusé la tête à juste murir l’ambition de réussir leur pari pédagogique, avant de penser à de très aléatoires retombées économiques. Et, de fait, l’année scolaire 2017/2018 connut  un important déficit financier, atténué par quelques succès scolaires, ici et là par certains élèves : comme le bon classement de l’un d’eux, aux Olympiades, ou la meilleure note au concours d’entrée en sixième de la wilaya de Nouadhibou.

 

Des écoles aux normes

Me voici frappant à la porte pour mon reportage. C’est un homme respectable, assis sur une chaise, qui m’accueille. Et à peine quelques mots échangés, nous nous reconnaissons. Vieille sommité de l’Éducation nationale, Demba Malick Gnokane fut, pendant plus de vingt ans, le directeur administratif et financier de ce ministère, après avoir été de la première promotion de l’Ecole normale supérieure de Nouakchott. C’est, aujourd’hui, en directeur de l’école fondamentale de Noujoum qu’il me fait visiter l’établissement. Au premier palier, les classes primaires. Plus d’une dizaine de divisions pédagogiques. Au second et troisième, le secondaire. Toutes les classes sont équipées de jolies tables, bureaux pour enseignant, tableaux noirs et d’armoires. L’établissement dispose aussi d’une unité de reprographie, d’une bibliothèque et d’une vaste salle de conférence. Dans tous les couloirs, des caméras de surveillance scrutent et enregistrent les mouvements des élèves. Le responsable de la gestion de la cabine de surveillance se trouve devant moi pour je ne sais pour quelle raison et m’en explique son fonctionnement. Les services de comptabilité, les toilettes pour enseignants et élèves particulièrement propres, les bureaux du président du Conseil d’administration, des directeurs des établissements et du coordinateur pédagogique, les cours de jeux et de récréation, tout me prouve que les écoles sont aux normes. Même en période de vacances, deux femmes de ménage nettoient les couloirs.

Le « doyen Gnokane », comme tout le monde l’appelle, me fait visiter le réfectoire où mangent enseignants et élèves. Entre deux verres de thé, l’ancien DAF du MEN retraité depuis dix-huit ans et reconverti en directeur d’école, m’entretient de la discipline très rigoureuse que les responsables de l’école imposent aux élèves. Comme l’obligation de porter une tenue uniforme que l’école leur distribue ou de se présenter à l’heure, pour ne plus quitter l’école qu’avec un des tuteurs dûment reconnus par le personnel des établissements. Ou le pointage imposé aux enseignants et à tout le staff administratif, chaque jour ouvrable, entre 7h50 et 14h30. « Chaque lundi », m’explique le doyen,« tous les élèves du fondamental s’alignent dans la cour de l’école, pour chanter l’hymne national dont la récitation est obligatoire. Les autres jours, ces élèves n’entrent pas en classe avant d’avoir écouté les conseils du jour, prononcés par un de leurs camarades ». Les écoles disposent aussi d’une infirmerie, tenue par une infirmière diplômée qui monte régulièrement, comme tout le personnel. Ouvrant, de part et d’autre, sur deux grandes cours séparées par un mur, la boutique scolaire permet, aux élèves de tout l’établissement, de s’approvisionner en tout, leur évitant de sortir dans la rue aux heures de récréation.

 

Déjà de bons résultats

Ouvertes, comme on l’a dit tantôt, au cours de l’année scolaire 2017/2018, les écoles Noujoum comptent une école préscolaire, contigüe aux anciens locaux de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) ; un collège pour les filles, aux environs de Big Market ; une école fondamentale, un lycée et un collège pour garçons, à quelques encablures de la nouvelle ambassade des États-Unis d’Amérique. Ces établissements sont fréquentés par 667 élèves. Les écoles Noujoum sont aussi ouvertes à Nouadhibou, avec une école fondamentale et un établissement secondaire. Cette année, le taux de réussite, à l’entrée en sixième, est de 100% : les 34 élèves des deux sixièmes années sont tous admis, avec des notes variant entre 93 et 174 points/200. Seuls trois élèves n’ont pas dépassé la barre des cent points. Le premier de tous les candidats de Nouadhibou (sixième au classement national) est un élève de Noujoum. Une élève a gagné le prix du président de la République, en mathématiques, et participé au troisième tour des Olympiades (sciences) de cette année. Pour ce qui est des résultats aux autres examens nationaux, notamment le BEPC et le baccalauréat, les responsables pédagogiques de Noujoum sont très optimistes  et s’attendent à ce que leurs élèves réalisent de bons scores. Et ils n’ont pas été déçus. Au bac C, tous les élèves ont été admis sauf un seul avec une moyenne de 8,95 qui passera la session complémentaire. Même chose au bac D sauf que cette fois, ce sont cinq qui passeront la session avec des moyennes de 8,21 à 8,51. Au brevet, 70 élèves sur 75 ont été déclarés admis.

 

Encore des défis

Au départ, l’idée même de fonder les établissements privés Noujoum constituait une véritable aventure. Comme tient à souligner le président de leur Conseil d’administration, «nous avons traversé, au début, une période très difficile. Mais nous étions tous déterminés à relever le défi. Face aux difficultés d’un point d’ancrage, obtenir des agréments et de l’argent, pour poursuivre le travail professionnel déjà entamé par des turcs qui avaient, quoiqu’on dise, beaucoup investi dans les infrastructures et les équipements ; face aussi à l’hostilité de certaines écoles privées nationales, nous avons opposé le courage et l’ambition de participer à l’émergence d’une autre méthode d’enseignement privé en Mauritanie, un secteur important, utile et nécessaire de l’opération pédagogique. Renforcer, en particulier, l’enseignement des langues et rompre avec cette fâcheuse idée qu’ont les élèves de considérer certaines matières secondaires par rapport à  d’autres. Promouvoir et systématiser la formation continue de nos enseignants, structurer le contrôle des connaissances, via des instruments de surveillance et un mode d’examen indépendant de l’équipe d’encadrement. Réfléchissant à des méthodes modernes inspirées des expériences d’autres pays, comme le Japon, la Norvège ou d’autres, pour booster les intelligences de nos élèves, nous restons constamment à la recherche des meilleurs partenaires, pour garantir l’excellence de nos écoles », conclut le président. 

Sneiba