M.Cheikh Ould Jiddou, membre fondateur du Mouvement du 25 février, activiste politique et expert en droit : ‘’L’opposition a enfin compris que le boycott systématique lui a coûté cher’’

19 July, 2018 - 10:24

Le Calame : Les mauritaniens s’apprêtent à aller aux urnes mais sans consensus entre la majorité et l’opposition  qualifiée de « radicale » (FNDU et RFD) qui a tout de même décidé de participer aux élections. Que vous inspire cette situation ?

 

Cheikh Ould Jiddou : Je tiens avant tout à saluer la décision de participation de l’Opposition à ces scrutins. Elle a enfin compris que le boycott itératif –pour ne pas dire systématique- a coûté très cher à ses principaux acteurs et à leurs bases électorales. Le parti islamiste Tawassoul, lui, l’a bien compris en 2014 et a été le seul parti de cette Opposition à participer aux dernières élections municipales et législatives. Je salue également l’ouverture d’esprit du président du RFD, Ahmed Ould Daddah, qui a cédé à la pression des cadres de son parti qui militaient, malgré son refus à lui, en faveur d’une participation à ces scrutins dépassant ainsi ce « bras de fer » avec le pouvoir en place.

 

Quant à votre question, je pense qu’avec les prochaines échéances électorales qu’elles soient régionales, législatives, municipales (2018) ou encore présidentielle (2019), la Mauritanie s’apprête à vivre les plus féroces et les plus animées des batailles électorales depuis l’indépendance. Chaque voix comptera et chaque choix de candidat pèsera dans l’urne. Je pense également que ces consultations électorales et les résultats qui en découleront vont renforcer l’Etat de droit en Mauritanie. Elles contribueront, enfin, à la naissance d’un Etat où les institutions règnent véritablement. C’est du moins mon souhait.

 

Cette partie de l’opposition  a remis  en  cause la légalité pour ne pas dire la légitimité du directoire de la CENI mise en place à cet effet. Ces coups de griffes ne pourraient-ils pas  affecter la crédibilité des scrutins de septembre ? A votre avis,  pourraient-ils   être  transparents  et crédibles ?

 

S’agissant de la première partie de votre question, je dirai que c’est un risque effectivement mais il me semble que le pouvoir en place cherche à y remédier. On parle déjà du remplacement du président de la CENI et j’espère que ce faisant, le Président songera à « équilibrer » ce directoire en remerciant notamment certains membres pour y introduire des personnalités plus consensuelles, plus compétentes et moins partisanes pour ne pas dire courtisanes. Il faut éviter le piège de la contestation liée à cet aspect et couper l’herbe sous les pieds d’une Opposition qui avance des arguments tout à fait défendables. Ce qui permettra aussi aux scrutins de se dérouler dans une atmosphère plus détendue. Et quels que soient les résultats des urnes, la démocratie en Mauritanie n’en sortira que victorieuse.

 

Une autre mesure donnera plus de crédibilité aux scrutins : la prolongation du Recensement à Vocation Electorale (RAVEL) jusqu’à la mi-août au lieu de fin juillet. Cette mesure donnera à plus de citoyens mauritaniens la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales. Elle permettra également à l’Office National des Statistiques (ONS), à la CENI et aux partis politiques de mieux sensibiliser ces citoyens qui ne pensent actuellement qu’à l’hivernage et aux vacances.

 

Quant à la seconde partie de votre question, oui ces élections peuvent bien être transparentes et crédibles si la classe politique et le gouvernement prennent en compte tous ces paramètres et décident ensemble des meilleures voies et moyens qui garantiraient cette crédibilité et cette transparence. J’ose même croire que ces scrutins seront reculés pour mieux s’y préparer. C’est une probabilité qu’il ne faut pas perdre de vue.

 

Pensez-vous que l’opposition  pourrait tirer son épingle du jeu  malgré ses boycotts répétés ?

 

Comme je l’ai dit en réponse à votre première question, l’Opposition a réalisé que sa « stratégie du boycott » n’a que trop duré et qu’elle risque de perdre sa base électorale et ses cadres ambitieux et actifs dans la politique locale de leurs collectivités respectives. Ajoutons à cela, le risque que courent certains de ses petits partis de se voir, par la force de la loi, dissous puisqu’ils n’ont pas obtenu de sièges à l’assemblée nationale au cours des 3 dernières élections législatives.

 

Les plus grandes formations de l’Opposition, quant à elles, peuvent bien s’en sortir et obtenir des résultats plus qu’encourageants. Je pense au RFD, à Tawassoul, à l’IRA et dans une moindre mesure l’UFP.

 

Dans tous les cas, il est certain que les débats au sein de la prochaine assemblée nationale seront plus passionnés et plus contradictoires. Les conseils municipaux seront également plus colorés. Autant pour nous ! Pour ce qui est des élections régionales, l’Opposition a moins de chances de remporter des conseils régionaux pour ne pas dire d’y siéger.

Propos recueillis par DL