Mauritanie : début de campagne, on pense au mouton et non à la politique

22 August, 2018 - 11:48

La campagne pour les élections législatives, régionales et municipales prévues  le  01 septembre prochain  en Mauritanie,  a été officiellement lancée vendredi à 00 heure. Mais pour le moment,  elle ne mobilise pas encore  les foules. Un constat expliqué par  diverses raisons.
La particularité de cette nouvelle bataille électorale réside dans l’implication de l’opposition dite radicale. Il s’agit du  Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) et  du Forum National pour la Démocratie et l’Unité  (FNDU-vaste regroupement  de partis politiques, organisations de la société civile, centrales syndicales et personnalités indépendantes), qui
avaient boycotté les élections législatives et municipales de novembre/décembre 2013.
Signalons que le   RFD, le  FNDU et  le  Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (RNRD/TAWASSOUL/courant islamiste)-formation qui   avait  refusé la politique de la chaise vide en 2013, sont des entités traditionnellement dotées d’une grande capacité  de mobilisation.
Cependant, vendredi dernier, la foule n’était pas  nombreuse à la cérémonie de lancement de la campagne électorale au niveau des états-majors politiques.
A peine quelques centaines de responsables, cadres et militants avaient envahi le siège du RFD d’Ahmed ould Daddah,  situé à l’Ilot C près de la présidence.
Le public était plus important chez les islamistes de « TAWASSOUL » regroupés en face de l’ancienne Maison des Jeunes, sans cependant atteindre les niveaux habituels.
Constat identique dans les rangs de la majorité, notamment la grosse machine de l’Union Pour la République (UPR). Le parti présidentiel a donné le coup d’envoi de son show électoral au niveau de l’ancien aéroport de Nouakchott, en présence de  Mohamed ould Abdel Aziz. Mais là également, l’assistance  était visiblement  moins forte  que par le passé.
Cette désaffection du public  était particulièrement frappante  au démarrage de la campagne de l’Alliance Populaire Progressiste (APP), de  Messaoud ould Boulkheir, ancien président de l’assemblée nationale. Ainsi, avec le franc-parler habituel qui le caractérise, le vieux leader  haratine a exprimé sa profonde déception face un phénomène qui renvoie à l’érosion inexorable des rangs d’une formation de l’opposition historique « au discours  devenu trop modéré ces dernières années», selon l’avis de nombreux observateurs.
Au-delà de l’épisode  du lancement de  campagne, le manque d’intérêt persiste les jours suivants. On voit tout  juste quelques tantes vides à Tevragh-Zeina ,  un peu au Ksar. Mais dans les grands populaires à l’image de Sebkha (banlieue Sud/Ouest), c’est le désert.

 

            Explication par plusieurs facteurs

 

Face à un tel constat, les mauritaniens avancent quelques explications parmi lesquelles l’approche de la   fête de Tabaski - Eid El Kebir- qui préoccupe le grand public, dans un contexte de crise et de relative pauvreté.
Mais pour de nombreux  analystes, le mal est bien plus profond, dans un environnement où la politique est devenue un moyen d’ascension sociale, avec une caste de courtiers tenant un otage tout un  pays.
Moussa ould Hamed, ancien DG de l’agence gouvernementale d’information,  intègre « les préoccupations matérielles liées à l’approche de la fête ». Il ajoute cependant que « la véritable question de fond est liée au discrédit d’une classe politique qui ne fait plus rêver des citoyens désabusés par des promesses qui n’engagent que ceux qui écoutent les discours pendant la campagne électorale».

Un haut  cadre, préférant rester dans l’anonymat, enfonce le clou: « je n’ai même pas  pris la peine de m’inscrire sur les listes électorales. Vous pouvez voter pour qui vous voulez, mais dans un cadre dépourvu de transparence, ils proclameront toujours la victoire des alliés du pouvoir ».
Cependant, pour  Mohamed O. H, militant de l’UPR, « la campagne devrait prendre son rythme de croisière après la fête ».
En attendant, elle reste sans relief, insipide, et incolore.
           Cheikh Sidya, correspondant à Nouakchott.