Aleg : calcul faussé

13 September, 2018 - 00:32

Les résultats du premier tour des élections municipales, législatives et régionales sont désormais connus. À Aleg, l’Union Pour la République a remporté, sans coup férir, la mairie, avec plus de 67%. La proportionnelle a départagé les quinze postulants au poste de député, en accordant à l’UPR deux sièges et à Tawassoul un siège. Les trois élus : Elbou ould Guell’a (UPR), Lalla mint M’barek (UPR) et Taher ould Sid Mahmoud (Tawassoul) ; vont donc représenter Aleg au Parlement, pour la prochaine mandature. Après beaucoup de supputations et rumeurs souvent confuses, le candidat du Sursaut, El Hassen ould Mohamed Habib, présenté par le ministre de l’Équipement, Mohamed Abdallahi ould  Oudaa, doit ainsi se résoudre à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Pour Mohamed ould Ahmed Challa qui redevient, pour la deuxième fois, maire de la ville, les choses ont semblé très faciles, pour deux raisons : en un, ses adversaires n’étaient pas assez costauds pour le menacer ; en deux, la sympathie des populations alégoises à son égard, plusieurs mois après le décès de feu Sidamine ould Ahmed Challa, ne s’est pas encore émoussée. L’entrée « par hasard » au Parlement de Lalla mint M’barek, une sage-femme autochtone, n’est que justice, puisque la commission chargée, par l’UPR, de proposer les candidatures, n’a pas tenu compte des spécificités de cette ville, en termes de composition de la population. Il faut dire que l’interférence de puissants lobbies, parrainés par de puissantes personnalités locales, notamment des ministres du gouvernement, a beaucoup compté dans les choix des candidats, pour toutes les circonscriptions électorales de la région. C’est d’ailleurs l’un des facteurs qui expliquent qu’en certaines moughataas, comme M’bagne ou Boghé, l’UPR a été honteusement traîné en ballotage, malgré l’entrée en campagne de tous ses hauts cadres civils et militaires. Mais, comme on dit, le hasard fait parfois très bien les choses. C’est sur un coup de tête que le ministre de l’Équipement proposa une candidate pour la deuxième place à Aleg, sans trop tenir compte des critères objectifs qui auraient, normalement, dû prévaloir. Une manière, pour le ministre, de manifester son mécontentement, pour le choix de la tête de liste UPR à Aleg. Selon des sources généralement très informées, la direction du parti reçut, de « très haut », l’instruction de choisir une femme issue de la communauté harratine de la tribu Idjeijba. Exécution, donc. Mais, comme disent les militaires, réclamation après exécution. Normalement, le parti devrait imposer cette nouvelle décision à tous ses cadres et les instruire à travailler en conséquence, pour faire passer, sans problème, ses deux candidats. Cela va, comme l’aurait compris le Président, du raffermissement de la justice sociale et de la représentation de tout le monde. Mécontents, le ministre de l’Équipement et le tout nouveau chargé de mission à la Primature, Alioune Ould Issa, présentaient cependant des listes parallèles, aux législatives, via, respectivement, le Sursaut et Karama. L’un aurait déclaré que Lalla mint M’barek ne le représentait pas et l’autre comptait sur une popularité de plusieurs milliers d’électeurs, dans l’arrondissement de Male. Pendant toute la campagne, le groupe des ministres, conduit par Moktar ould Diay qui s’était pourtant beaucoup investi, lors des implantations, en dépensant des centaines de millions pour la « fabrication » des unités de base, n’a fait aucun effort, à Aleg, pour la liste UPR aux législatives. Le ministre de l’Économie et des finances s’employant à faire passer ses listes, dans la moughataa de Magta Lahjar, et celle du Conseil régional sur laquelle il avait placé son cousin. Et son collègue de l’Équipement, quoique complètement « noyé » dans la coordination de la campagne UPR du Trarza, surveillant, de très près, les modalités d’élection de « son » candidat Sursaut, ragaillardi par les déclarations du président Mohamed ould Abdel Aziz, lors de la réunion des cadres, organisée à l’occasion de sa visite à Aleg, pendant la campagne. Mis au courant du risque d’élimination de la candidate Lalla mint M’barek, Ould Abdel Aziz ordonnait alors, à Ould Issa, de suspendre sa liste, pour maximaliser les chances de l’élection de cette autochtone. Et de « demander », de surcroît, au candidat à la mairie, Mohamed ould Ahmed Challa, logiquement prêt à soutenir Ould Mohamed Habib, le postulant du Sursaut, de voter plutôt pour la liste UPR. Ces instructions présidentielles, fondées sur des renseignements fiables, ont ainsi permis de sauver l’image de la représentation parlementaire, dans le département d’Aleg où des querelles de clochers à senteur raciste et sur fond tribal risquaient de compromettre une volonté manifeste, hautement exprimée, de promouvoir l’unité nationale, à travers un partage équitable des postes électifs, et de contrecarrer, ainsi, le prisme réducteur de l’égoïsme accaparateur et privatif.

El Kory Sneïba