Le torchon brûle-t-il entre les compères ? Par Samba Thiam, président des FPC

28 October, 2018 - 19:17

Engager une polémique avec plus ‘’grand’’ que soi n’est pas sans risques tout comme affronter un aîné peut paraître déplacé . Mais que faire quand  les plus qualifiés  pour le faire  font profil bas et tournent casaque, au mieux,  louvoient, au lieu de croiser le fer ? 

Quoique Yehdih (Breideleil, Ndlr) soit mon adversaire idéologique déclaré, c’est quelqu’un que je le lis toujours avec respect, et auprès de qui j’apprends, toujours…Je suis admiratif de cette érudition, de cette  profondeur et de ce  style éthéré qui n’appartenait  qu’à lui. N’empêche, il m’apparait parfois développer une logique  paradoxale que l’on ne saurait ne pas relever. L’article ’’ faire  la paix avant  la guerre’’ paru récemment, sonnait comme une révolte contre le Président Abdel  Aziz ou, en tout cas, laisse sourdre une irritation, une sorte de colère contenue et… pourtant ! Et pourtant, au regard  des sentences tirées, ici et là, de ses articles precedents, au gré de mes lectures, le Président semble l’avoir suivi et appliqué à la lettre !

Je crois, au cours de ces neuf dernières années, que la politique nocive du président de la République s’est   inspiré largement  des ‘’conseils ’’ de cet intellectuel hors pair, érigé en conseiller occulte du Prince ;  qui ne parlait, généralement, qu’au peuple  maure, arabo-berbère, rien qu’à lui, et ne prenait la plume que dans les  tournants  historiques.. .

Lisez :

’L’Etat responsable ne peut dormir que d’un  oeil  pour s’assurer qu’il  n’est pas entrain d’être assiégé , et qu’un cheval de Troie peint aux couleurs de la paix et de la justice n’est pas installé au cœur de la forteresse ‘’. (Yehdih).

’Aucun Etat ne saurait compter  sur la bonté de ses voisins (…) sans s’exposer  à devenir l’objet de rivalités des  autres ,…’’(Yehdih)

*L’effet de ces sentences  a été d’engendrer la frilosité, l’inquiétude, la  méfiance extrême  voire l’hostilité développées  par  le Président à l’égard de nos  voisins Marocains et Sénégalais, et même Algériens ...

‘’La maitrise d’une crise (- entendez  entre États-)  ne consiste pas  nécessairement à la modérer, mais surtout à l’utiliser aux  fins d’une stratégie, c’est –à-dire  à  avancer dans  ses objectifs’’.(Yehdih)

- Celle-ci eut  pour effet dévastateur de cultiver  l’impossible relation apaisée avec le Maroc et le Sénégal surtout , malgré la politique  de ‘’balle à terre ‘’ de ce dernier.

‘’La politique pacifique de tout Etat conscient ne doit pas être trop ostentatoire’’ (yehdih)

*Prenant Yehdih au mot, notre Président se comporte comme un  va-en-guerre, permanent !

Le Pays est défendu tant que les frontières le sont ‘’ ; ‘(’…) le danger auquel fait face la Mauritanie est :  des groupes restreints traversant nuit et jour, en pirogue ou à la nage,  une frontière de plusieurs  centaines de kilomètres  de long, peu ou pas surveillée ‘’. (Yehdih)

D’où toutes ces  tracasseries excessives, ce calvaire de tous les jours que l’on fait endurer à tous ces Ouest-africains à la frontière sud, plus particulièrement.

‘’La Mauritanie est une destination privilégiée pour les Africains , soit  pour prospecter leurs chances d’y travailler soit pour  la traverser  vers le Nord …’’ (or) Nous sommes un pays de trois millions d’habitants  dont la configuration humaine et culturelle reste très sensible ‘’.(Yehdih)

Décodez : Si on laissait ces Africains venir et s’installer, c’en est fini de la Mauritanie culturelle majoritairement arabe, fini de l’équilibre culturel et démographique existant! N’allez pas chercher ailleurs la  source de la xénophobie ambiante que les mauritaniens, hospitaliers légendaires, ne connaissaient pas.

‘’Avec un taux de chômage de 35% tout apport supplémentaire (d’immigrants ouest-africains) signifierait inévitablement  retirer aux mauritaniens la nourriture de la bouche’’.(Yehdih), …d’où  cette  allergie qui s’exprime à tous les coins de rue , pour tout ce qui vient de l’Afrique noire et en particulier du Sénégal.

 ‘’Si l’état civil  n’est pas sécurisé  et fait l’objet de trafic  c’est qu’on est en pleine irresponsabilité la plus caricaturale ‘’. (Yehdih)

Décodez : Tous ces Négro-africains du Pays qui se prétendent mauritaniens avaient  obtenu leurs papiers d’état civil frauduleusement; il faut y mettre fin. .. D’où l’invention d’un Enrôlement biométrique, étranglé, pour réduire, drastiquement, leur poids démographique !

‘’ Que la langue arabe continue à être marginalisée et combattue avec la bénédiction de  l’Etat,  et  notre sort est scellé ‘’. Appel et Incitation explicites à plus d’arabisation que ce qui est fait ; il existe des poches de résistance à éliminer, coûte que coûte, pour arriver à l’assimilation forcée de cette minorité  négro-africaine …

 Comment au vu de l’application à la lettre de ses ‘’conseils’’ Yehdih  peut-il encore se rebeller contre son disciple ?

Sur  l’Azawad –sa passion-  voilà ce que Yehdih écrivait  il y a  peu de temps encore :

‘’ (… ) les drames , les injustices et les oppressions dont il (l’Azawad) a été victime  depuis 50 ans , sous nos fenêtres…’’ …. ’’l’ Azawad était une zone de non droit et l’État Malien ne s’y manifestait  que par l’injustice’’

‘’(…) que toute politique  concernant le devenir de notre pays ne peut ignorer l’Azawad…’’ .

Comment à partir de telles positions s’en prendre à un Président qui, justement, essayait de traduire tout ça en réalité  en déployant maintenant son armée, pour protéger les Azawadis, soutenir le Mnla ? Une stratégie, mise en œuvre dans des normes définies plus haut, par Yehdih lui-même, Avec pour finalité  d’étoffer la Mauritanie blanche, garantir sa pérennité, protéger son identité, en un mot, veiller à préserver justement , ‘’ces  trois millions d’habitants  dont la configuration humaine et culturelle (menacée)  reste très sensible ‘’ !

Que voulait donc le grand Maître, pardi ? Pourquoi trouvait-il  à redire puisque sur toute la ligne le président semblait suivre à la lettre son credo ?  J’avoue ne pas comprendre la logique, paradoxale, qui semblait  animer, Yehdih , et l’amenait , maintenant, à se retourner contre un Président qui s’était, jusque-là, révélé  être un de ses plus fidèle talibés  !

Visiblement le torchon brûle-t-il entre les deux compères - le  grand maître et son  élève- pour une raison mystérieuse qui nous échappe … 

Mais qui ne se souvient pas, par ailleurs, que Yehdih a toujours soutenu ces régimes militaires, autoritaires, sécuritaires, qu’il jugeait seuls à même de garantir la préservation du Système, au détriment d’une Démocratie, dangereuse, qui  laisserait  s’exprimer toutes sortes de ‘’sentiments  confinés d’injustice’’ ! Soutenus tant que ceux –là gardaient la ligne d’une Mauritanie arabe, soutenus tant qu’ils  inhibaient  les espoirs et étouffaient les revendications légitimes  des uns, surtout …Ce fut le cas avec le régime  sanguinaire de Ould Taya,  tant qu’il  constitua le gardien du Système ; il se  retourna contre le colonel  lorsqu’il le perçut  comme étant devenu  une menace à la préservation  du Système...

 Enfin Yehdih n’était il pas entrain de rejouer, en filigrane, le coup fait au Président, démocratiquement élu, Sidy O cheikh Abdallahi ?  On se souvient que c’est à partir de  son article  ‘’Eviter l’infâmie ‘’  qui sonna le tocsin, qu’une collusion de conspirateurs s’était constituée pour éjecter Sidioca de son fauteuil, lorsque celui-ci prit la résolution de corriger les dérives  du Système ;  Sidioca , était un danger pour la préservation du Système, jugea-t-il  …

Qui sait ce qui se passe dans les grands cerveaux ? Mais  si Aziz coulait, Yehdih  ne risquait-il pas de couler avec, au vu de son immense responsabilité dans ce qui nous arrive ?

Wait and see !
27 octobre 2018