Autour d’un thé : Bilingues

12 December, 2018 - 23:32

Le croustillant, chez nous, est que nous sommes tous des bilingues en tout. C'est-à-dire... mais attendez de savoir ce que je veux dire ! J’ai dit que, tous, nous sommes bilingues. Chacun connaît son domaine et bien d’autres encore. Exemple par ma « tête » : normalement, je devrais être, au moment où je vous parle, entrain d’informer les instituteurs, dans leurs écoles, sur les méthodes pédagogiques appropriées au bourrage de crâne de nos enfants. Ou, à la limite, au ministère de l’Education, histoire, au moins, de m’informer sur ce que la nouvelle ministre manigance, avec les lobbies engloutisseurs qui zombifient tous les nouveaux arrivants, en leur inoculant l’idée que vouloir sortir notre système éducatif de sa torpeur relève de la folie. Hé bien, non, ni ici, ni là : me voici, moi, entrain de « journalister » à longueur de temps ou de jouer au militant des droits de l’homme, comme il y en a en veux-tu en voilà. D’ailleurs, tous les journalistes sont de ce calibre : beaucoup d’enseignants en désertion, de militaires reconvertis, de chômeurs endurcis, d’anciens pensionnaires d’un certain célèbre hôpital et bien d’autres venus au champ, comme ça. Même chez les militaires, on trouve des bilingues, professionnellement parlant. Un capitaine encore sous le drapeau gérant de bourse de vieilles voitures. Bien droit dans ses bottes, étoiles aux épaules. Tout ça pour un peu répondre à ces gens qui nous ont emmerdés, avec un cliché diffusé sur les réseaux sociaux, peut-être fabrication de l’opposition, sinon de quelques ennemis transfrontaliers, jihadistes du MUJAO ou amis d’Amadou Kouffa. Une image, censée être relevée lors des festivités commémoratives du 58èmeanniversaire de l’Indépendance, à Néma, d’un conseiller à la Présidence faisant office de baby-sitter du petit-fils du Président. Comme si, chez nous, on était informé de ce que font nos conseillers, chargés de mission et ministres, là-bas, loin, au fond de leurs bureaux…très au fond de leurs bureaux. Au moins, celui-là, on l’a vu assis, avec le bambin sur les genoux, juste derrière le Président. Que fait un lit deux-places dans le bureau d’un ministre ? Les défilés de femmes aux portes des bureaux des très hauts responsables. Un ministre ou un conseiller doit bien servir à quelque chose. Conduire une voiture avec, à bord, la femme, le fils ou le proche du Boss ; faut quand même être sympathique, courtois et avenant. Imaginez un peu ce que ferait le gouverneur de la BCM, si Madame la première Dame se pointait à sa porte. Ou ce que ferait n’importe quel ministre, quelque part dans le désert si calme de Nbeiket Lahwach, en présence de son Excellence Monsieur le Président. La modestie, c’est bon. Après tout, un conseiller à la Présidence, un chargé de mission ou, même, un ministre reste ou un homme ou une femme ou un homosexuel. Et pas du tout « plus grand que ce que son Dieu peut lui emmener ». Qui n’est pas dans la bataille est un héros. A propos de bataille, justement, la présidentielle : même les oulémas sont bilingues. Ils avaient déjà appelé à voter UPR, il ya quelques mois. Aujourd’hui, l’un d’eux suggère de continuer à marquer le pas, serrer les fesses et ne réclamer qu’après exécution avec les militaires, pour quelques décennies encore. D’après lui, il y aurait eu, en Mauritanie, un pouvoir civil « unique », pendant dix-huit ans. Puis un intermède démocratique, avec des hommes imposés par les militaires. Puis encore du pur militaire. A cent pour cent. Maintenant, propose l’érudit des Nous Z’autres, il nous faut un homme mi-civil mi-militaire. Un civilo-militaire qui connaisse autant les choses civiles que les choses militaires. Très bien : à militaire, militaire et demi. C’est ça qu’il nous faut, parole d’érudit ! Hé, nous sommes quand même une république islamique ! Comment, alors, écouter les clowns, les troubadours, les moins que rien, et ne pas prendre au sérieux l’avis de nos illustres érudits ? Surtout les anciens. Les très anciens, toujours là depuis l’indépendance. Salut.
Sneiba El Kory