Présidentielle de Juin 2019 : Quid de la transparence ?

31 January, 2019 - 01:22

Les Mauritaniens seront appelés aux urnes, en Juin prochain, pour élire leur nouveau président de la République. Celui qui dirige les destinées du pays, depuis Août 2008, achève, cette année, son second et dernier mandat. Il ne peut en briguer un troisième, verrouillé par la Constitution. Le débat sur cette question semble désormais clos. Les derniers qui s’agitaient à fracturer la serrure, au risque de plongerle pays dans une situation incertaine, l’ont appris à leurs dépens.

C’est donc une phase cruciale que les Mauritaniens s’apprêtent à vivre. Une alternance démocratique qui, espérons-le, ne sera pas sacrifiée sur l’autel des intérêts clientélistes, mercantiles et égoïstes. A qui profitera-t-elle ? Au pouvoir ou à l’opposition qui court, depuis 2007, derrière une victoire à la présidentielle. Cette  année-là, les militaires qui avaient renversé Maaouya Sidi Ahmed Taya, vingt mois plus tôt, avait imposé leur homme, après une période de transition et des élections démocratiques, saluées par l’opinion nationale et internationale. L’opposition avait, alors, des chances réelles de remporter la bataille au second tour et, partant, de renvoyer les militaires dans leurs casernes,  ne réussissait pas à s’entendre, minée qu’elle était par des divisions internes.

Pour la présidentielle de 2019, notre opposition ne semble guère mieux lotie, même s’il existe une lame de fond, voire une espèce de désaveu de l’opinion, à l’encontre du pouvoir en place. Le référendum d’Août 2017 et la marche du 9 Janvier dernier en témoignent. La marche contre la haine et la discrimination n’a en effet concerné que les fonctionnaires, agents de l’Etat et du secteur privé. On rétorquera que les résultats des dernières élections locales de Septembre 2018, raflées  par l’UPR,  sont venus gommer  ce point du tableau.

 

Espoirs déçus

 

 Quoiqu’il en soit et en dépit des bonnes intentions affichées,  lors de son arrivée au pouvoir, en 2008, le « Président des pauvres » et pourfendeur de la gabegie n’a pas réussi à honorer l’espoir placé en lui, par les populations mauritaniennes. Un énorme fossé s’est creusé, entre une minorité de nouveaux riches  et une majorité de pauvres ;  depuis 2008, les prix des denrées des produits de première nécessité  n’ont pas baissé  une seule fois, au contraire, et  les différents programmes Emel  n’ont pas réussi à les endiguer ; le chômage ne cesse de grimper ; l’unité nationale est fortement secouée etc. Tous ces maux sont venus polluer les réalisations du Rais (routes, universités, hôpitaux, marchés)…

Mais l’opposition  démocratique saura-t-elle relever le défi de l’alternance ? Pourra-t-elle capitaliser le mécontentement d’une part importante de la population ? On s’interroge sur les conditions de transparence de la prochaine présidentielle. D’autant plus que, malgré l’approche de l’échéance, on n’entend point les différents protagonistes se positionner là-dessus.  Une question d’importance,  remise, voici peu, sur le devant  de l’actualité,  par deux sorties non moins importantes.

D’abord celle du journaliste, Imam Cheikh ould Ahmedou, qui eut à occuper d’importantes fonctions et connaît bien l’arène  politique du pays. Invité de la chaîne privée Sahel TV, il y a quelques jours,  cet observateur souhaite qu’après avoir mis fin à l’interminable cabale autour du troisième mandat, le président de la République s’attache, désormais, à l'organisation d'une « élection présidentielle libre et transparente, véritable test pour la crédibilité de la démocratie mauritanienne ». Imam Cheikh est conscient que sans transparence, point de crédibilité. Et qui mieux que le président de la République peut la garantir, en assurant des conditions minimales de consensus, entre les différents acteurs politiques, d’autant plus qu’il a reconnu devant le bureau de la CENI, les lacunes des dernières élections municipales, législatives et régionales de Septembre dernier ? 

Ensuite celle du président de la CENI, ancien ministre et ambassadeur, Mohamed Vall Ould Bellal, venu remettre, au premier magistrat du pays, Mohamed ould Abdel Aziz, le rapport de son institution sur lesdites élections. Dans une déclaration rapportée par l’AMI, le président de la CENI, qui avait lui-même reconnu des failles dans leur organisation, dit que le président de la République a exhorté la commission d'œuvrer, de toutes ses forces, pour que les prochaines élections soient meilleures que les précédentes, en ce qui concerne l’organisation, la transparence et l'égalité, parce que « c’est  l’intérêt des Mauritaniens qui est en jeu ». Et Ould Bellal de rappeler son engagement personnel à demeurer à égale distance entre les parties participant aux élections.

Cette sortie laisse croire que l’actuelle CENI organiserait la prochaine présidentielle, en dépit de ses insuffisances et des critiques dont elle a fait l’objet. Exclusivement composée de représentants de partis politiques ayant pris part au dialogue de 2016, elle ne pouvait, en conséquence, échapper aux quolibets de l’opposition dite radicale. L’AEOD l’a taxée d’instrument aux mains du pouvoir. Pourtant, Ould Bellal, que le pouvoir n’a jamais porté dans son cœur, n’a pas manqué de protester contre l’organisation d’un troisième tour à Arafat et à El Mina, pour départager l’UPR et Tawassoul. Que fera l’opposition, si l’actuelle CENI n’est pas recomposée avant la présidentielle, un souhait exprimé par le président d’APP, Messaoud Ould Boulkheir, dans une interview au Calame ? Selon le leader d’APP, cette recomposition est non seulement souhaitable mais aisément accessible, pour qu’on mette rapidement en place un dialogue entre pouvoir et opposition. Toute l’opposition, sans exclusion de quiconque.

A quelques petits mois de la présidentielle, Ould Abdel Aziz entendra-t-il le conseil d’Ould Boulkheir et d’Imam Cheikh, en organisant des concertations sur comment parvenir à des élections consensuelles, transparentes, crédibles et apaisées ? La question mérite d’être posée dans la mesure où le Président a déclaré, à qui veut l’entendre, que l’opposition ne gagnera pas l’alternance, qu’il soutiendra un candidat à la présidentielle et continuera à peser sur la politique nationale. Un parti pris qui risque fort d’entamer la crédibilité des résultats qui sortiront des urnes. Ould Abdel Aziz doit se soucier plus de son legs au pays, à l’Afrique, au monde arabe et à la Communauté internationale, que de son dauphin. Mal élu, celui-ci aurait à certainement vivre des lendemains de  contestation. Or les diverses rumeurs qui circulent sur le choix de ce successeur dauphin ne laissent guère présager une situation apaisée. Trois candidats à la candidature seraient ainsi lancés dans la course, par le pouvoir actuel. Manière de brouiller les pistes ou d'affaiblir le favori des salons de Nouakchott, le général Ghazwani qui ne devrait plus tarder pas à être mis en selle? Wait and see…

DL