Présidentielle 2019 : Khaled Bouyahmed Abass, le candidat inattendu

6 February, 2019 - 11:57

Né en 1962, toujours en porte-à-faux avec les establishments, prenant ses aises avec les codes et conventions sociales, on pourrait le croire rebelle. Il se définit plutôt comme insoumis. Ancien scout, il garde, tout de même, le respect des gens, des convenances et des lois, ce qui fait, de lui, plus un iconoclaste qu'un marginal.

Malade l'année de son bac, il ne put, pour des raisons familiales, le recommencer. C'est, donc, aussi, presque un autodidacte. Entre autres hôtelier, restaurateur, armateur de pêche artisanale, il touche à  tout. Il a l’expérience du quotidien ordinaire. Question communication, après un court passage comme employé de bureau, au quotidien arabe londonien « Chargh El Aoussat » et une petite formation au North College of London, il collabore au quotidien canadien francophone « L'express de Toronto », tout en dirigeant l'antenne locale de la Radio communautaire francophone de l'Ontario. Plus tard réalisateur, il tourne trois documentaires. Insoumis, il joute, par  écrit, en arabe, avec les autorités religieuses nationales qui semblent ne pas lui en tenir trop rigueur, jugeant ses arguments fondés sur des connaissances assez respectables, pour eux, malgré les divergences.

Militantisme d’écrit

Ses écrits sont plus des articles de fond. Son premier, publié, en 1991, par « Mauritanie Demain » en 91, valut, au directeur de publication de ce journal, Mbareck ould Beyrouk, la convocation et les rodomontades du directeur de cabinet de Maouya de l'époque, Louleid ould Wedad. En politique il est, d'abord, à l'école de son frère, ancien kadihine communiste du lycée de Rosso, avant de commencer à militer, lui-même, au lycée de Nouakchott. Plus tard partisan d'Ahmed Daddah, il refuse de le suivre à l'UDF où « l'avait entraîné les jeunes du MDI », disait-il. MDI, dont il n'était plus membre depuis longtemps mais qu'il avait contribué à fonder avec Jemal Ould Yessa et d'autres, une après-midi de 1981, au lycée de Nouakchott.

Son militantisme fut plus un militantisme d'écrit. Collaborateur à l’ONG francaise GRET, il rédige un manuel, en français et arabe, à l'usage des communes : « L'environnement dans le Coran et la Sunna ». Observateur politique, « averti », pourrait-on dire, il propose, à l'issue d’une conférence de presse, en 2006, la prolongation de la transition militaire présidée par feu Ely ould Mohamed Vall. Elle fut si mal accueillie qu'elle lui valut tous les noms d'oiseaux et quolibets possibles. Dans un entretien, accordé au quotidien « L'Authentique », en Mars de la même année, il prédit, quand même, un coup d'État militaire, dans moins de deux ans, si les élections étaient maintenues à leur date prévue. Il ne se trompa que d'une année : ledit coup d'Etat intervint un an plus tard.

Mécène à ses heures, il s'occupe d’un art délaissé, mettant une partie de sa maison à la disposition des artistes plasticiens, pour y établir une galerie d'exposition et ateliers de peinture. Parcours donc des plus atypiques pourrait-on dire. Il se dit l'homme d'un programme. Si Ahmed Daddah fut le candidat ; fait-il remarquer, de la rupture avec les régimes militaires ; Messaoud, Sarr et, aujourd'hui Birame, les candidats de réclamations identitaires ; Zein ould Zidane et Sidi Ould Cheikh Abdallahi, plutôt des candidats du système,  il serait, lui, le candidat d'un programme national. Un programme étonnement détaillé et multisectoriel, rédigé par les seuls soins de cet autodidacte qui dit vouloir réformer, en profondeur, le système financier, le rendre plus adéquat et performant ; refondre la justice, pour plus de célérité ; et rendre le pays plus attrayant aux investisseurs. Il propose également une réforme de l'éducation et de la formation professionnelle. Une redynamisation de la cohésion sociale. Il veut faire, de la culture, un outil dans la lutte contre les idéologies extrémistes ; du sport, un nouvel horizon pour les jeunes et, de l’agriculture, un outil de la préservation de l'environnement, plus lucratif pour les petits agriculteurs.

Issu d’un milieu assez respecté dans tout le pays, pourrait-il devenir le joker de consensus, d'un camp ou de l'autre ? A voir. Un outsider ? Très certainement.

Ben Abdalla