Trois questions à Brahim Bakar Sneiba, ancien commandant de l’Armée, journaliste : ‘’Même si Ghazwani a une amitié quasi- fusionnelle avec son ami Aziz, cela ne veut pas dire qu’il est obligé de maintenir le statu quo’’

27 February, 2019 - 23:42

Le Calame : Le président Ould Abdel Aziz a désigné celui qui défendra les couleurs de la majorité lors de la présidentielle de juin prochain. Il s’agit en l’occurrence de votre frère d’armes, le général Mohamed Ould Ghazwani. Si vous avez à présenter l’homme, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’est pas très connu, du fait entre autres de sa nature réservée, que diriez-vous ? Quels sont les traits saillants de son caractère ?

Brahim Bakar Sneiba : Je ne dirais pas qu’il est réservé, il est plutôt dosé et posé dans ses comportements et ses relations avec les autres. Avec une sérénité constante, il a tenu en respect les Mauritaniens trop familiers avec les dirigeants. Repu aux valeurs soufies, bien formé dans les grandes écoles, il a su commander aux hommes avec une grande souplesse sous-tendue par la fermeté. Devant tous les évènements, il sait garder sang-froid et ascendant sur les autres.

Le fait de respecter son devoir de réserve pendant dix ans, relève d’un exploit. Imperturbable, il a écouté, serein, la cacophonie du microcosme politique mauritanien qui bourdonnait à ses oreilles.

Au lieu de parler, il a usé du calme ; au lieu de faire du mal,  il s’est efforcé de faire du bien. Il a forcé l’estime de tout le monde. Jamais homme n’est plus estimé que lui, aujourd’hui, en Mauritanie.

S’il arrive à se faire élire, est-ce qu’on peut dire que dans ce cas, la maison sera bien ‘gardée’’ ?

 Il n’y a pas une maison à garder ; il y a des chantiers à lancer. Le problème n’est pas uniquement politique et spécifiquement centré sur la maison du pouvoir.

Même s’il a une amitié quasi- fusionnelle avec son ami Aziz, cela ne veut pas dire qu’il est obligé de maintenir le statu quo. Le fauteuil du pouvoir n’est pas un tandem, non plus une voiture d’Auto-école à deux commandes. Les beni Hassanes disent que « le pouvoir est la poignée d’un sabre ». Quelle que soit la fraternité des deux hommes, ils ont chacun sa façon de commander. « Dans toute manière de voir, se projette une manière d’être ». Mohamed O cheikh Mohamed Ahmed ne cherchera pas des poux à son ami, mais il sera lui-même. Pourquoi d’ailleurs croire qu’Aziz serait l’empêcheur de tourner en rond. Il a réalisé de grandes choses et son expérience très fournie profitera certainement à son successeur.

Partagez-vous l’avis de ceux qui disent qu’il n’y aura de véritable démocratie en Mauritanie que quand les militaires rentreront définitivement dans les casernes ?

Je pense qu’il faut faire la part des choses. Dans une démocratie, on est presque toujours à la recherche de l’homme providentiel, de la perle rare. Alors, il faut séparer le bon grain de l’ivraie.

Il est vrai que l’élément naturel et la fonction régalienne confiée aux militaires les prédestinent aux casernes, mais si d’aventure et du fait de l’incurie des civils, des militaires font irruption dans l’arène politique, un spécimen peut faire mieux qu’un civil…Tant il est vrai qu’on est toujours mieux chez soi. De toute façon, à défaut d’un civil charismatique et sachant bien gérer la chose publique pour une Mauritanie multiculturelle et multiethnique, le pouvoir prétorien va perdurer.

Propos recueillis par AOC