Présidentielle 2019 : Les candidats de l’opposition, tout droit à la Bérézina ?

30 May, 2019 - 04:30

L’issue de la prochaine présidentielle est diversement prévue, selon qu’on est du côté du pouvoir ou de l’opposition. Les candidats de celle-ci croient, dur comme fer, que le scrutin du 22 Juin est très ouvert, qu’on pourrait même assister, comme en 2007, à un deuxième tour, se fondant sur le rejet du pouvoir par la majorité des Mauritaniens. Pour eux, le règne d’Ould Abdel Aziz a fini par les rebuter, tant les pratiques de corruption, népotisme et clientélisme ont attisé la déliquescence de l’administration et les tensions communautaires. Et la très forte implication du président de la République pourrait polluer, disent-ils, la campagne d’Ould Ghazwani le candidat de la majorité, accusé, de son côté, de jouer au Medvedev,  un jeu tout aussi déroutant  pour l’opinion que pour ses soutiens. Il s’accommode, à ce jour encore, avec le  diktat de son ami, Ould Abdel Aziz…mais jusqu’à quand ? Ils  ajoutent également  que certains candidats, notamment Ould Boubacar, pourraient surprendre. L’homme de Cheggar ne cesse d’engranger d’importants soutiens. Tandis que le camp du pouvoir n’est pas homogène : l’UPR  n’est plus que l’ombre d’elle-même, les gesticulations du troisième mandat ont laissé de sérieuses traces dans ses rangs.

Pour le camp du pouvoir, la victoire d’Ould Ghazwani ne souffre, évidemment, l’ombre d’aucun doute. Le candidat a été imposé par un président  de la République encore en exercice, un homme qui détient, encore et toujours, tous  les leviers du pouvoir et… les clefs des coffres. Il a même annoncé la couleur, en déclarant haut et fort s’engager dans la campagne, pour éviter une  défaite à son candidat ; en plaçant, à des postes stratégiques, ses hommes dans le staff de campagne : le ministre du Pétrole, Mohamed Ould Abdel Vettah, et le ministre des Finances, Ould Djay ; et en appelant, enfin, tous ses interlocuteurs  à voter pour son dauphin. Il a même entamé des visites de proximité à l’intérieur du pays. Autant d’occasions pour inviter les citoyens à voter pour celui qui perpétuera son règne. Des atouts de loin incomparables à ceux des candidats de l’opposition.

Les Mauritaniens sont connus pour leur versatilité, leur appétit pour l’argent et les promotions de complaisance ; rares sont ceux qui supportent la traversée du désert. La politique est, pour eux, le plus facile des gagne-pain, la voie la plus rapide pour s’enrichir, certes pas la passion du service et du bien commun. Pour preuve, la prolifération des initiatives de soutien au candidat Ghazwani depuis que celui-ci décidé de briguer la magistrature suprême. Des initiatives très intéressées. Et l’on prie pour ce cadre, Habib Hemet, lourdement chargé de coordonner  tout ce beau monde, au sein du staff de campagne de Ghazwani. Voyez nos « ONG-cartables » qui écument la capitale, photos du candidat en proue et jusqu’en leur siège, quand elles en ont un. Tous courent à la mangeoire.

Ces optimistes pourraient-ils compter sur la CENI ? Très décriée par les candidats de l’opposition qui la croient incapable de tenir un rôle d’arbitre impartial, majoritairement composée qu’elle est de partis favorables au pouvoir, elle s’en défend, par son président : tout en reconnaissant  le défi à relever, il invite les acteurs  politiques à lui apporter  leur soutien et  à ne la juger qu’à la tâche. On veut bien le croire… en attendant les résultats du vote. Mais, face à ces énormes atouts, variablement pesants, certes, mais on ne peut plus réels, l’opposition pourra-t-elle s’éviter la Bérézina ?

DL