Présidentielle 2019 : Position "inconfortable" des élus et cadres négro-africains de la majorité

16 June, 2019 - 18:15

Lancée depuis le 7  juin dernier, la campagne présidentielle se poursuit  non sans une certaine morosité. L’argent  toujours attendu  en pareille circonstance  n’a pas coulé à flot. Du moins pour la majorité des engagés. E t le moins que l’on puisse dire c’est que les négro-africains de la majorité  se  retrouvent dans une position  inconfortable au niveau des régions où  vit cette composante. En privé, les  élus et cadres  n’hésitent pas à exprimer les difficultés qu’ils éprouvent à battre campagne sur le terrain, ce qui les empêche jusqu’ici  de délier  les cordons de la bourse. Et pour cause, les populations négro-africaines dans leur majorité penchent  ouvertement pour  le candidat  de la  Coalition Vivre Ensemble (CVE)  soutenant  Kane Hamidou Baba. Ici, la majorité des  citoyens, en particulier les jeunes   affichent clairement leur intention  d’opérer un  «  vote identitaire » ou un vote de protestation. C’est selon. La coalition réclame plus de  représentativité dans les institutions,  la répartition  équitable des  dividendes  tirées  des ressources du pays, l’emploi  des jeunes  et la promotion des cadres noirs, plus d’accès à l’état civil, une administration proche des populations, parlant leur langue, l’enseignement des langues nationales Pulaar, Soninke et Ouolof…   Un discours  qui fait mouche dans les régions du sud  mais dénoncé  par les cadres de la majorité en campagne dont certains  restent assez prudents  par rapport au mécontentement des populations ; ils  redoutent  un retournement de bâton du pouvoir  et  une exploitation par des chauvins d’un tel positionnement.

 En effet,  les  élus et cadres de la majorité  peinent  donc à convaincre les  citoyens  sensibles au discours des candidats de l’opposition, en particulier celui de Kane Hamidou Baba dans la vallée. La corruption habituelle  et les intimidations ne semblent pas  préoccuper, outre mesure,  les  citoyens de ces contrées. On ne peut pas endurer plus que  ce que  nous  avons enduré, lâche -t- on  au sein de cette population. Des populations  qui  se sentent marginalisées par le pouvoir en place depuis une dizaine d‘années. « Le gouvernement ne nous a  pas facilité la tâche dans la mesure où les cadres  noirs de ce pays sont  très mal représentés dans les institutions administratives, civile et  militaire et de sécurité », nous avoue un élu de la majorité  ayant requis l’anonymat. Et d’ajouter, après  une large victoire de l’UPR, lors des dernières  élections locales,  nos cadres  n’ont  pas  été récompensés, on a plutôt promu les battus. Et  aujorud’hui, la désignation de Niang Djibril comme directeur  national de campagne du candidat Ghazwani  n’a pas produit un effet d’entrainement.  Les cadres  négro-africains  venus  apporter leurs doléances  au candidat  Ghazwani, peu avant la mise en place de son directoire de campagne, déplorent  l’absence  de concertation  pour le choix des membres de celui-ci et l’implication d’autres dans les démembrements.  En outre,  ils estiment  que celui-ci étant  flanqué d’un directeur  national adjoint, d’une part  et  de deux ministres fidèles du président Aziz,  à la tête des plus importantes commissions de la campagne, d’autre  part  n’a pas les mains libres. Les cadres de la majorité regrettent  également le  départ de Bâ Coumba  et de Diallo Mamadou Bathia du gouvernement, soulignant que  la promotion de Djinda Bal n’a pas apporté  d’enthousiasme dans les rangs des   partisans du pouvoir.  La réaction hostile des jeunes dans  certaines villes du sud, au cours  de la visite de précampagne du candidat Ghazwani   était un signe précurseur  de protestation  que les  hauts responsables du pouvoir n’ont pas su anticiper ou décrypter. Même  si  d’aucuns considèrent que ces  protestations  isolées sont destinées  au président Aziz, elles sont néanmoins un message fort au candidat Ghazwani  qui n’ignore pas la situation que vivent  les populations de cette partie du territoire depuis 1989. Le candidat de la majorité a été, entre autre, le directeur général  de la sureté nationale (DGSN), chef d’état major général des armées.

 Face à l’attitude du gouvernement d’Ould Abdel Aziz  en place depuis une décennie et la campagne agressive de la CVE,  les cadres noirs de la majorité se retrouvent donc  dans  une position délicate. Un cadre de l’UPR  joint ce 15 juin à Rosso avoue que la campagne n’est pas facile.

Répliquant  à la  coalition vivre ensemble, certains cadres de la majorité  disent ne pas comprendre  que  ses  responsables jouent  la carte communautariste alors qu’on est dans une République unie. En démocratie, chacun  est libre d’assumer ses choix, rappelle  un cadre de la vallée. Ils leur contestent  par la même  occasion  la « légitimité » de parler seuls, au nom de toute  la communauté négro-africaine.  Aussi, même s’ils disent comprendre la légitimité de ses  revendications, ils auraient souhaité  une concertation sur la démarche à prendre. « Aucun d’entre nous, en particulier les élus locaux n’a  été invité ou associé aux  négociations  menées  par les partis de la coalition, au nom de la communauté,  on est concerné par tout ce qui touche celle-ci, proteste un élu avant d’ajouter, le candidat de la coalition ne pourra pas dépasser  8% des suffrages  parce que toute la communauté ne va pas voter pour lui.

Dans tous les cas,  le fossé  ne cesse   s’élargir entre les cadres négro-africains de la majorité et  de l’opposition, en particulier ceux de la CVE au fur et à mesure que le scrutin du  22 juin s’approche. Pourvu tout simplement qu’il n’impactera pas davantage  négativement sur  la situation  difficile la composante pour laquelle ils se battent, disent-ils.