Biram à Inal : sous le seau du recueillement

29 November, 2019 - 09:57

Rendu tristement célèbre par l’exécution de vingt-huit soldats négro-mauritaniens, lors de la célébration du 30ème anniversaire de l’Indépendance, Inal est aujourd’hui une localité fantôme. Au fil de l’amplification de la barbarie commise le 27 Novembre 1990, la localité s’est vidée de ses habitants. Les dunes de sable ont pris possession de nombreuses bâtisses tombées en ruines. Faute de fréquentation, l’école est fermée. Tout comme le dispensaire, faute de patients. Ceux qui sont restés se comptent sous le bout des doigts.

Ce jeudi 28 Novembre 2019, l’émotion était à son comble. Accompagné de son ancien directoire de campagne, composé de l’honorable Coumba Dada Kane, de l’ex-ministre Oumar ould Yali et de la délégation d’accompagnement, Biram Dah Abeïd s’est recueilli sur les tombes des victimes, sous les regards indifférents du chef d’arrondissement (intimant l’ordre aux journalistes de ni filmer ni photographier), du maire  et d’une poignée d’habitants de la localité.

Pour Biram Dah Abeïd, « ce déplacement à Inal [le second après celui de 2011, ndlr]  doit s’inscrire pour de bon dans les dates de la vie de la nation mauritanienne. Le 27 Novembre doit être retenue  en Journée des martyrs d’Inal, de Jreïda, de Laguerra, d’Azlat,  un peu partout où sont disséminées les fosses communes, les tombes anonymes  de ces martyrs qui périrent en cette épuration ethnique qu’ont vécue les Mauritaniens, une plaie toujours béante, pas encore soignée ni en conséquence cicatrisée ». Selon le leader abolitionniste, des préalables s’imposent : « d’abord l’abrogation de l’amnistie  de 1993 qui absout ceux qui ont commandité,  pensé et/ou exécuté  ces crimes de sang, ces assassinats collectifs ».

Un autre préalable avancé par le président de IRA Mauritanie : « le retour de tous les déportés. Je pense au doyen Aldiouma Cissokho, à  son association de réfugiés basée au Sénégal et autres réfugiés au Mali. Il faut une réhabilitation totale et  solennelle des victimes dont les noms ont été souillés par la propagande de l’État, avant que leurs corps et leurs âmes ne tombent sous le coup de cette barbarie. Il faut aussi la révision de ce qui a été déjà fait comme réhabilitation modique, réparation indigne, réparation opaque par une procédure et des méthodes pas du tout  transparentes. Je pense qu’il faut encore repenser le vivre ensemble, dans des journées de réflexion de communion nationale entre les communautés mauritaniennes, et la promotion de toutes nos langues ».

« Concrètement », indique le député, «  il faut travailler  à obtenir un rapport positif de forces au sein de  l’Assemblée nationale qui pourra renverser la vapeur ;  je  pense au mandat prochain où notre parti, s’il est autorisé, détiendrait une force non négligeable au sein du Parlement. Le premier acte sera de voter et mettre en œuvre une loi abrogeant l’infamante amnistie. Il est aussi clair que si j’obtiens, moi Biram, le pouvoir en Mauritanie,  si je suis élu président de la République, j’opérerai  des changements notoires sur ce  dossier, à savoir l’institutionnalisation du 27 Novembre en journée de deuil et  des martyrs, la mise en place  d’une  justice transitionnelle de réparation et de réconciliation sur ce très grave dossier », a-t-il promis.

Et d’adresser toutes ses pensées aux victimes, aux rescapés, aux veuves et orphelins (Djary Toumbo, Maïmouna Sy,  mère Houlèye Sall, Bocar Kamara et  tous les autres) de ce « drame qui n’a pas connu la vérité et la lumière, les réparations et la mémoire nécessaires ». Puis de lancer un appel à tous les Mauritaniens et Mauritaniennes, chef de l’État en tête, de bien « accomplir leur devoir  de mémoire, rétablir la nécessaire vérité et l’impérative lumière, procéder aux réparations en souvenir de ces victimes ».

Pour  Oumar ould Yali, « cela fait trop longtemps que le problème reste sans solution. Or, si vraiment le pays doit avancer, si vraiment le pays souhaite s’inscrire dans la lignée des pays dits de démocratie et de justice, les problèmes, en général, ne doivent pas être occultés et, plus particulièrement, les problèmes de ce genre. J’espère qu’avec ce tournant décisif dans l’histoire de notre pays, les orphelins et les veuves pourront connaître la vérité sur les exactions, que justice sera rendue, afin qu’une solution soit trouvée et que le pays redémarre sur de nouvelles bases ». Coumba Dada Kane estime, elle aussi, que le dossier du passif humanitaire a trop duré. Elle appelle les Mauritaniens à exercer, d’un seul bloc, des pressions  sur Ghazwani  pour que la lumière soit faite, sur ces exécutions extrajudiciaires.

Pour Sow Souleymane, orphelin, « aucune réconciliation ne peut se faire en Mauritanie, tant que le dossier du passif humanitaire n’aura pas été élucidé ».

Après avoir quitté Nouadhibou en début d’après-midi, la délégation de l’ancien directoire de campagne du candidat à la présidentielle n’a pu rallier Inal qu’au petit matin. Aussitôt après le cérémonial de recueillement, Biram a fait cap sur Chami où il s’est entretenu, dès son arrivée, avec les autorités locales, avant de tenir, dans la soirée, un rassemblement avec ses partisans.

THIAM

Biram achève la première phase de sa tournée

Biram Dah Abeïd a bouclé, samedi 30 Novembre à Chami, la première phase de sa tournée à l’intérieur du pays, pour s’enquérir de la situation des populations et les  remercier de leur soutien durant la dernière présidentielle. Biram projette de retourner à Dakhlet Nouadhibou le 23 Décembre prochain, pour visiter les sites d’orpaillage à Chami  et la Zone franche de Nouadhibou.

Le président d’IRA Mauritanie tire, au micro du « Calame », un bilan positif de sa première sortie : « Nous sommes satisfaits de la mobilisation  de l’administration territoriale, des représentations des démembrements territoriales de l’État, des  départements ministériels. Nous remercions  le wali et tous les autres représentants des institutions régionales gouvernementales. Ils nous ont accueilli promptement  et noué des discussions  franches et sereines avec nous ». Biram et sa délégation ont visité et se sont longuement entretenus avec les responsables des Directions régionales de l’Enseignement, l’inspection régionale du Travail, les services sanitaires régionaux (DRAS) et l’hôpital espagnol. « Nous avons visité la mairie de Nouadhibou, la SOMELEC régionale, la SNDE, l’ONISPA chargée de de vérifier la qualité des produits halieutiques et la SNIM. Nous avons amplement discuté avec les travailleurs  mais aussi avec l’Administrateur Directeur Général de la SNIM. Nous avons rencontré les populations. Nous avons recueilli auprès d’elles toutes les difficultés  qu’elles rencontrent. Nous avons pu agencer tout ça. Un rapport  détaillé sera transmis aux autorités compétentes  mais aussi à l’opinion nationale et internationale, à travers  la presse ».

Il revient sur sa visite à Inal en compagnie de l’honorable Coumba Dada Kane, Oumar ould Yali et de toute sa délégation d’accompagnement : « Nous nous sommes recueillis sur le site des martyrs d’Inal. Nous pensons que ce n’est pas nous seuls qui devons y venir. La Mauritanie toute entière, la République représentée par le chef de l’État,  le gouvernement, l’armée et le peuple mauritanien dans toutes ses composantes, doivent revisiter cette question de l’épuration ethnique qui a endeuillé le pays durant les années 80 et 90, emportant dans son malheureux et triste sillage beaucoup de fils et de filles mauritaniens arrachés de leurs pères et de leur  patrie, dépossédé certains autres de leurs biens . Beaucoup de nos compatriotes, cadres dans nos services publics et privés, ont été radiés de leurs fonctions. Tout ceci doit être revisité  de manière sereine, par  toutes les composantes de notre Nation, l’État, le gouvernement, les partis politiques, la Société civile, pour corriger  la dérive la concernant. Tous les Mauritaniens doivent dresser une sépulture décente à toutes ces personnes qui ont péri à Inal et ailleurs ».

Par ailleurs, Biram estime que « les sites d’orpaillage recèlent trop de dangers. L’esclavage moderne  s’y est largement développé, en sus des problèmes sanitaires et environnementaux liés à cette activité ». Relativement à la pêche artisanale, il indique que le secteur « continue  à vivre, lui aussi,   une situation d’esclavage moderne », avec, notamment, les dangers liés au « manque de sécurisation des bateaux ».  Selon lui, « la tentative de réforme initiée par le département des pêches souffre de beaucoup d’injustices mais aussi de discriminations qui frappent le maillon faible de la chaîne, à savoir les travailleurs qui risquent  leur vie ». L‘ancien candidat à la présidentielle classé deuxième déplore le sort de « 60% de la main d’œuvre des  sociétés comme la SNIM, la SOMELEC et la SNDE, toutes sous le joug de la sous-traitance qui « gangrène et empoissonne la vie des travailleurs. […] L’enseignement croupit  sous le poids du laxisme des départements centraux des ministères de l’Enseignement. 40% de l’effectif officiel enregistré dans les différents  services sont versés au laisser-aller et l’oisiveté totale, sinon en détachement dans d’autres départements ministériels, directions centrales au ministère ou dans les directions régionales. Autant d’instituteurs et de professeurs qui n’enseignent pas, en dépit du manque évident d’enseignants au  Dakhlet Nouadhibou ».

Enfin, clair constat du député qui y voit une des causes de la situation susdite,  «  les salaires des enseignants sont très bas […] il va falloir procéder à leur nette révision à la hausse. C’est une tâche  primordiale  et fondamentale dans la  marche  du pays vers le progrès », conclut-il.

TM